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Syndicalisme
Christiane Lambert : lucidité et responsabilité

Lucidité et responsabilité. Deux maîtres mots dans la bouche de Christiane Lambert qui défend les positions de la FNSEA (dont elle assume la vice-présidence) après les turbulences provoquées par le bilan de santé de la PAC mais aussi face à une conjoncture laitière inquiétante.

Enjeux : “il reste à négocier le retour filière. C’est-à-dire les 11 % en grandes cultures et les 12,5 % en bovins. Ce sont des volumes importants sur lesquels il y a débat. Mais ce que nous posons comme condition, c’est que le Gouvernement soit capable de mettre en place un plan d’accompagnement des exploitations agricoles pour une mise en compétitivité. 
Enjeux : “il reste à négocier le retour filière. C’est-à-dire les 11 % en grandes cultures et les 12,5 % en bovins. Ce sont des volumes importants sur lesquels il y a débat. Mais ce que nous posons comme condition, c’est que le Gouvernement soit capable de mettre en place un plan d’accompagnement des exploitations agricoles pour une mise en compétitivité. 
© S. Leitenberger

Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, sera présente vendredi 27 mars lors de l’assemblée générale de la FDSEA du Calvados. Réforme de la PAC, prix du lait, installation (...), elle apporte ses éclairages.

Depuis que le bilan de santé de la PAC a rendu son verdict, chacun y va de sa calculette. Que dit la vôtre ?
Le budget global affecté à l’agriculture reste le même, nous sommes toujours sous le couvert de l’accord Chirac/Schröder. Toutefois, de grands bouleversements s’annoncent pour 2013. A plusieurs reprises, le Président de la République, le Premier Ministre avaient parlé d’une réorientation de la PAC, d’une révision des références historiques, d’un redéploiement des aides pour une PAC plus légitime... Il y a donc redistribution des soutiens avec retour sur certains secteurs qui connaissent des difficultés : l’élevage ovin, l’herbe, le lait en zone de montagne.

Ce n’est pas une surprise ?
Ces réorientations financières étaient pressenties. Depuis deux ans, à écouter les discours et à lire entre les lignes, nous connaissions cette tendance. Ce qui est plus compliqué aujourd’hui, c’est la hauteur de la marche et la vitesse à laquelle cela arrive. C’est pour 2010, l’an prochain, et pour certains agriculteurs jusqu’à 21 % de prélèvement.

Vous parlez des céréaliers ?
Effectivement mais les éleveurs intensifs ne sont pas loin derrière avec - 12 à - 15 %. 

Va sur le fond mais pas d’accord sur la forme en résumé ?
Sur le fond, les organisations l’avaient vu venir. D’ailleurs, lors de notre congrès de Nantes, nous avions acté cette réorientation mais posé des conditions en disant : “pas trop de modulation parce que les crédits du développement rural échappent à l’agriculture. Donc plutôt un redéploiement au sein du premier pilier, c’est-à-dire des aides économiques, avec un soutien à l’herbe de façon économique et des dispositifs assurantiels et de gestion des risques, climatiques, sanitaires et économiques” mais Marianne Fischer Boel a refusé ces derniers.
En tendance , c’était donc annoncé mais ce qui heurte les agriculteurs c’est la rapidité d’application et le manque de progessivité.


