Accompagner équitablement l’ensemble des agricultures de ce département
De l’agriculture biologique à l’agriculture conventionnelle en passant par l’agriculture de conservation, la liste conduite par Jean-Yves Heurtin souhaite conjuguer l’agriculture du département au pluriel. Un axe stratégique qui passe par de la recherche, de l’expérimentation et du développement que la Chambre d’agriculture doit s’approprier tout comme d’autres chantiers tels les énergies renouvelables. Second entretien avec Jean-Yves Heurtin.
>> Vous êtes tête de liste aux élections Chambre d’agriculture. Quelle est votre motivation ?
Jean-Yves Heurtin. C’est une suite logique de plus de 15 ans d’engagements à différents niveaux au service de la profession, pour défendre les agriculteurs, les représenter face à l’administration ou aux collectivités territoriales ou locales voire tout simplement les écouter. Tout d’abord chez JA, puis à la FDSEA et enfin depuis 12 ans en tant qu’élu Chambre d’agriculture du Calvados. J’ai toujours été là quand et où on me le demandait. Chacun peut témoigner de mon implication en ce sens.
>> Une implication partagée ?
Nous avons des agricultrices et des agriculteurs qui ont déjà fait preuve de leur capacité à s’engager. Nous avons aussi de nouvelles têtes qui apporteront des idées neuves, un engagement différent. C’est cette richesse et cette complémentarité qui seront intéressantes si les agricultrices et agriculteurs du Calvados nous font confiance.
>> La liste que vous conduisez « Une nouvelle dynamique pour vous accompagner» a été difficile à constituer ?
Difficile « non », mais ça demande réflexion et échanges pour aboutir à un équilibre des territoires, équilibre des productions et des méthodes de production, équilibre des âges. Nous, nous y sommes parvenus,.
Au-delà de faire bien sur une carte, encore faut-il s’attacher les services d’agricultrices et d’agriculteurs prêts à s’impliquer dans la vie locale pour mettre en valeur l’agriculture du département dans leur secteur géographique.
>> Votre liste est « soutenue» et non pas « présentée » par les syndicats FDSEA et JA. Vous jouez sur les mots ?
Pas du tout et cette façon de présenter les choses n’est pas nouvelle dans le Calvados. Il y a au sein de notre liste, « Une nouvelle dynamique pour vous accompagner », des candidats qui œuvrent au sein de JA ou de la FDSEA depuis parfois très longtemps. J’en fais partie et je ne renie rien. En parallèle, il y a aussi des candidats qui partagent nos valeurs, mais qui ne se sont jamais engagés syndicalement. Le terme « soutenu par » nous paraissait donc plus approprié que « présenté par ».
Personne ne se cache derrière son petit doigt, mais chacun garde sa liberté de militant.
>> Il y a quelques mois, Radio Campagne évoquait une liste commune a-syndicale ou plurisyndicale. Vous avez d’ailleurs, en tant qu’élu Chambre, toujours travaillé en parfaite intelligence avec Michel Legrand dont vous étiez le suppléant à l’APCA et Pierre-Yves Robidou, son dauphin. C’est vous qui avez torpillé ce projet ?
Je suis d’un esprit plutôt constructif alors je n’ai rien torpillé du tout. Loin s’en faut. Mais effectivement, voilà un an environ, nous avons assisté à quelques appels du pied d’élus Chambre issus de la majorité départementale (Ndrl : Coordination rurale) laissant penser que l’on pourrait, « éventuellement », travailler ensemble.
Pour preuve, quelques mois plus tard, JA et son président, François-Xavier Hupin, prennent l’initiative de mettre autour de la table les quatre syndicats pour réouvrir le dossier. La réponse de la Coordination rurale, comme de la Confédération paysanne, a été un « NON » catégorique. Nous en avons pris acte. L’essentiel pour les agriculteurs, ce sont les projets qu’on leur propose.
>> Votre liste s’est-elle fixée une feuille de route ?
Oui : la volonté de créer une nouvelle dynamique sur le département en accompagnant de façon très concrète et pragmatique tous les projets d’évolution des exploitations. Accompagner les agricultrices et les agriculteurs dans leurs choix stratégiques de développement. Etre à leurs côtés quand ils doivent faire face à quelque voisin qui ne tolère plus l’activité agricole à côté de chez lui... La Chambre d’agriculture doit accompagner la profession avec encore plus de conviction et de détermination.
>> On parle beaucoup de dégagisme, cela vous inspire une réflexion ?
Un mot à la mode carrément déplacé. C’est souvent ceux qui ont le moins de choses à dire ou ceux qui ne sont pas allés voter qui l’utilisent. L’important, dans une élection, ce sont les femmes et les hommes qui portent un projet, leur vision économique du développement, leur volonté et leur aptitude à respecter la feuille de route qu’ils se sont fixée...
Alors « dégageons le dégagisme » et faisons preuve de civisme pour aller voter. Il y a 6 ans, le taux de participation aux élections professionnelles agricoles dans le Calvados était inférieur à 50 %. Nous devons faire mieux cette fois. C’est à cela qu’il faut travailler.
>> Et les Gilets Jaunes?
