Entreprises de travaux agricoles
De l’ARETAR à EDT Normandie : 20 ans de consolidation
En 1994, les ETA (Entreprise de Travaux Agricoles) ont coulé les bases de leur fondation avec l’ARETAR. Vingt ans plus tard, ils attaquent les finitions à travers EDT Normandie.
Vendredi 7 février prochain, à Torigny-sur-Vire (50), se tiendra l’assemblée générale d’EDT Normandie (Entrepreneurs Des Territoires). Autour de son président actuel, Didier Cairon, se joindront 3 mousquetaires, présidents fondateurs du syndicat des ETA (Entrepreneurs de Travaux Agricoles). Le manchois Rémi Lebreton (1994-1999). Le calvadosien Jean Besnard (1999-2004). L’ornais René Herbaudeau (2004-2009).
Rencontre avec les 3 vétérans assis sur un banc de l’IREO de Condé-sur-Vire (50) pour une séquence “souvenirs”.
Du rififi syndical
Ils étaient une poignée au départ de l’aventure. Dans leurs souvenirs, le trio n’oublie pas de citer quelques autres pionniers, véritables chevilles ouvrières, comme Daniel Lair (Tinchebray-61) ou bien encore Daniel Poulain (Reffuveille-50). “La situation était compliquée en 1994. Il existait un syndicat par département mais chacun devenait de plus en plus moribond”, explique Rémi Lebreton. Le rififi national et la guerre fratricide que se livrent l’UNETAR (Union Nationale des Entreprises de Travaux Agricoles et Ruraux) et la FNETARF (Fédération Nationale des Entrepreneurs de Travaux Agricoles, Ruraux et Forestiers) scindent les troupes en deux clans. Un camp (UNETAR) reprochant à l’autre son manque de “gnaque” sur le dossier de la taxe professionnelle.
Conscients que ce clivage ne pouvait que pénaliser le combat syndical, les bas-normands vont chercher à rassembler plutôt qu’à diviser. “En réunissant nos 3 structures départementales, nous étions persuadés que nous pourrions alors embaucher un animateur. Quelqu’un pour nous représenter dans les différentes instances décisionnelles tout au long de l’année. Car nous, entrepreneurs, impossible de nous libérer pendant les périodes de grands travaux”, insiste Rémi Lebreton. Plusieurs réunions préparatoires vont se dérouler au cours de l’hiver/printemps 1993-1994 Notamment autour de la soupe de Thérèse (Ndrl : Lair). “On essaye 6 mois et on va voir. C’était tout l’un ou tout l’autre”.
L’assemblée générale constitutive se tient à Vire (14) en présence d’un noyau dur d’une soixantaine d’entrepreneurs. L’ARETAR (Association Régionale des Entrepreneurs de Travaux Agricoles et Ruraux) est née.
Un problème de reconnaissance
“Nous avions un problème de reconnaissance alors nous n’étions pas invités aux réunions. L’ARETAR nous a apporté cette crédibilité vis-à-vis des instances”. Des soutiens précieux ont compté aussi et de citer, entre autres, Roger Lecamus (président de la Chambre d’agriculture de la Manche), son homologue du Calvados (Jean Soulas) ou bien encore Pascal Férey, alors président des JA (Jeunes Agriculteurs).
La montée en puissance est d’autant plus rapide que l’ARETAR se dote d’un animateur en la personne d’Alain Hierle, toujours fidèle au poste 20 ans plus tard. Sa première mission : ouvrir aux ETA les portes du “contrat jeune”. A l’époque, tout jeune installé qui adhère à une CUMA pour minimiser ses charges de mécanisation, se voit accorder une subvention. “Au nom de l’équité de traitement et de la liberté de choix, pourquoi pas quand il fait appel à une ETA ?”, revendique l’ARETAR. Appuyée par la DDTM (DDA en 1994), cette revendication va rapidement aboutir dans la Manche. Il faudra plus de temps dans le Calvados et l’Orne.