Cette réforme semble marquer un malaise entre éleveurs et céréaliers. L’unité syndicale de la FNSEA est-elle lézardée ?
C’est plus compliqué qu’un affrontement entre céréaliers et éleveurs. Dans certaines régions, les éleveurs sont également très contributeurs, notamment les naisseurs engraisseurs à la tête d’exploitations intensives. Parce qu’il y a beaucoup d’actif, il y a un fort degré d’intensification avec par exemple du maïs qui sert à l’alimentation des animaux. 40 % des prélèvements sur les surfaces scop sont opérées chez des éleveurs, 60 % chez des scopeurs purs. Opposer végétal et animal comme l’a fait la presse grand public, c’est ne pas être suffisamment précis. Et l’ouest de la France est très concerné : beaucoup de prélèvements chez les éleveurs intensifs sur des exploitations parfois moyennement dimensionnées et qui ont intensifié parce qu’il y avait des actifs et donc bien dôté en DPU/ha. Quand on applique un pourcentage sur 500 e de DPU/ha et quand on l’applique sur 250 e de DPU/ha, le résultat n’est pas le même.
Mais pour aller au bout de la question, il y a aussi de nouveaux bénéficiaires : les fruits, les légumes, les pommes de terre. Ainsi ce n’est pas seulement une problématique céréalier/éleveur. Il y a débat au sein de la FNSEA, un débat vif. Nous avons eu un conseil le 19 mars dernier qui a été très intense. Beaucoup de choses se sont dites. Il y a eu parallèlement dans certains départements un peu plus de virulence mais, aujourd’hui, le climat est à chercher des solutions ensemble et à garder l’unité de la FNSEA. 

Michel Barnier a mis en place des groupes de travail. La question de la participation s’est posée ?
La position de la FNSEA a été de dire qu’il fallait y être. Quand on est un syndicat responsable, on assume ses responsabilités. Ne pas y être serait pire. Ce serait laisser décider à d’autres et tout ce qui se fait sans nous se fait contre nous.

Quels sont les enjeux de ces groupes, que reste-t-il à négocier ?
Il reste à négocier le retour filière. C’est-à-dire les 11 % en grandes cultures et les 12,5 % en bovins. Ce sont des volumes importants sur lesquels il y a débat. Mais ce que nous posons comme condition, c’est que le Gouvernement soit capable de mettre en place un plan d’accompagnement des exploitations agricoles pour une mise en compétitivité. 

Ça veut dire quoi ?
Cela signifie que sur un certain nombre d’éléments fiscaux, l’amélioration de la dotation pour aléas sur la réduction d’un certain nombre de charges, sur l’arrêt de certaines distorsions (phytosanitaires, conditionnalité, taxe Borloo pour le transport, nos camions qui roulent à 40 T et pas 44 comme ailleurs en Europe...), nous attendons des réponses. Nous avons encore quelques spécificités franco-françaises qui créent des distorsions.
Et ce que nous demandons surtout, pour les zones intermédiaires, c’est qu’il y ait un plan dans le second pilier pour accompagner un retour vers le secteur végétal, comme la mesure rotationnelle qui avait existé à une certaine période en quelques régions.

A quelle échéance ces groupes de travail vont-ils remettre leur copie ?
Certains , notamment celui qui concerne le redéploiement et les DPU, doivent rendre leurs conclusions très vite, à savoir aux alentours du 10/15 avril. Pour les autres, c’est plutôt mi-juin.

