Exosquelette : arrêt anticipé du test à la ferme expérimentale
A la ferme expérimentale de Normandie La Blanche-Maison à Pont-Hébert (50), fin de l’expérimentation de l’exosquelette en salle de traite après seulement un mois d’utilisation.
Parmi la diversité des thématiques d’expérimentation à la ferme expérimentale normande de La Blanche Maison se trouve la santé sécurité au travail des agriculteurs et notamment la recherche de solutions pour améliorer leurs pratiques quotidiennes. L’expérimentation de l’exosquelette intitulée « projet Exotraite » avait pour objectif d’évaluer l’intérêt de l’utilisation d’exosquelette lors de la traite, les gains éventuels sur l’organisation du travail, le confort, la santé et la sécurité au travail. Il s’agissait de répondre entre autres aux questions suivantes relatives à l’utilisation de l’exosquelette :
- Est-ce un poids supplémentaire ou est-ce confortable ?
- Gêne-t-il ma circulation dans la salle de traite, dans l’aire d’attente ou me rend-il plus efficace ?
- M’empêche-t-il de faire certains mouvements ou permet-il de corriger ma posture de travail ?
- Mes douleurs sont-elles soulagées ou m’en provoque-t-il de nouvelles, sur d’autres zones ?
L’expérimentation, accompagnée par la Chambre régionale d’agriculture et la MSA était prévue sur trois mois. Un protocole de suivi a été mis en place. Ce dernier était basé sur l’observation des salariés à la traite, avec et sans l’exosquelette, ainsi que sur un suivi médical des trayeurs avant et pendant l’expérimentation.
Si l’expérimentation a été bien accueillie par les salariés : « au départ j’étais très impatient d’essayer parce que je m’imaginais que ça me soulagerait des douleurs récurrentes que j’avais à traire », une baisse d’enthousiasme est rapidement apparue du fait de la mise en évidence de modestes bénéfices au regard des inconvénients.
Les conclusions des observations réalisées par les conseillers de prévention de la MSA sont confirmées par les retours des salariés.
Des bénéfices modestes
- Assistance à l’effort d’élévation de l’épaule lors des interventions sur les trayons les plus éloignés, essentiellement lors du nettoyage de la mamelle. Ce bénéfice concerne les vaches les plus hautes et les plus éloignées du quai de traite.
- Assistance pour accéder aux commandes situées en hauteur.
« Il me soulageait quand je levais les bras pour utiliser les boitiers, dans les étapes de trempage et quand les vaches étaient mal positionnées. Il m’a soulagée dans le maintien du dos et il incite à utiliser nos jambes pour se baisser plutôt que le dos. »
Des inconvénients dommageables
- Augmentation de la charge mentale du fait de la vigilance qu’impose cet équipement dans les déplacements et les contacts avec les vaches, mais aussi du fait de l’effort demandé pour maîtriser les gestes lors de son utilisation.
« Il a modifié mon état d’esprit par rapport à la traite avec une impression de traite plus longue. Il captait toute notre attention tout au long de la traite donc ajoute une fatigue morale à la charge de travail. »
- Augmentation des contraintes en rotations de la colonne vertébrale.
« C’est le port sur le dos comme un sac à dos qui gêne à la longue, au bout d’une heure ça gêne, on a envie de le repositionner ou de faire une pause comme on le ferait pour un sac, mais il est fixe. »
- Augmentation des contraintes liées à l’envergure de l’exosquelette lors des déplacements dans la fosse et les passages d’hommes.
- Modification possible des réflexes en cas de risque lié aux animaux (coup de pattes par exemple).
« J’étais beaucoup plus méfiant et sur mes gardes par rapport aux animaux avec l’exosquelette. »
- Difficultés à réaliser les tâches annexes d’alimentation des veaux, de séparation du lait impropre à la consommation et de récupérations d’objets au sol.
- Dans certains cas, apparition de signes faisant craindre une compression nerveuse au niveau du bras (cf photo).
« Je ressentais un soulagement en le retirant. J’avais une sensation de fatigue dans les bras, des douleurs apparaissaient 1 heure après et qui persistaient dans la journée et la nuit. »
Compte tenu de ces éléments, l’arrêt de cette expérimentation a été décidé pour ne pas nuire à la santé des trayeurs. Ils ont confié : « C’est un appareil fait pour réaliser et soulager un seul mouvement, il ne correspond pas à tous les gestes de la traite ».
C’est principalement ce qui fait que « cet exosquelette n’est pas adapté pour la traite ». Et de conclure par « L’exosquelette ne remplace pas une bonne installation de traite ! »
Il est important de considérer les résultats de ce test dans le cadre précis de l’expérimentation. En effet, ils ont du sens dans le contexte de la salle de traite de la ferme expérimentale et de son environnement, des pratiques des salariés ainsi que du modèle d’exosquelette utilisé pour le test.
Les résultats de ce test, précurseur dans le milieu agricole et qui a suscité un grand intérêt de la part des agriculteurs, incitent à resituer l’exosquelette dans une démarche globale de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS). L’aménagement de la salle de traite et l’optimisation de l’organisation du travail restent des voies prioritaires d’adaptation.
L’exosquelette ne vient vraiment qu’à la fin d’une analyse fine de l’activité, lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions à proposer.
D’ailleurs, pour l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (l’INRS) l’enjeu réside dans la parfaite adéquation entre l’environnement de travail, l’opérateur et enfin l’équipement. Trouver sur ces points le bon équilibre est une démarche qui prend du temps, demande des ajustements et peut in fine ne pas aboutir.
Lever les freins à l’utilisation par le ciblage d’espace de travail favorable, ainsi qu’une adaptation de l’exosquelette à la traite par l’équipementier seront deux préalables à la poursuite de l’expérimentation. n