Agroforesterie
Bien connaître ses arbres, ses haies
S’appuyer sur la connaissance des arbres et des haies permet de définir des stratégies de lutte contre les effets négatifs des variations climatiques.
S’appuyer sur la connaissance des arbres et des haies permet de définir des stratégies de lutte contre les effets négatifs des variations climatiques.
Les haies constituées en brise-vent composite perméable réduisent la force du vent de 40% même en hiver
Les haies brise-vent influencent la circulation des masses d’air et d’eau. Il faut les planter et les former en écran complet, dense et perméable. Avec ses branches, une haie agit comme un frein à la circulation de l’air. Les études menées en Bretagne dans les années 70 ont toujours été confirmées : la vitesse du vent est diminuée de 50 à 75% sur une zone de 5 à 7 fois la hauteur des arbres (Vates, Read 1964, Guyot 1997, Baudry 2003). L’hiver, une réduction du vent de 20% en vitesse, se traduit par une diminution de 40% de sa force sur une zone 15 à 20 hauteurs. Un brise-vent de 15 mètres de haut protège donc une parcelle sur 200 à 300 mètres.
Alors que les épisodes de sécheresse et les inondations sont de plus en plus fréquents, les arbres peuvent agir sur la pluviométrie, la circulation, le stockage et la qualité de l’eau. Constitués en haie sur talus leur effet est renforcé.
Lors des précipitations, certains aménagements d’arbres laissent du temps à l’eau pour s’infiltrer en profondeur. Lorsqu’il existe un réseau de talus et de fossés, l’eau est distribuée sur les parcellaires pentus. Les inondations sont évitées ou limitées et l’eau est mieux stockée dans l’épaisseur du sol. Elle est restituée aux plantes sur une période plus longue que l’épisode pluvieux. Contrairement à la plupart des arbres forestiers ou du paysage, les arbres agroforestiers formés par les agriculteurs puisent davantage l’eau dans les profondeurs du sol. Ils captent l’eau pour eux-mêmes, mais ils apportent aussi de la fraîcheur par leur ombrage et leur transpiration.
Les arbres n’aiment pas les variations de température, mais ils excellent dans la climatisation naturelle
L’écran formé par les haies agit sur les températures par rayonnement, il réchauffe ou par ombrage, il refroidit. (Inra Bretagne). Par contre l’été, la réduction du rayonnement solaire et de la vitesse du vent, combinée à une meilleure hygrométrie permet de réduire la demande en eau des cultures intercalaires.
Au sud de la Loire, des agriculteurs investissent dans des arbres «parasol ». Les dernières études ont montré que les vaches apprécient davantage l’ombre des arbres que celui de simples parasols. Les arbres apportent, en plus, un meilleur taux d’hygrométrie. Des études avaient déjà démontré qu’en protégeant les animaux des fortes intempéries, les haies permettaient à la production laitière de se maintenir et évitaient les chutes de rendement de 20 à 50 % constatées sur les lots non protégés (Agriculteurs-29).
En agroforesterie, grâce à la protection des arbres, l’évapotranspiration du sol est réduite de 25 à 50%, ce qui permet une augmentation du rendement dans la zone protégée et son maintien sur l’ensemble de la parcelle. Maintenir des haies efficaces permet d’augmenter les rendements de 6 à 20%, et souvent de dépasser les 20% sur les herbages (Dellecolle et Simon- dont études sur Maïs).
Un brise-vent de 15 mètres de haut protège une parcelle sur 200 à 300 mètres. DR - © EC
Dans la Manche, en période de fortes chaleurs, sur les prairies, les haies de protection ralentissent le dessèchement de l’herbe.
En période de canicule, on observe le maintien d’une activité photo synthétique, ce qui permet à l’herbe de repartir plus vite. Autre situation : sur des sols pauvres, desséchants et exposés sud, des aulnes initialement prévus en accompagnement se sont quand même développés. Hiver après hiver, leurs racines, leurs feuilles, ont amélioré la teneur du sol en matière organique et en azote. Leurs feuilles ont limité la ventilation et fait de l’ombrage avec maintien de la température au sol. Bilan final escompté : une augmentation de la capacité du sol à retenir l’eau.
Les haies agencées en « maillage continu » influencent en plus le climat régional c’est la « rugosité du paysage ». Les variations extrêmes du climat sont rabotées et cela joue en particulier sur les rendements et la précocité. De nombreux exemples le montrent à partir des créations de paysages dans le monde, Amérique du nord, Danemark, Afrique, Chine.
Grâce à la photosynthèse, les arbres captent du C02 et produisent des éléments organiques. Ce sont de véritables aspirateurs, séquestreurs de carbone.