Une nouvelle PAC avec des soutiens moindres, des outils de régulation, des marchés qui sautent, avec pour conséquence une très grande volatilité des prix à la hausse comme à la baisse, une forte fluctuation aussi des intrants (...), comment mettre en confiance un jeune qui souhaiterait s’installer ?
Il faut regarder les choses sur une longue période. Bien sûr, sur l’instant, il y a beaucoup d’inquiétude. Les annonces sont récentes, les hypothèses ne sont pas totalement connues, c’est donc l’incertitude. Mais on y verra vite plus clair. L’an dernier, les éleveurs laitiers ont fait une année historique pour laquelle ils voudraient bien resigner, de même que les grandes cultures ces deux dernières années. Il y a donc des secteurs de productions qui connaissent de temps en temps de bonnes années. Il y a, sur de longues périodes, des réussites en agriculture et des gens qui connaissent des difficultés. Il faut donc regarder les choses avec objectivité et recul.
Quand un jeune agriculteur s’installe, il ne s’installe pas en fonction du contexte immédiat, il voit à long terme tout en ayant réfléchi et mûri son projet. De plus, il est passionné et de mieux en mieux formé... Par contre, un élément fort à intégrer pour tout projet d’installation ou de redéploiement d’exploitation, c’est que le monde bouge et va encore beaucoup bouger. Il y aura demain beaucoup plus de volatilité des prix agricoles, tous secteurs confondus. Le secteur végétal a ouvert le bal avec la flambée puis la descente des cours. Le secteur laitier arrive juste derrière. La viande bovine connaît la même chose, le secteur porcs aussi et depuis longtemps.
Ce qui est nouveau également et impacte fortement, c’est l’emprise environnementale. le Ministre Borloo est ministre d’Etat. Il est second dans le rang du gouvernement, c’est un signe politique fort. L’agriculture n’échappe pas à ce verdissement des tendances. Il faut l’intégrer. C’est plus difficile en cours de carrière qu’au début d’un parcours professionnel.
Ensuite, il est vrai que les charges vont aussi être plus volatiles. On l’a vu avec les engrais dont certains ont augmenté de 70 % en deux ans, sur le prix de l’énergie qui peut flamber puis rechuter en moins de 6 mois. L’aléa devient un élément extrêmement important dans le raisonnement économique de notre métier. 
Enfin , soyons réalistes, ne vivons pas isolément. Quand on voit la crise profonde dans laquelle est plongée notre pays et ce n’est pas fini, il faut aussi objectiver certains éléments. Nos voisins, nos amis, certains membres de nos familles se retrouvent au chômage technique pendant 3 semaines sans l’avoir choisi... L’aléa et l’incertitude deviennent le quotidien d’un très grand nombre.

Christiane Lambert et le dossier lait
L’accord sur le prix du lait signé il y a quelques semaines par la FNPL n’a     pas toujours été bien perçu. S’agissait-il de la bonne stratégie ?

• “Etre un syndicalisme responsable, c’est engageant. Il n’y a pas de place pour les “y a qu’a...”. Ce n’est pas être un syndicalisme d’opposition ou un syndicalisme démagogique. Or, quand on regarde le contexte laitier, quand on assiste aux retournements de tendances sur les marchés internationaux importants et rapides dans leur ampleur, on ne peut pas dire aux entreprises “payez quand même, même si ça baisse”. Nous sommes, en tant qu’agriculteurs, acteurs économiques et connectés aux réalités  de nos exploitations et de leur environnement. Ainsi, l’accord conclu par la FNPL était le seul choix possible. Par contre, les entreprises doivent être plus transparentes sur leurs pratiques. Elles sont toujours très réactives à la baisse mais beaucoup moins à la hausse. Quand les cours se sont améliorés sur le marché international et sur les valorisations des produits, elles tardent à répercuter au producteur. Aujourd’hui, ce qui nous oppose, c’est qu’à la première baisse sur le marché international, immédiatement, les entreprises veulent baisser.
Il faut donc regarder sur des périodes un peu plus longues. Des dispositifs de lissage ont été mis en place en France, c’est pour cela que nous avons des prix qui sont certes différents des autres pays européens mais, en moyenne, très proches. Il y a beaucoup d’inquiétude sur le lait aujourd’hui aussi parce que la commission conduit une politique imbécile. Alors qu’il y a trop de lait, elle dit qu’il faut augmenter les volumes. C’est contraire à l’économie. Certaines entreprises aussi ont des pratiques inexplicables quand elles payent avec le maximum de flexibilité parce qu’elles ont une faible rentabilité en raison de leur mix produit pas terrible et qu’elles donnent 10 % d’allocation de fin de campagne. On s’interroge ? C’est pour faire tourner leur entreprise ! C’est pour faire du volume, mais est-ce une bonne stratégie que d’engorger les marchés?
J’entends ceux qui disent il faut du lait à 400 e/t, c’est flatteur pour l’agriculteur mais quand on regarde la réalité économique, ce n’est pas sérieux. Qui plus est quand, en raison de la crise, on perd certains marchés extérieurs  traditionnellement importateurs de lait et de fromages. Les maîtres mots à la FNSEA comme à la FNPL, ce sont lucidité et responsabilité”.

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