Des grenouilles made in Normandie
La raniculture n’est pas commune en France et encore moins en Normandie. Les deux frères Leraisgner, installés à Vesly (près de Lessay), se lancent dans l’élevage de grenouilles. Une filière soutenue par la Région Normandie.
Matthieu et Guillaume Leraisgner ont réhabilité une ferme dans la Manche pour y élever des grenouilles. Un défi qu’ils ont relevé tous les deux, passionnés par leur nouvelle activité, et donné naissance à l’entreprise Normandy Frog.
De la pisciculture à la raniculture
La réflexion remonte à quelques mois, lancée par Guillaume Leraisgner, installé depuis 2010 comme pisciculteur au moulin de Rozel à Saint-Martin-d’Audouville où il y élève des truites bios. « J’ai toujours pensé qu’on pouvait développer autre chose », assure-t-il. Et c’est vers les grenouilles qu’il a conduit son frère. Une aventure qui a vu le jour il y a quelques semaines à Vesly. Les premiers coups de pelle ont été donnés il y a treize mois.
Une première en Normandie
Déjà dans le milieu de l’apiculture, Guillaume Leraisgner voulait maitriser toute la filière, de la reproduction à la commercialisation. Ils se sont inspirés sur la seule expérience qui existe en France, dans la Drôme pour débuter leur entreprise.
Les premiers géniteurs sont arrivés au printemps. Ils ont pris place dans des bassins construits sous 1 700 m2 de serres. Une construction imaginée de toute pièce par les deux frères, et plus précisément Matthieu, doté d’une expérience professionnelle dans le bâtiment. « Nous avons 60 bassins de différentes tailles en fonction de l’évolution des grenouilles », explique-t-il. « L'idée, c'est d'être compact, pour éviter d'empiéter sur les terrains agricoles autour », complète le frère.
Peu de bruit
Avant de débuter, les deux frères ont dû décrocher les autorisations sanitaires et financières. Effectivement, diverses études ont été réalisées comme celles pour mesurer les nuisances sonores. « En limite de terrain, c'est moins bruyant qu'un lave-vaisselle », sourit Guillaume. Ils travailleront également en circuit fermé. « On aura une qualité d'eau digne d'une rivière à saumons. Les rejets seront valorisés dans un plan d'épandage », expliquent les deux éleveurs.
Au bout de quelques semaines, l’élevage a déjà pris de l’ampleur. Les 500 mâles et 500 femelles ont donné vie à 20 000 grenouillettes et
100 000 têtards. Les bassins vont ainsi se remplir au fur et à mesure.
De la grenouille verte
« L'espèce que nous allons élever est la grenouille verte Rana ridibunda », indique Guillaume Leraisgner. Elle est issue d'une souche spéciale, obtenue grâce aux travaux de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Rennes. « Et comme il faut signer une licence avec l'Inra, nous allons travailler avec le seul qui en a une en France : le pionnier, François production, dans la Drôme ».
Les cuisses de grenouilles, qui sont les seuls morceaux qui intéressent les consommateurs, seront destinées aux restaurants haut de gamme, mais aussi aux épiceries, à la grande distribution ou aux particuliers. Le pisciculteur va s’appuyer sur son réseau développé pour la truite bio.
L'objectif à terme pour Normandy Frog est de produire 20 tonnes vives par an. Les cuisses représentent 40 %. A la clé, trois ou quatre emplois sont prévus. « Il n’y a pas de mécanisation, tout doit se faire manuellement », précisent les deux frères.
Aidés par la Région
En visite sur le terrain le 28 juillet dernier, Hervé Morin, président de la région Normandie indique que « la raniculture est une filière émergente en Normandie avec un potentiel économique important. Plusieurs projets de production aquacole sont répertoriés sur le territoire, accompagnés par la Région pour l’implantation de la filière ». Alors, Normandy Frog a été soutenu par le Conseil régional en cofinancement avec le FEAMP à hauteur de 161 110 euros d’aides régionales et européennes pour
322 220 euros d’investissements. Mais en matière de rainiculture, « on a tout à apprendre », admettent les services de la Région. A la sortie des premières cuisses de grenouilles, des événements pourraient être organisés, et notamment Hervé Morin s’est engagé à en faire la promotion auprès de restaurateurs parisiens, adeptes de produits de qualité.