Les arbres produisent du bois et sa composition varie selon les espèces, mais globalement il s’agit de 50 % de carbone, 42 % d’oxygène, 6 % d’hydrogène, 1 % d’azote et 1 % de minéraux (Ca, K, Na, Mg, Fe, Mn). Dans l’arbre et ses symbioses, tout contribue au stockage du carbone : tronc, branches, racines, feuilles, champignons... Sur le long terme le stock se constitue surtout dans le sol depuis l’humus au nord (situation des arbres agricoles) jusqu’en grande profondeur avec les racines. Si le taillis était indiqué comme la forme et le traitement le plus intéressant en productivité de bois, les études récentes pointent aussi les gros arbres. La création d’alignements d’arbres se traduit par un stockage additionnel de carbone. La création d’une parcelle agroforestière conduit à stocker annuellement entre 1,5 et 4 t de carbone/ha/an pour des densités comprises entre 50 et 100 arbres/ha soit en moyenne 2 fois plus qu’un hectare forestier moyen, estimé à 1 tC/ha/an (Chevassus au Louis 2009) et entre 5 et 10 fois plus que les Techniques Culturales Simplifiées, 0.3 tC/ha/an, (Dupraz Liagre 2009)
Avec l’évolution climatique, l’aménagement de haies et d’arbres prend une autre dimension. Les grands principes agroforestiers peuvent être maintenus, mais il est prudent de prévoir des évolutions en tenant compte du temps d’installation. Premier levier : la densité.
Pour une meilleure efficacité, une densité minimum d’arbres est nécessaire. Pour définir la densité idéale, il faut tenir compte des objectifs, du périmètre d’influence des haies ou des arbres, des orientations des parcelles, des lignes et des besoins en largeur pour la mécanisation. Ce n’est pas toujours évident, mais des solutions à minima sont possibles : par exemple, en plantant au niveau des éléments fixes du paysage, routes, bord de champs, bord d’unité d’îlots ou de gestion.
La gestion de la lumière et de l’eau est aussi fondamentale. La limite maximum est la densité agricole de 100 arbres/ha. Cette densité peut être le repère « initial ». Ensuite, il faudra soit former les arbres, soit adapter progressivement la densité pour parfois arriver à moins de 30 arbres/ha, en fonction de la qualité agronomique de la parcelle et de la concurrence.
La connaissance des essences et de leurs comportements aériens et dans le sol est fondamentale pour apporter de l’eau sans en prélever aux cultures. Cela permet d’identifier les points sensibles du système et de prévoir les interventions en conséquence. Des recommandations simples sont aussi envisagées pour la performance et la résilience.
Renforcer les conditions du maintien de la biodiversité ordinaire et/ou auxiliaire par le maintien ou la création d’habitats avec des formes variées tout en activant un intérêt agronomique ou agricole. Par exemple en élevage, des essences fourragères à très courtes rotations sont maintenant envisagées. En grandes cultures, privilégier les espèces mellifères et auxiliaires.
La stratégie de la biodiversité est aussi valable pour les arbres. Par exemple pour favoriser leur adaptation, il est préférable de varier les essences. Il est aussi souhaitable de privilégier la variété intra spécifique avec des plants de graines d’origines variées et connues comme « végétal local », ce qui favorise aussi la gestion des strates racinaires. Si une filière de production de graines d’arbres et arbustes se met en place en Normandie, les agriculteurs pourront participer à l’approvisionnement de graines locales normandes.
Le projet peut aussi améliorer les conditions de pollinisation. Pour cela il est nécessaire de connaître les besoins et les risques, puis créer et compléter son calendrier floral à partir du paysage et de ses cultures.
Anticiper les évolutions climatiques c’est aussi créer des systèmes arborés qui peuvent évoluer dans différents traitements sylvicoles. L’alignement d’arbres de bois d’œuvre ne peut être le traitement unique. La gestion des descentes de cimes et des changements de traitement sont à prévoir. Préventivement il faudra sans doute limiter le stress maîtrisable des arbres, et préserver leur bouclier foliaire au niveau du périmètre extérieur des houppiers.
Pour la production de bois, les tables de production pourront être amenées à évoluer, d’où l’intérêt du suivi autonome par les agriculteurs sur le terrain. L’augmentation actuelle du C02 dans l’air a un effet booster sur la productivité des arbres, de l’ordre de +30 % de production de biomasse observée en forêt.
Plus un arbre a une circonférence importante, plus il produit de matières carbonées potentiellement stockables. En conséquence il est probable que ces arbres jouent un rôle important dans la lutte contre les variations climatiques. Connaitre la gestion du stockage additionnel du carbone des arbres sera un levier de gestion. Actuellement, les études sont lancées pour normaliser la gestion du carbone, y compris pour rémunérer ce service.
L’implantation d’arbres sur les parcelles agricoles et dans les haies est fortement encouragée dans les politiques publiques et par les fonds environnementaux privés, ce qui se traduit par des aides financières souvent cumulables (publiques /privées) et rend l’investissement à la plantation très intéressant. Une haie ou un arbre mettra une dizaine d’années à se développer. Régénérer et planter des arbres aujourd’hui, c’est aussi se donner des moyens supplémentaires pour mieux maitriser le climat des parcelles demain. C’est pour cela que tous les planteurs d’arbres sont actuellement très sollicités. Créer des arbres c’est aussi pour l’agriculteur, s’adjoindre des ambassadeurs qui génèrent des retours positifs de la part des habitants et des consommateurs.