Thierry Chasles, producteur de pommes chez Val de Vire
Filière Boissons d’Agrial et Val de Vire : “j’aurais préféré une fusion”
Le rachat par AGRIAL de Val de Vire (branche boissons de la coopérative Elle et Vire) ne soulève pas de levée de boucliers. Certains pensent cependant qu’on aurait pu aller plus loin. C’est en tout cas le sentiment de Thierry Chasles, producteur de pommes dans la Manche, qui évoque la notion de fusion, histoire notamment de s’adapter à la conjoncture laitière. Une réflexion qui dépasse même ces deux seules coopératives.

En tant que contractant Val de Vire, ce rachat constitue-t-il une surprise ?
Pas du tout. Même si elle se termine mal, l’aventure Val de Vire aura permis de développer une production de pommes à cidre dans le secteur. Permis aussi de fixer une cinquantaine d’emplois sur Condé-sur-Vire. Au bilan, tout n’est pas négatif.
Sur la forme, vous semblez plus critique ?
Dans le cas d’un rachat, quand un producteur doit négocier un nouveau contrat, il est obligatoirement en position de faiblesse. C’est pourquoi j’aurais préféré une fusion. Elle présentait l’avantage de mettre tous les producteurs sur un même pied d’égalité.
Mais quand vous évoquez la fusion, vous pensez aux branches cidricoles des deux coopératives ou votre réflexion va plus loin?
Cidricoles bien sûr dans un premier temps en définissant les clés de répartition et pour préserver l’équité de traitement entre producteurs. Mais plus largement, je crois qu’effectivement il aurait été utile de réfléchir à une fusion globale. Quand on mesure les difficultés de la filière laitière, quand on connaît la situation des deux entreprises avec un même client et un même contrat, je considère qu’on aurait été plus fort en fusionnant. En résumé, une bonne solution pour préparer l’avenir. Je suis d’ailleurs surpris par le nombre de producteurs qui se sont exprimés favorablement dans ce sens.
Mais ce rachat n’interdit pas une fusion future?
Il est quand même dommage de vendre un bout pour s’associer après. Quand on est parti sur du rachat....
Comment expliquez-vous finalement cet échec Val de Vire ?
Entre autres choses et vu d’aujourd’hui, certains choix stratégiques du passé se sont avérés peu profitables. Val de Vire a arrêté ses propres marques pour privilégier la MDD (Marque De Distributeur) avec quasiment un seul acheteur : Leclerc. En y ajoutant un coup de LME (Loi de Modernisation Economique), la situation est devenue très vite inconfortable.
Quelles conséquences à terme de ce rachat sur le prix de la pomme ?
Les cours des pommes livrées usine étaient sensiblement les mêmes mais la clé de répartition différait en fonction des variétés. Compte-tenu de la nature de nos vergers, certains producteurs Val de Vire risquent d’être pénalisés. Dans le cadre d’une fusion, nous aurions pu en discuter. Dans le cadre d’un rachat, c’est plus dur à négocier. Ça peut signifier : “voilà le contrat, vous prenez ou vous ne prenez pas ?” La marge de manœuvre se trouve largement limitée.
Avec encore un acteur de moins au sein de la filière et une position encore plus dominante d’Agrial, quid de l’avenir de l’interprofession voire même de celui de la FNPFC ?
L’avenir de l’interprofession n’est pas en jeu. Il existe d’autres entreprises comme Val de Rance qui peut sortir gagnante dans l’affaire. La grande distribution va se tourner un peu plus vers elle. Les artisans sont également toujours là. Concernant la FNPFC (Fédération Nationale des Producteurs de Fruits à Cidre) et sans rebattre les cartes, il va quand même falloir se poser les bonnes questions et bien définir ses missions.