Changement climatique : comment s’y préparer ?
Il est vrai que l’on n’a jamais autant entendu parler de changement climatique que depuis ces 4-5 dernières années. Retour d’expériences sur des visites en zones séchantes.
Un voyage pour mieux comprendre
Dernière semaine du mois d’août, onze éleveurs et éleveuses bio ont pris la route vers la Loire-Atlantique, la Vendée et la Vienne. Ces producteurs du sud de la Manche, tous adhérents du GIEE Lait Bio bas carbone, voient la sécheresse estivale se faire de plus en plus habituelle et s’intéressent à la maîtrise de leur empreinte carbone par leurs pratiques.
Quand l’eau manque…
En Loire-Atlantique, ils ont rencontré Jérémy Rambaud du Gaec de l’Herbage à Couffé. A peine les minibus garés dans la cour, ils se disent : « Ouf, là, on n’a pas le droit de se plaindre, ici c’est bien plus cramé que chez nous ! ». En effet, avec seulement 245 mm de pluie depuis le 1er janvier, les prairies ressemblent à une savane africaine, où l’herbe a séché sur pied après les premières coupes de printemps. Les vaches sont nourries à l’auge avec de l’ensilage d’herbe et de méteil, des céréales et des féveroles comme concentré. « Ici, on a deux hivers » dit Jérémy « l’hiver et l’été. Au 15 mai, je dois savoir ce que j’ai sous les bâches pour nourrir mon troupeau, car après, je ne peux plus compter sur les fauches ni le pâturage ». Et quand on demande à Jérémy pourquoi ils ne cultivent plus de maïs, il répond : « On a toujours fait du maïs et on aimait ça. Essais variétaux, maïs population, associations avec des légumineuses, du tournesol… On a tout essayé. Mais quand on arrive à faire moins de rendement en maïs qu’en herbe, c’est qu’il est temps d’arrêter ».
Changer de paysage
Il faut dire qu’ici, on est sur une butte très séchante, il n’y a pas d’irrigation et le paysage est ouvert, avec très peu de haies. Enfin, pas partout ! Il y a dix ans, pris de passion pour les arbres depuis tout petit, Jérémy a décidé de replanter. Quelques haies, mais surtout 22 ha en agroforesterie, c’est-à-dire des alignements d’arbres intraparcellaires. Espacés suffisamment pour délimiter les paddocks des génisses ou pour passer des outils, les arbres redessinent un nouveau paysage. S’il ne les a au départ pas planté dans un but « climatique » pour l’ombrage ou pour la captation de l’eau en profondeur, il reconnait que dans quelques années, ces parcelles plantées résisteront mieux au coup de sec de l’été.
Préserver son sol
Pas facile en effet de faire tenir des prairies quand on n’a pas de profondeur de sol. Chez Luc et Fabienne Friconneau, même le nom de la ferme annonce la couleur : l’EARL de la Pierre Plate. Dix à quinze centimètres de terres sur schistes. Et pourtant, à quelques kilomètres de La Roche-sur-Yon en Vendée, on découvre de vertes prairies. Luc nous accueille et commence à nous dire : « Il y a dix ans, j’ai tout révolutionné sur ma ferme, car mon système intensif ne fonctionnait plus. J’ai choisi d’arrêter de travailler le sol en profondeur et en même temps je suis passé en agriculture biologique. » Démarche étonnante, quand on connait la complexité de gérer les adventives sans labour en bio. Et pourtant ! Après de très nombreux essais et plus de 1 000 heures passées en formation sur le sol, les plantes bio-indicatrices, la santé animale et l’alimentation, Luc semble avoir trouvé le système qui convient à ses terres.
Des prairies céréalières qui résistent au sec
Aujourd’hui, Luc a 100% de ses surfaces en herbe, mais il pratique la technique des prairies céréalières, c’est-à-dire semer des céréales dans une prairie vivante. Chaque été, il passe la bêche roulante dans une partie de ses prairies, puis il y sursème au semis direct Unidrill un mélange céréalier à base d’épeautre, d’avoine, de pois et parfois d’espèces prairiales. Un déprimage, voire un pâturage en sortie d’hiver vont permettre de dégager le couvert et faire taller les céréales. Et là, le climat et la vie du sol font leur œuvre. Si l’herbe reprend le dessus sur les céréales, il fauchera le couvert pour l’enrubanner. Si ce sont les céréales qui gagnent, il moissonnera le grain et fauchera une « paille de bouche » pour ses animaux. « De cette manière, je n’ai jamais de sol nu. Je garde la fraicheur au sol avec un chevelu racinaire permanent et lorsque les céréales prennent le dessus, la prairie en-dessous est protégée de l’évapotranspiration. Et puis, en « scarifiant » et en sursemant dans les prairies, on stimule les trèfles notamment, et la prairie repart de plus belle ensuite. »
Décharger les élevages
Enfin, Luc et Fabienne ont, comme la ferme précédente, réduit le chargement autour de 1 UGB/ha de SFP pour gérer l’autonomie fourragère. « Le plus dur », dit Luc, « c’est d’apprendre à se séparer des animaux et ne garder que le renouvellement dont on a besoin. » Pas simple en effet quand on s’attache aux animaux, et notamment, dit-il, « quand on pratique des médecines alternatives, qui créent un lien plus fort avec chaque bête ». En 3 ans, il est passé de 35 génisses élevées à seulement 10 (voire moins, c’est son objectif). Il a choisi l’utilisation de semences sexées sur une partie de son troupeau et des croisements « viande » sur le reste, pour faciliter l’écoulement de ses veaux et alléger son élevage.
Pâturer de tout
En visite à l’Inra de Lusignan, près de Poitiers, le groupe a découvert les travaux des chercheurs sur l’adaptation d’un système d’élevage laitier (projet Oasys), où l’objectif est de faire pâturer les vaches toute l’année, en restant économe en eau et en carburant. Si le dispositif est prometteur, on comprend vite qu’il n’est pas si simple de faire pousser du colza fourrager quand il ne pleut pas et de garder des betteraves fourragères propres lorsque l’on souhaite se passer d’herbicide. Alors on se tourne vers des fourragères plus inattendues : des arbres ! Muriers blancs, frênes communs, noyers, ormes, tilleuls ou aulnes… des espèces dont les valeurs alimentaires laissent présager un intérêt zootechnique. Taillés en têtards, ces arbres auront vocation à être pâturés par les vaches dans le but de compléter les rations lors des périodes de disette fourragère.
Et finalement, si regarder plus au sud nous faisait voir peut-être l’avenir climatique dans notre région, alors il faut se préparer à changer ses pratiques dès aujourd’hui et garder l’esprit « flexible » face aux changements futurs !