Éric Morin, éleveur et trente ans de mairie au compteur
Éric Morin, 54 ans, est maire de Gandelain (61). Il est entré dans le conseil municipal à l’âge de 23 ans. Il a vu changer sa commune, évoluer les mentalités. L’éleveur, ancien cadre dans un laboratoire chimique, aime le relationnel humain et sa commune rurale.

>> Quelle était votre vie avant de devenir éleveur ?
Je suis né à domicile, chez ma grand-mère en 1966. J’ai passé ma jeunesse ici. Après mes études, j’ai travaillé pendant dix-sept ans en tant que responsable d’un laboratoire de chimie, près de Laval (53). J’ai été élu conseiller municipal à 23 ans, j’habitais à 110 km de Gandelain mais j’avais une petite maison ici, pour les week-ends et les soirs de réunion. J’avais peu de responsabilités directes.
>> Quand avez-vous commencé à prendre des responsabilités dans la commune ?
Quand j’ai été élu 3e adjoint, j’habitais toujours près de Laval. Je suis devenu 2e adjoint au maire quand je suis revenu ici et que nous nous sommes installés avec ma femme. Les choses se sont faites naturellement. Le travail s’apprend sur le tas, on se construit dans une dynamique d’équipe. Et puis je suis devenu maire il y a quatre ans, quand mon prédécesseur est décédé. Les responsabilités sont plus délicates, on s’aide de la documentation, on s’abonne à des revues. Les services juridiques du bureau des maires de l’Orne et de la préfecture sont là pour nous aider.
>> Quelles sont les qualités du maire ?
On les apprend avec le temps : être à l’écoute ; prendre le temps d’étudier les dossiers et ne pas s’emballer. Dans une commune rurale, nous sommes confrontés à plus de choses qu’en ville. C’est important d’être bien entouré. Ici, on travaille avec une secrétaire et un agent. D’ailleurs, je salue leur travail. On fait du social, de l’économie, du matrimonial, la police… Le maire doit aussi être fédérateur, savoir travailler en équipe.
>> Qu’est-ce qui vous plaît le plus ?
Avoir une latitude d’organisation. Dans mon travail à Laval, je gérais une équipe. Là, les élus sont aussi des copains mais je reste le maître des horloges. J’aime être acteur des projets, mettre en place des dossiers et les suivre. Quand vous êtes maire d’une petite commune rurale, tout ce que vous faîtes se voit. La mairie, c’est comme une petite entreprise publique.
>> Agriculteur et maire, deux « métiers » complémentaires ?
Je ne serais pas devenu maire si je n’avais pas été à mon compte. Quand j’ai été élu, j’ai augmenté les heures de mes salariés, une bonne chose pour eux. En tant qu’indépendant, je peux m’organiser comme je veux. En tant qu’agriculteur, je suis sur place. Parfois je viens en bottes à la mairie. D’autres fois en cravate. Le temps consacré à la commune est très irrégulier et je le récupère en heures supplémentaires à la ferme.
>> Quels sont les sujets abordés en conseils municipaux qui concernent la profession agricole ?
L’environnement, la préservation des sites naturels, l’entretien des routes. Les traitements et les épandages dans les communes où il y a des lotissements. Les plans locaux d’urbanisme intercommunaux. Chez nous, l’enquête publique est terminée et très peu de paysans sont venus voir le dossier alors que c’est fait pour eux.
>> Comment constitue-t-on une équipe municipale ?
On fait avec son équipe et on va voir les électeurs pour les postes vacants : on repère les habitants qui s’investissent dans les associations, le comité des fêtes. On discute, on leur présente le poste. J’essaie d’avoir une répartition équilibrée des élus sur le plan géographique, professionnel, de sexe et d’âge.
>> Avez-vous ressenti l’évolution des mentalités des ruraux et « néo-ruraux » depuis ces dernières années, notamment vis-à-vis des agriculteurs ?
Les gens manquent de plus en plus de civisme, jettent leurs déchets dans les champs. Dans la commune, quand la route est sale après un chantier d’ensilage par exemple, je sais qui va venir me voir. Alors, je me déplace, je rencontre l’agriculteur et j’interviens, ou pas. J’ai aussi vu les mentalités des personnes âgées changer et j’ai entendu des réflexions indignes de leur génération. Une personne qui vient de la ville doit accepter les cloches, le chant du coq, les passages de tracteurs. Ça vient progressivement mais il y a des choses sur lesquelles je ne céderai jamais.