FLERS DE L'ORNE
Comment les PLUi sèment leurs zones dans le département
Mobilisation pour Flers et appel général à participer à toutes les réunions sur le territoire. Invitée mardi du conseil départemental de la FDSEA, Delphine Duclos de la Chambre d'agriculture de l'Orne est revenue en détail sur les enjeux des PLUi.
Alors que dix plans locaux d'urbanismes intercommunaux (PLUi) sont en cours d'élaboration ou de discussion, et que le cas problématique de Flers a fortement mobilisé le syndicalisme agricole FDSEA-JA, Delphine Duclos, responsable du service aménagement environnement bâtiments de la Chambre d'agriculture de l'Orne, est intervenue, mardi à Alençon au cours du conseil départemental de la FDSEA. Interview.
Comment la profession accueille-t-elle la rédaction des Plans locaux d'urbanismes (PLU) et PLUi (intercommunaux) ?
Les documents d'urbanisme doivent permettre d'avoir
une vision d'ensemble
et dans la durée (12 ans),
de l'évolution du territoire.
C'est un bon outil pour les exploitations agricoles qui peuvent situer où seront localisés les projets demain et ainsi orienter leurs choix d'exploitation. L'échelle de l'intercommunalité pour les PLUi est intéressante, car elle permet de limiter les concurrences entre les communes pour accueillir les projets et d'y apporter de la cohérence en limitant aussi la consommation de foncier agricole. Si la mise en place de ces documents est une bonne chose, cela ne veut pas dire que leur rédaction se fasse sans difficulté, en nous incitons les agriculteurs à se faire entendre lors des réunions.
A quoi sert le diagnostic agricole ?
La phase de diagnostic du PLU dure de un à deux ans, c'est assez lourd. Dans nos communes rurales du département, nous incitons les collectivités à réaliser un diagnostic agricole en amont du diagnostic général. Le diagnostic agricole est primordial, car d'un autre côté, des bureaux d'étude réalisent un diagnostic environnemental. Il est important de pouvoir croiser ces deux lectures du territoire pour trouver le bon compromis et ne pas entraver l'agriculture en tant qu'activité économique pérenne.
Pourquoi la rédaction des PLU est-elle d'une telle importance pour les activités agricoles ?
Les zonages des PLU n'entraînent pas de modification réglementaire des pratiques agricoles. Le PLU définit des zones constructibles (zones de projets), des zones agricoles (constructible pour les activités agricoles) et naturelles (aucune construction possible). Reste le problème de la classification des zones humides, aux contours forcément incertains sur un plan cadastral, mais qui deviennent opposables juridiquement. Or on peut craindre l'usage de ces cartes à l'avenir. Le classement systématique des espaces en zone naturelle est aussi problématique. Il faut veiller à ce que ces zonages laissent un cône de développement suffisant à l'exploitation. Avec la volonté des exploitants de développer leurs infrastructures sur des terres dont ils sont propriétaires, ce zonage naturel peut poser problème en cas d'éloignement des projets agricoles du siège d'exploitation. Nous défendons que le zonage naturel doit rester l'exception et non devenir la règle. Le zonage agricole protège déjà les espaces, de toute construction non agricole.
Trames vertes, trames bleues, quelle attitude adopter ?
On ne peut pas tout rejeter en bloc. Il me semble qu'il faudra faire des concessions pour accepter de classer les espaces "fonctionnels" en matière de biodiversité, et se concentrer sur ceux-ci. Il ne faut pas tomber dans l'écueil de tout vouloir protéger . L'inventaire exhaustif n'a pas d'intérêt à nos yeux, il doit être hiérarchisé.
Préserver les couloirs écologiques, c'est une chose, mais ne risque-t-on pas de devoir recréer ces continuités ?
Les corridors écologiques, trames vertes et bleues, qui doivent assurer la circulation des espèces entre les foyers de biodiversité, font l'objet d'une attention particulière. Il n'est pas exclu qu'on impose de recréer des continuités écologiques, lorsqu'elles n'existent pas. C'est tout à fait possible qu'on en arrive là.
La Chambre d'agriculture a donné un avis favorable à la communauté urbaine d'Alençon pour son SCOT (schéma de cohérence territoriale) ...
Nous avons donné un avis favorable sur ce SCOT, globalement satisfaisant en terme de choix d'aménagement du territoire, mais avec une réserve concernant les zones humides. L'inventaire exhaustif des zones humides n'a pas d'intérêt s'il n'est pas hiérarchisé. En revanche, nous sommes favorables à l'identification des zones humides sur les zones de projets, pour nous prémunir du principe des compensations. En effet, toute zone humide détruite par un projet de construction (ouvrage, habitat ou activité) devra être compensée jusqu'à deux fois l'emprise du projet.
En quoi le cas de Flers est-il emblématique ?
La Chambre d'agriculture s'est clairement positionnée lors de l'élaboration du PLUi de Flers. Consommation de l'espace agricole, remise en cause de la réciprocité et possibilité de construire à moins de 100 m d'une exploitation agricole, pas de concertation pour les haies et les zones humides... Le PLUi de Flers mixe à peu près toutes les problématiques que l'agriculture peut rencontrer face à un PLU. Le cas de Flers pose d'autant plus problème qu'il sera le premier PLU à l'échelle intercommunale approuvé sur le département de l'Orne. Il ne faudra pas qu'il fasse référence pour les 9 autres PLUi à venir. Prochaines étapes, l'enquête publique en mai-juin et la commission des sites et paysages.
Comment la profession peut-elle se mobiliser sur ces dossiers ?
10 PLU intercommunaux sont en cours de discussion ou d'élaboration. Le nombre de réunions engendrées est colossal. C'est pourquoi il est important que chaque agriculteur s'implique localement pour mailler tout le territoire. C'est un travail qui peut paraître fastidieux, mais l'enjeu est à la hauteur des contraintes qui menacent. Le contact avec les
élus des collectivités territoriales est primordial. Les PLU sont
des documents validés par les
élus. Malheureusement, comme dans le cas Flérien, ils peuvent avoir tendance à ne pas s'intéresser au dossier et à faire confiance aux "spécialistes" des bureaux d'étude. Ils ne voient pas forcément tous les enjeux. Il faut leur montrer les cas qui posent problème.