Evaluer la compensation agricole collective
Quel est le préjudice économique des infrastructures sur le tissu économique agricole ? Les Chambres d’agriculture de Normandie proposent un chiffrage.
Depuis 15 ans, 20 hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour en Normandie, soit près de 7 300 hectares par an, sur les 2,09 millions d’hectares de surface agricole de la région. Essentiellement lié au développement de grands travaux (lignes ferroviaires, urbanisation, etc.), ce préjudice affecte autant les exploitations agricoles de manière individuelle, que l’ensemble des filières agricoles régionales : la perte de foncier est en effet irréversible.Pour prendre en compte ce phénomène de consommation de foncier agricole et de déstabilisation de l’économie agricole, la Loi d’Avenir Agricole de 2014 a introduit le principe de “Eviter, Réduire, Compenser” aux projets d’aménagement foncier impactant l’agriculture. Ainsi, lorsqu’un maître d’ouvrage n’est pas en capacité d’éviter ou de réduire les impacts de son projet sur l’agriculture locale, il sera tenu, à partir du 1er janvier 2016, de réaliser une étude d’impact préalable des projets d’autoroutes, lignes ferroviaires, etc. Cette étude doit contenir a minima une description de l’économie agricole du territoire impacté et une étude des effets du projet sur ces filières agricoles concernées.
L’évaluation économique sur l’ensemble de la filière
La loi prévoit ainsi la création d’un fonds de compensation agricole, alimenté par les maîtres d’ouvrage, en fonction de l’impact du projet sur l’ensemble des filières agricoles : perte de valeur ajoutée sur les exploitations, baisse de l’emploi pour les opérateurs économiques amont et aval et impacts sur les fonctions environnementales des territoires agricoles.L’utilisation de ce fonds reste à définir. Elle devra cependant être collective. Mais si la loi prévoit bien la mise en place d’une “compensation agricole collective” et si les maîtres d’ouvrage commencent à se préoccuper de la façon de prendre en compte les impacts de leur projet sur l’agriculture, les méthodes de calcul sont encore rares et restent à définir.
Un euro par m² pour les surfaces agricoles normandes
Dès 2012, les Chambres d’agriculture de Normandie se sont penchées sur la question de l’évaluation du coût collectif de la perte de foncier agricole pour les filières, en proposant une méthode de calcul. Testée dans un premier temps au niveau régional, la méthode, basée sur le calcul de la “Valeur Economique Totale” d’un hectare agricole, est adaptable à tout projet de toute région, afin de prendre en compte les spécificités des exploitations et des filières impactées.La méthode de calcul évalue la perte de valeur ajoutée au niveau de la production comme au niveau des industries amont et aval sur plusieurs années, et tient compte de la disparition de services environnementaux rendus par les terres agricoles.A titre d’exemple, la valeur économique totale d’un hectare normand moyen a été évaluée entre 0,8 € et 1,2 €/m2, mais les premiers résultats concrets de l’utilisation de cette méthode ont montré que la Valeur Economique Totale peut être multipliée par 4 pour des projets impactant des filières à forte valeur ajoutée, comme la filière maraîchage. Cette compensation collective viendra s’ajouter aux indemnisations individuelles des exploitations touchées directement par l’ouvrage.