Production laitière
"C'est frustrant d'arrêter quand ça marche"
C'est décidé, Aurélie Lecoq va définitivement arrêter sa production de glaces. Installée sur la commune de Grosville dans la Manche, l'EARL des Croûtes, tenue par Éric et Aurélie Lecoq, fabriquait des crèmes glacées depuis treize ans.
C'est décidé, Aurélie Lecoq va définitivement arrêter sa production de glaces. Installée sur la commune de Grosville dans la Manche, l'EARL des Croûtes, tenue par Éric et Aurélie Lecoq, fabriquait des crèmes glacées depuis treize ans.
Depuis 2011, l'EARL des Croûtes à Grosville dans la Manche, valorise son lait pour le transformer en crèmes glacées. Au fil des années, la production a pris du volume et son catalogue s'est étoffé. Sur l'exploitation, Éric Lecoq s'occupe d'un cheptel de 240 bêtes (Normandes, Red Holsteins, Prim'Holsteins et Brunes), avec deux robots de traite. Il cultive blé, maïs, colza, orge, et fait pâturer les vaches sur des prairies permanentes et temporaires, pour un total de 104 ha de terres. Aurélie, quant à elle, est occupée par la production de glaces, d'avril jusqu'à décembre.
Pourquoi des glaces ?
En 2011, Aurélie Lecoq décide d'investir dans du matériel dédié à la fabrication de glaces. Au total, elle a déboursé 300 000 € pour avoir un atelier de production opérationnel. "Les locaux étaient déjà là, mais il a fallu tout monter de A à Z, explique-t-elle. Cette nouvelle activité nous a permis de valoriser notre propre production." Sur les 800 000 l réalisés par an et collectés par Maîtres Laitiers, elle en récupère 60 000 l pour l'élaboration de ses produits. "Les débuts n'ont pas été évidents, il a fallu se faire connaître, d'autant plus que nous ne sommes pas dans un secteur où la météo est la plus propice aux ventes de glaces."
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Sur les premières années, l'EARL des Croûtes écoulait ses pots de glaces uniquement sur la ferme, restant ainsi sur une échelle très territoriale. L'amortissement des coûts de lancement aura pris sept ans. L'atelier tourne désormais sur un rythme de 600 l de glaces par semaine. En se lançant dans cette activité, Aurélie n'avait qu'une idée en tête : travailler avec des ingrédients de qualité et les plus locaux possibles. Elle souhaitait aussi avoir une certaine proximité avec les consommateurs. "Le contact humain a été très important, ça m'a fait grandir mentalement. J'ai aussi pu rencontrer un réseau énorme de professionnels et de particuliers." Pour Aurélie, l'objectif était de transmettre du bonheur à travers ses desserts glacés. Chaque année, ses trois salariés et elle se sont notamment mobilisés pour les fêtes de fin d'année, en proposant près de 600 bûches de noël à ses clients.
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Pourquoi arrêter ?
Mais après plus de dix ans passés dans le laboratoire de transformation, Aurélie veut tourner la page. "Ça fait deux ans qu'on en discute, cette fois c'est acté, ce sera la dernière année, annonce-t-elle. On arrête donc le 24 août." La transformation constituait un bon complément de revenus pour l'EARL des Croûtes. "C'est une activité qui tourne à plein régime de mai à décembre, c'est frustrant de tout stopper alors que ça marche bien." Pour Aurélie, les contraintes ont pris le dessus sur son plaisir à fabriquer des glaces. Elle rend les clés pour retrouver un équilibre entre sa vie professionnelle et familiale. "J'ai envie de lâcher prise et prendre du temps avec mes enfants", sourit-elle. Cet arrêt vient aussi de la volonté de retrouver ses vaches laitières. "Les glaces c'est sept jours sur sept, je ne me suis pas occupée des vaches depuis avril. Si on avait continué, je ne les aurais revues qu'en janvier."
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La fin de ce cycle est aussi provoquée par une accumulation de fatigue : "Tout repose sur nous, c'est très énergivore mentalement et physiquement, relate-t-elle. On ne peut pas s'imaginer l'investissement que ça demande." Enfin, la goutte qui a fait déborder le vase : l'EARL devait engager des travaux de rénovation pour que le bâtiment de transformation se conforme aux normes actuelles. Pour couvrir le coût des travaux, ils auraient dû souscrire à un nouvel emprunt, et donc repartir sur au moins cinq ans de production pour le rembourser. La ferme avait l'exclusivité de fabrication artisanale sur le secteur de la Manche, un nouvel acteur va donc pouvoir s'y installer.
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Et la suite ?
Le 24 août passé, Aurélie Lecoq pourra souffler et rejoindre son mari à la production laitière. "Même si on passe à autre chose, on espère qu'il y aura toujours des glaces artisanales fabriquées dans la Manche." Pour cela, elle met en vente la totalité de ses machines et ustensiles dès maintenant. "On veut que le matériel parte vite pour pouvoir complètement tourner la page." Selon elle, il y aurait eu des solutions pour leur soulager la charge de travail. "La clé, c'est la main-d'œuvre. Il aurait fallu plus de monde pour nous assister. [...] Cette activité serait idéale pour un Gaec qui aurait une main-d'œuvre plus souple que nous", conclut-elle.