Face à un marché mondial porteur, les éleveurs désemparés
Un marché mondial porteur, mais des prix toujours aussi bas, en France, dans la filière bovine, le contexte a de quoi frustrer les éleveurs, selon la Fédération Nationale Bovine (FNB). Face à leurs difficultés, le ministre de l’Agriculture a annoncé des allègements de charges et l’organisation d’une table ronde entre les membres de la filière.
Le 6 mai au soir, près de 150 éleveurs ont commencé le blocage de l’abattoir Socopa (groupe Bigard) de la Roche-sur-Yon. Le 7 mai, les abattoirs de Cholet, Villefranche d’Allier, Venarey- Lès-Laumes, Cherré sont bloqués, tous du groupe Bigard, leader de l’industrie des viandes en France. Le mouvement s’est poursuiviu lundi matin en Basse-Normandie matin à Villlers-Bocage (14) devant Elivia .Pour Guy Hermouët, vice-président de la Fédération Nationale Bovine (FNB), les éleveurs en ont assez de voir le prix de la viande issue de vache allaitante au prix de la viande issue de vache laitière. « Aujourd'hui, la viande bovine de vaches allaitantes est payée au producteur 60 centimes de moins au kilo qu'il y a deux ans », dénonce-t-il. « Le marché mondial est porteur et les producteurs se sentent frustrés », assure Dominique Daul, vice-président de la FNB. Effectivement dans un contexte où la demande mondiale en viande devrait croître, les difficultés supportées par l’élevage allaitant restent difficilement acceptables par les producteurs. Et cela d’autant plus que la France devrait retrouver très bientôt un statut de pays à « risque négligeable » vis-à-vis de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle), donc pouvoir conquérir des marchés exports à foison. À l’image des producteurs de lait, les éleveurs de vaches allaitantes trouvent les industriels peu combatifs sur ces marchés exports.
Des industriels frileux sur l’export
« En France, les prix sont plus bas que dans les pays voisins. Les industriels français tirent volontairement les prix à la baisse. Très présents sur le marché européen, ils exportent ainsi plus facilement au sein de l’UE. S’ils devaient conquérir d’autres marchés exports, cela ferait un appel d’air qui permettrait aux prix à la production de remonter en France. Une situation plus compliquée à gérer pour les industriels ». Tel est le raisonnement d’un membre de la filière. Difficile cependant d’analyser la stratégie de grands groupes comme Bigard… Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, commente de son côté la stratégie de ce type d’industriel : « ils sont assis dans un pré et cueillent l’herbe jusqu’à ce qu’il y en ait plus, sans aucune anticipation ! ». Dominique Daul rappelle le contexte des trésoreries exsangues des éleveurs, surtout des engraisseurs. « Il y aura des cessations d’activité dans un an. Il y en a déjà. Nous savons qu’avec la nouvelle Pac, nous allons perdre 0,25 €/kg carcasse dans les cinq prochaines années. S’il n’y a pas de revalorisation des prix, nous allons vers des dépôts de bilan », affirme Dominique Daul. « Que veut-on en France aujourd’hui ? Condamne-t-on la France à être seulement naisseur ? », s’interroge-t-il.
Des mesures d’allègement de charges
Stéphane Le Foll a entendu le message de la FNB. Ainsi, à la suite d’un rendez-vous au ministère, le 4 mai, il a annoncé une série de mesures pour aider la filière : report ou effacement des cotisations MSA pour 3,5 Me et activation d’un fonds d’allègement de charge pour 2 Me. Il a également demandé aux banques des reports d’échéance et/ou la renégociation de prêts avec des taux conformes à ceux du marché. Dominique Daul revendique des taux à moins de 1, voire 0,5%. Le ministre annonce également l’organisation d’une table ronde avec les acteurs de la filière, éleveurs industriels et grande distribution, «afin d’arrêter une stratégie commune pour l’exportation». Mais «pas que…», selon Guy Hermouët qui parle de restauration hors domicile et surtout de retrouver un prix décent payé au producteur. La table ronde est attendue pour le 11 mai. En attendant, les éleveurs vont maintenir la pression par l’extension du mouvement de blocage des abattoirs. « Aucun camion ne pourra rentrer ou sortir, avec un risque de pénurie durant le week-end auprès des grandes surfaces », conclut Guy Hermouët.