Mais si les ETA ont évoqué parfois une distorsion de concurrence avec les CUMA, “pas question de partir à la bataille avec elles”. On s’est plutôt activé à changer les esprits”, se remémore Jean Besnard. Une stratégie qui va s’avérer gagnante, tant en externe qu’en interne.
Car si les ETA siègent désormais ici et là avec droit de parole, elles fédèrent de plus en plus. De 60 adhérents à sa création, elle atteint les 140 pour son dixième anniversaire et tutoie désormais les 200 grâce à son ouverture à la Haute-Normandie. C’est une autre de leurs caractéristiques. Avant-gardistes, les entrepreneurs de travaux agricoles n’ont pas attendu 2014 pour parler “réunification”. Ils l’ont mise en œuvre dès 2012.
Autre élément marquant de leur jeune histoire, l’organisation du congrès national à Caen. C’était en 2001.
On s’est créé du relationnel
Au chapitre de ses acquis palpables, l’ARETAR a eu d’autres conséquences. “Il y a des choses qui ne se mesurent pas comme la création de relationnel. Désormais, on se connaît mieux. On se tire moins dans les pattes”, jugent nos 3 ex-présidents. N’allez pas croire pour autant que la concurrence entre ETA n’existe plus, elle est bien réelle. Mais s’il n’est pas écrit, une certaine forme de “code déontologique” prévaut. “On ne se pique pas les clients, illustre René Herbaudeau, mis à part quelques francs tireurs mais qui, généralement, ne font pas partie de la maison”.
Ainsi, quand un agriculteur change de prestataire, c’est très majoritairement de son fait. “Un changement de génération par exemple. Les fils n’aiment pas toujours emboîter leurs pas dans ceux de leur père ! Un simple détail peut aussi faire basculer une situation. Rien n’est jamais inscrit dans le marbre. Une moissonneuse-batteuse qui arrive avec quelques heures de retard sur un chantier et la sanction peut tomber l’année suivante”.
De façon quasi unanime, les entrepreneurs estiment avoir à faire face à une clientèle de plus en plus exigeante. Ce qui ne les émeut pas outre-mesure même si cela génère du stress.
“Les agriculteurs sont eux-mêmes de plus en plus sous pression. Alors à nous de nous adapter. A nous d’être de plus en plus professionnels”, lâche René Herbaudeau qui a transmis le flambeau de son entreprise à son fils en association avec un salarié.
Cette professionnalisation passe par la formation des chauffeurs mais aussi par une adaptation perpétuelle de leur parc matériel.
Grosses et belles machines : le péché mignon
Car les belles et grosses machines, c’est le péché mignon de ces amoureux de la mécanique. “C’est une nécessité. Nous devons aller de plus en plus vite”, se défendent-ils. Il est une autre raison. Si les ETA ne se chatouillent pas entre elles en s’interdisant le démarchage en exploitation, elles aiment se démarquer de leurs collègues de façon ostentatoire. La plus grosse ensileuse, la dernière moissonneuse-batteuse (...), plus ou moins verte ou jaune, ça en jette dans les champs. “Economiquement, ça ne se justifie pas toujours. Loin s’en faut, analyse même Alain Hierle. Ce sont alors les vieilles machines qui permettent d’amortir la nouvelle”. Et ce qui fait le bonheur des constructeurs et des distributeurs de machines agricoles provoque parfois l’angoisse des femmes d’entrepreneurs, bien souvent tenancières des cordons de la bourse de leur mari.
Même cheminement intellectuel quand il s’agit d’une nouvelle technologie. Pas d’étude de marché préalable, c’est au doigt mouillé que l’on jauge le marché. “Mais vous avez une idée du nombre d’heures que nous, ou nos chauffeurs, passons par an sur nos machines”, rétorque l’un d’eux rencontré il y a quelques semaines. Une façon de dire : “nous aussi, on a le droit de se faire plaisir !” Qui pourrait les en blâmer ?