Agriculture de conservation : en groupe, les cultures s’associent...
Depuis janvier 2016, une dizaine d’agriculteurs se réunissent pour évoquer la vie de leur sol. Animé par la Chambre d’agriculture du Calvados, le groupe veut limiter le travail du sol. Toutes les expériences sont partagées. Conventionnels et bios, différents systèmes sont représentés. Mais un nouveau terme est sur leurs lèvres : l’agriculture de conservation.
Dans le coin de la salle de l’unique restaurant de Crocy (14), des agriculteurs terminent leur repas. À l’heure du dessert, ils se nourrissent encore de leurs expériences. Ces exploitants se réunissent 10 fois par an. Leurs essais, leurs « gamelles », leurs réussites sont digérés sans tabous. Les échanges sont vifs. Néanmoins point d’intégrisme technique au menu, les agriculteurs semblent plutôt violemment modérés. Différentes techniques sont mixées pour se muer en agriculture de conservation. Depuis janvier 2016, une dizaine d’exploitants agricole participe à ce groupe intitulé «Agriculture et sol vivant », financé en partie par FranceAgrimer.
Des essais sans tabous
Derrière cette thématique assez large, le groupe réfléchit au travail du sol. Au fil des rencontres; les échanges ont dérapé vers le semis direct. Cependant, tous n’abandonnent pas la charrue. « Quand on évoque la vie du sol, on s’oriente mécaniquement vers la biodiversité. On avance sur plusieurs fronts. Il n’est pas possible de passer instantanément de la charrue. Nous réfléchissons donc à l’utilisation des couverts végétaux, à l’allongement des rotations ou aux mélanges des espèces. Les agriculteurs cherchent également à être le plus autonomes possible, vis-à-vis des intrants. Tous les essais menés dans les exploitations permettent ensuite de débriefer sur le terrain », explique Charlotte Gardon, l’animatrice du groupe. Bios et conventionnels échangent leurs idées. Colza et luzerne ou blés et féverole : ici, les cultures s’associent. Et le purin d’orties se mêle, par exemple, aux traitements fongicides...
Du purin d’orties pour réduire les fongicides
Pour observer la mise en place concrète de nouvelles techniques, le groupe a franchi les frontières du département pour rencontrer une ferme du réseau DEPHY Ecophyto. Antoine Chedru, installé en Seine-Maritime,a partagé son expérience de réduction du travail du sol avec du lin et des betteraves dans la rotation. Le haut normand a tenté le purin d’orties. Les plantes sont cueillies avant le fleurissement. 10 kg sont nécessaires pour préparer 100 litres de purin. 10 litres par hectares sont ensuite nécessaires quand le traitement s’effectue à 100 litres d’eau par hectare. Le groupe n’y voit pas une solution, mais une piste à étudier pour réduire les fongicides. Cette technique est bien connue dans les potagers. Reste à savoir si elle peut fonctionner à plus grande échelle. Les agriculteurs prévoient aussi de tenter la macération d’ails. Une commande groupée est donc programmée.
Mélange colza-luzerne
Afin de mieux appréhender les mélanges d’espèces, le groupe s’est rendu chez Hubert Charpentier près de Châteauroux. Objectif de la visite : observer l’implantation d’un colza avec de la féverole et une luzerne. L’agriculteur réalise ainsi trois semis en un. La féverole apporte 40 unités d’azote la première année. La seconde, la luzerne représente 80 unités. Elle évite aussi l’implantation d’intercultures. «La difficulté est de maîtriser la luzerne pour semer les cultures des années suivantes », a constaté le groupe. Suite à un colza, un blé dur et un blé tendre, l’agriculteur de l’Indre a d’ailleurs eu plus de problèmes lors du semis du pois.
Une réflexion de groupe pour se rassurer
Toutes ces initiatives ne seront pas couronnées de succès. Cependant, des tests les ont déjà convaincus. En semant du blé directement sur des repousses de colza, certains ont limité les attaques de limaces. « En menant notre réflexion à plusieurs, on se rassure. Quand on bloque, on a plus d’idées ensemble » expliquent-ils en choeur. Le sol vit, le groupe aussi. Et les sujets de débats ne manquent pas. Le programme 2017 est déjà bien chargé. Avis aux amateurs.