Témoignagne d'un agriculteur Malien
2013 remise à zéro des compteurs
Alors que les forces franco-maliennes reprenaient Niono, ville clé, la semaine dernière, Faliry Boli, producteur, responsable de la plate-forme des riziculteurs au niveau national, entamait un plaidoyer pour un réel changement dans son pays.
Le ton est ferme, les paroles soigneusement pesées. Malgré les milliers de kilomètres, la communication passerait plutôt bien sans quelques grésillements entre la bourgade de Niono, chef lieu de la région, et la France. Faliry Boli, président de la plate-forme nationale des riziculteurs, entame dès notre liaison un véritable plaidoyer pour un changement entre les paysans et l'actuel gouvernement, le tout sur fond de guérilla Islamiste et de revendications Touaregs. Guérilla contrée par le pouvoir malien, largement soutenue dans sa reconquête des territoires par l'armée Française. En fait, pendant la discussion, nous ne parlerons peu des combats mais plutôt de ses causes et conséquences. Pour Faliry Boli, la priorité, c'est les cultures. « La situation à Niono, j'habite à quelques kilomètres de la ville, était difficile en raison de l'insécurité ambiante. Impossible d'aller cultiver nos champs, dont une partie est consacrée au maraîchage ». Mais Niono, c'est aussi une des perles du Mali avec la plus grosse production de riz. Une région qui suscite depuis des années une convoitise de la part des asiatiques. La Chine n'a pas hésité à investir dans des milliers d'hectares provoquant la colère des producteurs locaux.
Beaucoup de réfugiés
La nourriture en Afrique, et particulièrement au Mali, une priorité. Ici, les habitants sont à des années lumière des petites tracasseries de la vie quotidienne occidentale. « Nous avons subi une flambée des prix dans les commerces locaux. Aujourd'hui, ces prix sont normaux». Logique, Niono, à 350 kilomètres de Bamako, la capitale, est revenue sous contrôle des forces Franco-Maliennes. Ce que nous appellerons pudiquement des règlements de comptes étaient en cours lors de mon appel, vendredi dernier. Faliry Bolo lâche, « on ne fait pas de guerre sans morts. Personnellement, je suis contre les excès de vengeance mais pour les tribunaux » Et d'embrayer sur l'afflux de réfugiés venus des alentours (50 kilomètres à la ronde) chercher une sécurité précaire à Niono. Il y a eu trop d'exactions dans les campagnes».
Parler avec Faliry Boli, c'est aussi entamer un dialogue passionné sur l'injustice régnante au Mali. « En France, vous avez eu, au départ de ce conflit, des informations erronées. D'un côté, nous avions une lutte menée par les Touaregs. Puis les Islamistes, eux, sont montés en puissance et la situation a dégénéré ; les deux n'étaient pas ou peu liés ». Donnée importante, la rupture intervenue depuis longtemps entre le peuple malien et ses dirigeants. « Dirigeants qui n'ont pas de véritable projet pour le pays et son agriculture. Ce que nous voulons ? Un changement complet du système basé à Bamako avec une gestion du pouvoir plus équitable. Même sans les Touaregs et les Islamistes, il y aurait eu des heurts » Et Faliry d'enfoncer le clou, « oui à la révolte, plus de justice, non aux armes ».
Chaque Malien, un soldat
Les minutes s'écoulent, la voix diminue d'intensité par moment mais n'hésite jamais. Faliry fait passer ses messages. « Le monde entier est actuellement en train d'aider le Mali. Grâce à la France, nous allons avoir le dessus sur les Islamistes et la Charia. Chaque Malien se considère désormais comme un soldat ». Notre homme va résolument de l'avant, « lorsque le conflit sera terminé, avec de la volonté et l'aide d'autres pays, nous pourrons nous organiser pour vivre décemment de notre agriculture ». Et de saluer au passage le travail déjà effectué depuis des années avec l'AFDI et les projets en cours. Pas de doute, le Mali, avec ou sans les Islamistes, a entamé sa mutation. Beaucoup d'obstacles vont se dresser sur sa route, à commencer par les narco-trafiquants. Depuis quelques années, les vastes étendues désertiques du pays accueillent parfois des avions venus d'Amérique du Sud. Une kalachnikov, même fabriquée sans licence par des artisans pakistanais, ne se donne pas, les munitions encore moins. Faliry Boli dénonce ce trafic permettant aux Islamistes radicaux de financer leur Djihad (guerre sainte). « Un gros porteur s'est même posé sans difficulté, bourré de drogue, à Gao l'année dernière ». Idem pour les prises d'otages rapportant gros, très gros parfois. « Nous n'avons plus le choix. Le gouvernement malien doit prendre conscience d'une chose capitale : Plus la population aura à manger, moins elle se tournera vers les Islamistes. Encore faut-il que l'on nous donne les moyens réels de nous développer ». Sous-entendu, pas question de faire du neuf avec du vieux, mais bien de régénérer toute l'oligarchie basée à Bamako. 2013 ? Remise à zéro et solde de tout compte pour toute une génération de maliens.