Lait, commerce extérieur, Chine, Isigny-Sainte-Mère
Coopérative d’Isigny : le groupe chinois H&H détient 49,9 % du capital
Le groupe chinois H&H grimpe au capital social de la Coopérative Isigny-Sainte-Mère. Il passe de 20 % à 49,9%. Le président de la coop assure que cette évolution s’inscrit dans un partenariat gagnant-gagnant. Interview d'Arnaud Fossey, président de la Coopérative Isigny-Sainte-Mère .
Le groupe chinois H&H grimpe au capital social de la Coopérative Isigny-Sainte-Mère. Il passe de 20 % à 49,9%. Le président de la coop assure que cette évolution s’inscrit dans un partenariat gagnant-gagnant. Interview d'Arnaud Fossey, président de la Coopérative Isigny-Sainte-Mère .
>> Pourquoi H&H grimpe-t-il en capital social ?
Les autorités chinoises font évoluer leur réglementation. Il s’agit d’une opération technique qui anticipe les changements réglementaires en Chine, qui nous permet de respecter leurs lois futures. H&H prouve ainsi aux autorités de son pays que le sourcing est sécurisé. Nous avons un partenariat fort avec H&H depuis dix ans. Nous connaissons les dirigeants du groupe. Nous avons confiance en eux. Alors nous voulons continuer à lier nos destins. Cette augmentation de capital représente 10 millions d‘euros. Cette opération permettra de renforcer nos fonds propres et nous acquitter d’une partie de la dette contractée en 2013 avec H&H (17 millions).
>> Pourquoi 49,9% ?
Parce que nous sentons que les choses vont évoluer dans ce sens en Chine, même s’il n’y a pas encore de règle. Ce montant est la solution trouvée entre les deux parties. Et c’est le maximum autorisé par le Code rural.
>> Comment la nouvelle est-elle perçue par les producteurs ?
Nous avons organisé une réunion avec les producteurs, la semaine dernière, pour les prévenir. Nous les avons rassurés : nous avons travaillé tout l’été avec nos avocats pour sécuriser tout ce qu’il faut. Nous avons la chance de profiter du droit coopératif : une personne = une voix. Les éleveurs ont compris, ils nous font confiance. N’oublions pas que si Isigny rémunère correctement ses producteurs, c’est aussi en partie grâce à notre partenariat avec H&H.
>> Quelles sont les conséquences ?
Rien ne change. H&H ne garde qu’un seul siège au conseil d’administration, comme maintenant. Ils n‘auront pas plus de droits de vote, ils ne participeront pas à la gestion au quotidien de la coop, ils n’auront toujours pas droit aux dividendes. Ce n’est pas une opération financière d’H&H.
>> Ne craignez-vous pas la politique commerciale chinoise, assez offensive ? Quelles évolutions sont possibles ?
Il n’y a pas de changement opérationnel, ils n’ont aucun pouvoir en plus. Ils ne s’immiscent pas dans notre fonctionnement. Cela ne s’est pas fait sous la menace. Nous avons réfléchi. Nous avons des solutions de repli, de rachat du capital social du groupe H&H, de retour à 20%. Nous renforçons notre engagement. H&H représente 30 % de notre chiffre d’affaires : c’est un partenaire, mais aussi un client.
Réaction de Philippe Marie, responsable lait à la FDSEA du Calvados et producteur livrant chez Isigny
« L’annonce de cette décision a été une double surprise pour les associés coopérateurs, par sa soudaineté alors que nous n’en avions pas eu écho auparavant, et par son l’ampleur. Voir la société H&H prendre 49,9 % du capital inquiète naturellement les producteurs sur l’indépendance de la coopérative. H&H a jusqu’à présent respecté ses engagements ; gageons que sera toujours le cas dans ce nouveau rapport de capital. Isigny Sainte-Mère a anticipé les conséquences de la réglementation chinoise qui devraient intervenir début 2022. Mais je crains que, si dans quelque temps les autorités chinoises modifient encore les règles du commerce avec les autres pays, H&H sera bien obligé de s’y conformer, avec des conséquences qui pourraient être plus lourdes. La coopérative devrait certainement prendre un nouveau coup d’avance en envisageant la filialisation d’une partie de son activité, plus longue à mettre en place, mais qui n’engagerait pas l’intégralité de l’entreprise. Cette question des exigences commerciales croissantes de la Chine devra certainement être étudiée à l’échelle nationale, car, si les statuts français de la coopération nous protègent davantage, qu’en est-il des autres entreprises et des conséquences que ces réglementations pourraient avoir sur les entreprises laitières et le devenir des producteurs de lait ? »