Transmission d’exploitation
Face à la reprise, les candidats veulent créer leur propre entreprise
Lors des Assises normandes de la transmission, jeudi 21 octobre 2021 à Caen, le constat des professionnels était unanime : les candidats à l’installation ont changé. Non issus du milieu agricole, ils veulent créer leur propre structure et pas forcément reprendre une exploitation pour en poursuivre l’activité.
Lors des Assises normandes de la transmission, jeudi 21 octobre 2021 à Caen, le constat des professionnels était unanime : les candidats à l’installation ont changé. Non issus du milieu agricole, ils veulent créer leur propre structure et pas forcément reprendre une exploitation pour en poursuivre l’activité.
« Il y a une différence entre les projets des candidats à l’installation, qui ont la volonté de créer une entreprise et la reprise de l’exploitation » souhaitée par le cédant. C’est sur ce constat, formulé par François Rihouet, élu référent installation à la Chambre d’agriculture de Normandie, que démarrent les Assises de la transmission, jeudi 21 octobre à Caen. « Ils recherchent des petites structures, plus souples, moins lourdes, renchérit Loïc Madeline, trésorier de Bio en Normandie, plus axées sur le nourrir que sur la production ». Un état des lieux partagé par le directeur du Campus métiers nature de Coutances, Philippe Deshayes : « le recrutement depuis 20 ans montre une courbe stable, mais le profil a beaucoup changé ». Les Non issus du milieu agricole, Nima dans le jargon, souhaitent majoritairement s’orienter vers le maraîchage bio, voire les petits élevages, « j’ai aussi des demandes pour paysans boulanger et les projets d’installation en association avec des productions complémentaires sont en hausse », relate le directeur. Un problème pour l’avenir des fermes de polyculture-élevage bovin, majoritaires dans la région. « En agriculture biologique, ajoute le trésorier, le couplage sol/animal est important, les animaux permettent de maîtriser les têtes d’assolement ».
Témoignage dans l’Orne
Marie-Gabrielle Durand, titulaire d’un master en sociologie et Jules Hergault, longtemps saisonnier agricole, se sont installés courant octobre à Saint-Cormier-des-Landes (61) : « ça a été compliqué de trouver des terres, parce qu’on cherchait entre 30 et 50 hectares, c’est trop petit ». Finalement, ils trouvent 55 ha pour installer leurs 30 VL Tarines en vue de fabriquer des pâtes pressées type Beaufort. « On choisit la transformation pour maîtriser nos ventes », indique l’éleveuse, « et on fait le pari de s’installer en couple sur une petit surface en valorisant au maximum », complète Jules Hergault. « Comment accompagner ces installations nouvelles ? » questionne Loïc Madeline.
Accès au foncier
Pour aider ces nouveaux profils à l’installation, l’accès au foncier reste une priorité : la Safer est très sollicitée, « chaque conseiller reçoit entre quatre et cinq demandes chaque semaine », souligne Clément Vinsard, lui-même conseiller. Dans le secteur de Caux (76) où il exerce, « on fait face à des entreprises qui cherchent à faire du bénéfice et contournent sans arrêt les institutions et les règles ». Il dénonce cet « accaparement des terres », dans le département, « en 2020, 2 500 hectares sont détenus par quinze personnes ». Selon Michel Lafont, agroéconomiste à la Chambre d’agriculture de Normandie, les collectivités ont un rôle à jouer, « les EPCI peuvent avoir un regard sur la gestion foncière, se soucier de faciliter l’installation », note-t-il. Si des structures comme la Safer ou Terres de liens jouent le rôle d’apporteurs de capitaux pour sécuriser des installations, l’agroéconomiste mise sur « une diversification des instruments financiers » dans la future PAC.
Une étude menée conjointement par la Chambre d’agriculture et Bio en Normandie indique qu’une majorité des cédants n’anticipe pas la transmission de son exploitation : « sur les cédants contactés, précise Christine Desmortiers, 60% n’avaient entamé aucune démarche ». Le reflexe est de prévenir la laiterie, « plus rarement, ils s’inscrivent au répertoire départ installation (RDI) ». « La bonne nouvelle, c’est qu’une majorité d’entre eux voient peu de freins à leur transmission », ajoute Claire Boudeau-Blanchard. Parmi ces blocages : le changement de production envisagé par les repreneurs, que le projet ne passe pas auprès des banques ou que les propriétaires refusent de louer les terres. La maison d’habitation « peut être un problème dans les deux sens », relève la coordinatrice, certains veulent s’installer en famille et ont besoin d’un logement, d’autres, en association, n’en veulent pas.