A Moutiers-au-Perche
Chez Frédéric Bellanger, le bonheur est dans l’herbe
Pour Frédéric Bellanger, producteur de viande bovine à La Boursillière à Moutiers-au-Perche (61), le bonheur est dans le pré : 185 ha, tout herbe. A la question : par conviction ? Il répond en premier lieu : « ce que je regarde avant tout, c’est la marge ! » Visite au cœur du Parc naturel régional du Perche avec petite leçon de Maec.
Pour Frédéric Bellanger, producteur de viande bovine à La Boursillière à Moutiers-au-Perche (61), le bonheur est dans le pré : 185 ha, tout herbe. A la question : par conviction ? Il répond en premier lieu : « ce que je regarde avant tout, c’est la marge ! » Visite au cœur du Parc naturel régional du Perche avec petite leçon de Maec.
La réforme de la PAC en 1992 a impacté le Perche. On y a vu des Beaucerons investir dans du foncier à bas potentiel pour y déclencher des droits à prime. Frédéric Bellanger s’en souvient encore, lui qui a repris la structure de ses parents en 2014 où subsistaient encore quelques dizaines d’hectares de céréales.
« 60 qt/ha, c’était déjà bien, je faisais tout faire par entreprise, ça me coûtait de l’argent, je ne maitrisais pas... » Bref, ce système ne correspondait pas à la philosophie du métier qu’il avait choisi contre le gré de ses parents. C’est dans ce contexte que le système tout herbe a mûri d’autant plus que son projet était d’agrandir le troupeau. Mais pour cela, il lui fallait plus de fourrages « au coût le moins élevé possible ». En d’autres termes, de l’herbe pâturée au maximum, du foin, voire de l’enrubannage, puisque « nous sommes dans une région à prairie à dominante sols sableux qui ne convient pas aux cultures ».
6 000 euros/an
La mise en place du dispositif Maec au sein du Parc naturel régional du Perche n’a donc pas été le facteur déclenchant mais est arrivée concomitamment à ce changement de fusil d’épaule. S’agit-il d’ailleurs à proprement parlé d’un changement de stratégie puisque, quelques années auparavant, les parents de Frédéric avaient déjà réenherbé une trentaine d’hectares en contractualisant à travers un CTE.
En échange de pratiques agricoles plus vertueuses, une compensation financière annuelle plafonnée à 6 000 euros durant 5 ans. « Mais ce n’est pas qu’une question d’argent », tient à préciser d’emblée Frédéric Bellanger. Ce coup de pouce, ce n’est pas véritablement de la marge en plus mais un outil d’aide à l’investissement dans ce qui est nécessaire à la bonne gestion des prairies : herse, lamier pour les haies, clôture...
Parallèlement au tout herbe, notre éleveur mise sur le presque « tout plein air ». Le projet d’investissement un temps imaginé dans une stabulation à 100 000 euros a vite été abandonné. L’ancestrale stabu vaches laitières assure le service minimal. Il est vrai qu’avec des terres sableuses, et donc portantes en hiver et faciles à remettre en état d’un coup de herse au printemps, combiné au réchauffement climatique, la bonne santé globale du troupeau y trouve son compte. « En 6 ans, j’ai divisé par trois ma facture véto. Un vétérinaire qui, cette année par exemple, n’est intervenu que 3 fois pour 160 vêlages. ».
Seul petit bémol à cette vie hivernale en plein air dans cette région où les Parisiens arrivent en nombre le week-end, et à défaut d’agribashing versus pulvérisateur et pesticides, quelques reproches à la vue de vaches et leur suite les pieds dans la gadoue. Frédéric, pédagogue et toujours prêt au dialogue, sort alors son argument santé et de plaisanter : « les vaches et la prairie, c’est leur carte postale ».
Des broutards à 950/1 000 euros
Economiquement, Frédéric ne se plaint pas. « Mon raisonnement est que ça me coûte le moins cher possible. Ce que je regarde, c’est la marge », répète-t-il. Il a la chance de travailler en confiance, surlignant au passage la bonne entente régnante entre tous les agriculteurs du coin. Ses 80 broutards annuels ne partent pas en Italie mais sont valorisés auprès de quelques opérateurs locaux. Sans s’affranchir totalement de la conjoncture, les prix sont lissés. « 950 à 1 000 euros pour un broutard de 6 mois », révèle-t-il. C’est aussi localement, dans un rayon de 3 km, qu’il s’approvisionne en paille. Pour la litière mais en aussi en mélange avec de la mélasse, « un produit très bon marché », pour alimenter ses vaches.
Il bénéficie également de 60 ha d’herbe sur pied qui lui permettent de sécuriser ses stocks. Il mise sur une herbe de qualité grâce à un pâturage tournant (une semaine environ) apte à finir des vaches de réforme. Il puise l’eau au poussoir dans la rivière pour l’abreuvement et ne se chauffe que de son bois.
Presque un art de vivre avec une ballade tous les matins à travers prés. « Un moment privilégié pour observer la nature », se réjouit-il.
Le meilleur remède pour encaisser les pointes de travail : les vêlages en mars-avril, les chantiers de clôture ou la période des foins.
Encaisser quelques vicissitudes comme les dégâts de sanglier au cœur d’un parcellaire cerné par les massifs forestiers.
Encaisser une inquiétude, le réchauffement climatique, avec cette incertitude: quid de la pousse de l’herbe à 10 ans ?
Pas de quoi pour autant le faire douter et regretter son choix (après avoir roulé sa bosse) d’un plancher des vaches, tout vert, mais pas bio.