Un sujet piège ! L’initiative de départ est intéressante avec un mouvement qui réunit tous les pans de la société et des revendications différentes à chaque rond-point.
Mais aussi un mouvement non structuré, sans représentant officiel, sans ligne de conduite et qui ne fait pas la synthèse des revendications individuelles... Ça devient très vite une faiblesse.
>> Vous êtes opposés dans cette campagne à la liste Coordination rurale, mais, en tant qu’élu Chambre, vous avez parfois fait ami-ami avec ces mêmes personnes !
Nous n’avons jamais fait d’opposition pour faire de l’opposition. Nous avons toujours été dans un esprit constructif. Quand on a les pieds sur terre et que l’on souhaite faire avancer la Ferme départementale, si on est d’accord avec une proposition et même si elle émane d’un autre bord, on vote favorablement sans état d’âme. On peut porter des dossiers en commun quand les visions sont partagées.
>> Mais alors qu’elles sont vos différences fondamentales avec la Coordination rurale ou la Confédération paysanne ?
Nous refusons toute démagogie ou facilité de langage. On peut être séduit par des idées plus ou moins farfelues, mais quand elles n’ont pas de fondement économique, il ne faut pas y jouer, laisser croire que ça peut marcher pour des raisons électorales...
Quand une proposition n’est pas en phase avec la réalité du monde qui l’entoure, il faut savoir dire « non », avoir le courage de s’y opposer même si ce n’est pas très populaire car le populisme n’a jamais engendré le progrès.
>> Concrètement, ça veut dire quoi ?
On peut avoir une vision idéaliste en se disant « ne produisons que pour les marchés à haute valeur ajoutée », mais ne confondons pas les attentes sociétales avec les attentes du consommateur. Les réalités du marché sont incontournables alors n’emmenons pas les agriculteurs dans le mur. Nous avons la chance en France, et c’est particulièrement vrai dans le Calvados, de pouvoir fournir des marchés de niche, mais ceux à plus gros volumes sont tout autant vitaux pour notre avenir.
>> En résumé une agriculture plurielle ?
Effectivement. Du bio aux produits plus standards, mais respectueux quand même de l’environnement et qui répondent aux demandes de consommateurs souhaitant consacrer une part moins importante de leur budget au poste alimentation.
Sur mon exploitation, je vis avec ce que l’on veut bien m’acheter. Il faut donc accompagner les productions dans leurs évolutions, mais ne surtout pas vouloir submerger les marchés sinon c’est la grande distribution qui tirera son épingle du jeu.
>> Ça veut dire quoi pour la Chambre d’agriculture ?
Qu’elle doit par la recherche, l’expérimentation et le développement, accompagner toutes les formes d’agriculture : du bio à l’agriculture de conservation en passant par l’agriculture conventionnelle pour le marché intérieur et l’export. Nous avons vocation a être présents sur tous les créneaux quand c’est techniquement possible, il ne faut pas avoir d’a priori.
>> Avec des services Chambre payants ou gratuits ?
Considérer que les services de la chambre doivent être gratuits est une idée largement relayée au sein du réseau de la Coordination rurale.Or, depuis 25 ans que ce syndicat est majoritaire dans notre département, force est de constater qu’il ne fait ni pire ni mieux dans le Calvados qu’ailleurs.
La Chambre doit faire les deux : du service gratuit car il est normal que la collectivité paie le service quand il est collectif, et du service payant parce qu’il ne serait pas juste de faire payer par tous un conseil individuel. Faute de quoi ceux qui n’utilisent pas les services seraient lésés. Il ne s’agit pas de faire des promesses qu’on ne pourra pas tenir, il faut être juste.
>> Cependant, la régionalisation devrait aboutir à des économies d’échelle et donc de fonctionnement ?
La régionalisation va permettre d’optimiser les postes d’encadrement et de direction et donc permettre de redéployer plus de moyens sur le terrain. Nous souhaitons une proximité plus importante à travers les antennes locales.
>> A l’arrivée, le plus important, c’est le taux de participation ou la couleur syndicale du vainqueur ?
Le taux de participation est capital, mais tout aussi importants sont la motivation et la détermination des élus sortis des urnes à faire aboutir le projet qu’ils ont porté durant la campagne. Sur notre liste, on compte 6 élus sortants qui ont été présents tout au long de leur précédent mandat. Quant aux nouveaux, ils sont animés d’un réel dynamisme. Ils veulent insuffler un nouvel élan dans le département. Ils sont attachés à la défense collective. Cependant, il nous faut convaincre sur le terrain car rien n’est gagné. Nous ne sommes que des challengers.
>> Et la couleur syndicale ?
La force d’un réseau peut servir dans d’autres démarches plus nationales.
>> Confiant quant à l’issue du scrutin?
Comme toute élection démocratique, rien n’est joué à l’avance. Ni pour nous, ni pour les autres. A ce stade, nous sommes très présents sur le terrain pour échanger avec les agricultrices et les agriculteurs, pour entendre les critiques sur notre projet pour l’amender si besoin...
Pour conclure, je dirai « informez-vous, questionnez-nous, discutez de notre projet avec vos voisins et surtout et enfin, allez voter ». Il y va de la crédibilité de notre profession.