INTERVIEW
Alexis Graindorge, trésorier de JA 61 : "JA est en bonne santé financière mais il ne faudrait pas que la crise dure"
Alexis Graindorge, 30 ans, est agriculteur au Menil-de-Briouze. Ex-chargé d’affaires au Crédit agricole, ancien président de JA 61 et maintenant à la tête du syndicat jeune de Normandie, il garde un pied dans le bureau ornais, en tant que trésorier.
Alexis Graindorge, 30 ans, est agriculteur au Menil-de-Briouze. Ex-chargé d’affaires au Crédit agricole, ancien président de JA 61 et maintenant à la tête du syndicat jeune de Normandie, il garde un pied dans le bureau ornais, en tant que trésorier.
>> Alexis Graindorge, pouvez-vous vous (re)présenter ?
Je suis fils d’agriculteur. J’ai suivi un BEP bac pro pendant quatre ans à Giel Don Bosco, puis un BTS Acse à Laval. J’ai poursuivi avec une licence de droit à l’université de Laval. J’estime que les notions juridiques sont essentielles pour un agriculteur, elles sont trop souvent oubliées. À la fac, j’ai côtoyé des avocats en herbe – dont certains avec qui je suis encore en contact. J’ai adoré le mélange des genres. Ensuite, j’ai travaillé pendant quatre ans au Crédit agricole, d’abord comme conseiller agricole puis comme chargé d’affaires. Je me suis installé en avril 2017 dans la ferme familiale. Nous élevons 90 Normandes sur 94 ha en AOP.
>> Comment avez-vous commencé les JA ?
Je suis allé à ma première réunion cantonale à 12 ou 13 ans avec un voisin. J’étais motivé pour voir des jeunes du coin, parler d’agriculture. Je suis devenu administrateur stagiaire, j’étais assidu aux réunions. En 2014, je suis entré dans le bureau. Deux ans plus tard, à la fin de la mandature, l’équipe a été bouleversée : nous n’étions que cinq à rester. Nous avons mis en place une coprésidence avec Damien Louvel. C’était super, on s’est réparti les dossiers. Notre belle victoire a été notamment de réussir à maintenir l’aide aux petits investissements. Damien est arrivé en limite d’âge, j’ai été élu président.
>> Quel bilan faites-vous de vos deux années de président de JA Orne ?
J’ai vécu une mandature intense, avec le départ de Samuel et Clémence, qui étaient animateurs depuis respectivement quatorze et treize ans. On a vécu les élections à la Chambre d’agriculture. Je venais de m’installer, on construisait les bâtiments du complexe laitier à la ferme. J’ai jonglé entre tout ça. Humainement, c’était très enrichissant. Mes responsabilités m’ont fait évoluer. Mais le décès de mon petit frère, il y a un an, a tout changé. Mon père avait besoin que je sois moins parti, j’ai pris conscience de l’importance de la vie de famille, de voir mes deux enfants. J’étais dans le flou, jusqu’en mars-avril, où je me suis rendu compte que je ne pouvais pas rester sans rien faire. J’ai besoin de sortir de la ferme, des relations sociales, de l’engagement, de mener à bien des projets. Je me suis tourné vers les JA de Normandie.
>> Tout en restant au bureau départemental. Le banquier est devenu trésorier…
Je me suis toujours engagé à rester au côté de mon successeur. Le nouveau tandem à la tête de JA Orne - Jean-Baptiste Goutte et Blandine Julienne - est extra. En tant qu’ancien président, j’avais accès aux comptes de JA, j’avais les habilitations auprès des banques. Et les élus me connaissent. Je peux faire le lien. Devenir trésorier, c’était la facilité.
>> Quelle est la santé financière de JA 61, notamment depuis la crise sanitaire ?
Nous avons pu maintenir le jugement de bétail. Mais la crise de la Covid-19 nous a empêchés d’organiser notre Fête de la terre, c’est un vrai manque. Le budget d’un tel événement est de 80 000 €. Les partenariats n’ont pas été remis en cause, tout le monde nous suit mais nous perdons les entrées, les recettes de publicité. La Fête de la terre finance le salaire d’un animateur sur l’année. Alors, nous avons innové en lançant une chasse au trésor pour le grand public, pour les familles. Et ce fut un succès ! C’était l’occasion de prouver, une fois de plus, à nos adhérents et à nos partenaires nos valeurs, notre capacité à relever des défis et à rester debout alors que notre tissu économique et social s’effondre face à la
Covid-19. Je tiens sincèrement à les remercier ! Notre situation financière saine nous permet de tenir mais, je ne suis pas contre un retour à la normal pour 2021.
>> Vous étiez à La Baule pour le congrès des JA, du 27 au 29 octobre, juste avant le reconfinement. C’était comment ?
Je salue les organisateurs, les protocoles de sécurité sanitaire ont été suivis à la lettre. À défaut de festoyer, nous avons bien travaillé, notamment sur le rapport d’orientation. Pour accompagner l’installation et la transmission, on a, entre autres, parlé de mettre en place un guichet unique pour les porteurs de projets et les cédants, pour faciliter la communication et les échanges. Encore aujourd’hui, beaucoup de cédants n’anticipent pas suffisamment tôt leur départ en retraite.
>> Et si vous aviez un message à faire passer ?
Il y a aussi, parfois, le regard négatif que porte le futur cédant sur son système ou plus globalement sur son exploitation et qui le détourne de la voie installation. L’attractivité est pourtant une notion bien mystérieuse. Comprenez par-là que le candidat à l’installation peut jeter son dévolu sur une exploitation pour des qualités que l’agriculteur en place ne mesure pas. Quand un jeune cherche à s’installer, le cédant doit accepter qu’il ne reprenne pas l’outil à l’identique, qu’il fasse autre chose. C’est pour moi l’une des clés de la réussite : faire, avant tout, ce dont on a envie ! Pour que les rêves laissent place à la réalité.