Ensilage : zootechniciens face aux mécaniciens
Ces deux mondes se côtoient fréquemment sur les fermes. Mais, les zootechniciens et les mécaniciens ont parfois des difficultés à accorder leurs violons. Représentants des CUMA, entrepreneurs et techniciens d’Orne Conseil Elevage ont donc tenté de relier la théorie à la pratique. Histoire de porter un même discours technique autour de la récolte des fourrages.
llll Ils sont nombreux à avoir fait le déplacement, le 16 juin dernier au GAEC Louvet à Fleuré (gagnant du concours Silo’Scan 2016). Sans doute le signe que cette journée était attendue. Outre les CUMA, une vingtaine d’entrepreneurs étaient notamment présents. À l’initiative d’Orne Conseil Élevage, tous se sont mis autour de la table. Car tous sont au service des agriculteurs, avec la récolte des fourrages en ligne de mire. « Un tiers de la valeur fourragère est associée à la chaîne de récolte, de stockage et de distribution. Ce n’est pas négligeable. Nous nous croisons souvent sur les fermes et nous devons trouver des terrains d’entente. Les méthodes évoluent. Vous disposez de nouvelles possibilités techniques. De notre côté, nous pouvons pratiquer plus d’analyses », indique Yann Martinot, directeur technique d’Orne Conseil Elevage. Patrice Gauquelin, représentant des entrepreneurs, se montre enthousiaste. « J’étais 100 % pour. À nous d’expliquer pourquoi certaines recommandations sont parfois ingérables ».
Attention à la hauteur de fauche
Herbe et maïs étaient donc au menu. Si le foin et l’enrubannage semblent globalement maîtrisés, « les résultats de l’ensilage sont hétérogènes. Des progrès sont possibles », dixit Orne Conseil Elevage. Objectif : 35 à 45 % de matière sèche et une MAT supérieure à 14 %. Les techniciens préconisent de faucher les prairies en fin d’après-midi pour faciliter l’accumulation de sucre dans la plante. « Après la fauche, l’herbe perd 0,2 % de sucre et 0,2 % de MAT par heure. Elle doit donc rester le moins longtemps possible au sol : 48 heures au maximum. Le fourrage doit également être exposé sur 80 % de la surface fauchée », souligne Guilène Duboc, spécialiste herbe d’Orne Conseil Elevage. Cette dernière invite à faucher à 7 ou 8 cm de haut. La repousse est ainsi accélérée et la valeur alimentaire meilleure. « Faire comprendre à nos clients qu’on doit faucher à 7 ou 8 cm n’est pas simple. Nous répondons à leur demande », souligne un entrepreneur. Le combat est commun avec les conseillers. « Un message technique met souvent 3 ou 5 ans à passer sur le terrain », estime Yann Martinot.
Éclater tous les grains
Pour l’ensilage de maïs, le débat porte sur l’éclatage des grains. Le message technique a évolué ces dernières années. Deux tiers de l’énergie est apportés par la graine. « Si elle est mal éclatée, on peut perdre 100 à 200 € par hectare. Dans les analyses de bouses, nous retrouvions beaucoup d’amidon. C’est dommage de ne pas bien valoriser le fourrage », interpelle Olivier Raux, spécialiste maïs d’Orne Conseil Elevage. L’heure est donc au serrage de vis. L’éclateur doit être réglé à plus de 4 mm quand la matière sèche est inférieure à 28 %, 2 à 3 mm entre 28 et 35 % MS et
1-2 mm quand la matière sèche est supérieure à 35 %. Point positif, Orne Conseil Élevage observe une nette amélioration de l’éclatage des grains entre 2014 et 2015. « À 28 % de matière sèche, pulvériser tous les grains sans défibrer la matière n’est pas toujours simple », signale cependant Patrice Gauquelin.
Tasser, tasser et tasser
Après l’ensilage, la vigilance porte sur la confection du silo. À 5 % de perte correspondent 2 000 € d’envolées pour 20 hectares ensilés. Un leitmotiv : «tasser, tasser et tasser », selon Baptiste Foucault, animateur de la fédération régionale des CUMA. « Quand 45 tonnes par heure arrivent au silo, il faut des machines d’un poids minimum de 15 tonnes pour tasser le silo. Soit un tiers de la livraison par heure en matière sèche ». Le silo doit donner le tempo du chantier. Patrice Gauquelin estime d’ailleurs que la course à la puissance des machines marque le pas. « Je ressens un retour en arrière sur la folie des grandeurs. Je préfère dire à un client de répartir sur deux journées plutôt que d’ensiler 40 hectares dans la journée ».