Les sénateurs sucrent leur dossier
lll Lundi après-midi, à la veille d’une entrevue en Allemagne entre les représentants de la CGB et le directoire de Südzucker, dont nous ne connaissons pas le résultat à l’heure où nous mettons sous presse, une délégation transpartisane de sénateurs, députés et élus locaux pilotée par Sophie Primas (sénatrice des Yvelines et présidente de la commission des affaires économiques) a rencontré la direction de la sucrerie de Cagny avant d’échanger avec les salariés, les planteurs et entrepreneurs de travaux agricoles pour affiner une stratégie de combat.
« Enfumage désagréable. Détournement de la loi Florange. Un dossier industriel avant un dossier agricole qui mérite le soutien de Bruno Le Maire et Edouard Philippe (des Normands). Un faux nez sur la réalité. Une guerre économique contre les Allemands...» A la sortie d’une entrevue où les élus de la République ont du déposer leur carte d’identité à l’accueil de la sucrerie, le constat est sans appel. « Je ne vais pas vous mentir, ce n’était pas terrible. Il s’agit d’un détournement très clair de l’utilisation de l’usine. Nous ne sommes pas d’accord avec beaucoup de choses. On ne peut pas accepter cette situation au niveau parlementaire même si ça va être compliqué. Il faut continuer à mettre la pression. Nous avons le soutien du président Larcher (Ndrl : le président du Sénat) », a synthétisé Sophie Primas devant une centaine d’acteurs de la filière sucrière. « Il faut que l’on sache jusqu’où les élus sont prêts à s’engager », avait souligné au préalable Patrick Dechaufour (président de la CGB Calvados, Orne et Sarthe) qui s’est dit déçu de « l’engagement du ministre de l’Agriculture sur ce dossier qui n’a pas porté ses fruits ».
D’une modification de la loi Florange à une nationalisation
Entre des entrepreneurs de travaux agricoles au bord de la crise de nerfs et des planteurs qui veulent encore y croire, les élus de la République disposent encore de marges de manœuvre mais à actionner dans les plus brefs délais.
Modification de la loi Florange, voire même nationalisation partielle de l’outil, ont été évoquées, comme pistes de travail crédibles.
« Sans rompre l’union sacrée, il faut arriver à obtenir le soutien du Gouvernement qui doit mettre le pied dans la porte. Nous, on ne peut pas tordre le bras des Allemands », a martelé en guise de conclusion la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat. Avec ou sans canicule, l’été sera chaud.
Ils ont dit aussi
lll Sébastien Leclerc (député du Calvados) : « depuis l’annonce, en février dernier, de la volonté du groupe Südzucker de fermer l’usine sucrière de Cagny et d’Eppeville, de nombreuses initiatives ont été menées, tant par l’interprofession betteravière que par les élus locaux et parlementaires. Aujourd’hui, alors que les planteurs de betterave ont formulé depuis plusieurs semaines une proposition de reprises des sites, le groupe Südzucker n’a toujours pas apporté de réponse à cette proposition. Si la volonté initiale de Südzucker a pu interroger, à savoir de transformer les usines en site de stockage, plutôt que de les fermer; il apparaît aujourd’hui clairement qu’il s’agit d’une démarche réfléchie de cet industriel, pour ne pas avoir à respecter la loi Florange qui oblige, depuis 2014, un industriel à chercher à vendre une usine, plutôt que de la fermer. Ce constat m’amène aujourd’hui à déposer une proposition de loi visant à contraindre les industriels aux mêmes obligations de cession d’un site, dès l’instant où ils y envisagent une réduction substantielle d’activité. La notion de réduction substantielle d’activité comprend à la fois la réduction du nombre d’emplois d’au moins 50 % et se trouve combinée à la mise à l’arrêt d’une partie de l’outil de production ou encore à l’arrêt d’une partie des phases de production précédemment réalisées. Avec cette proposition de loi, les salariés ou fournisseurs qui voudraient reprendre une usine, plutôt que de la voir fermer, seront ainsi demain assurés qu’une discussion sera possible avec le propriétaire du site ».
lll Pascal Allizard (sénateur du Calvados) : « la motivation est là. On a besoin de toutes les bonnes volontés et de tous les bords politiques. Il existe une option : pourquoi pas une nationalisation partielle ? Ça se regarde. C’est aussi un outil de politique industrielle ».
lll Loïc Touzé (représentant Force Ouvrière de la sucrerie de Cagny) : « il nous fallait assurer un parachute aux salariés qui vont être licenciés. Notre PSE est d’un très bon niveau mais il est à la hauteur de Südzucker. Ne vous laissez pas impressionner. Südzucker s’est mis en situation déficitaire et de précarisation de ses actifs parce qu’il voulait fermer des usines et recentrer la production vers les pays de l’Est. Nous allons continuer à soutenir les planteurs ».
lll Sonia de la Provôté (sénatrice du Calvados) : « la présence de Sophie Primas donne une dimension supérieure à la mobilisation. Ce qui se passe ici est le début d’une longue série. Il faut arriver à recréer un modèle économique qui tienne la route dans un modèle français alors que l’économie allemande repose sur l’exportation ».
lll Jean-Yves Heurtin (président de la chambre d’Agriculture du Calvados) : « je n’ai pas entendu l’ombre d’une réponse de la part du ministre de l’Agriculture. Quant au projet de nationalisation, banco pour faciliter la tâche de la CGB demain ».
lll Arnold Puech d’Alissac (président de la FRSEA Normandie): « la remontada, ça existe aussi en agriculture ».
lll Un planteur de la plaine de Caen: « C’est une guerre économique contre les Allemands que nous sommes en train de perdre ».
Propos recueillis par Th. Guillemot