Gestion des charges opérationnelles : exemple des fermes des réseaux d’élevage
La maîtrise des charges variables est un levier important pour faire face aux aléas de la conjoncture : prix volatils des fertilisants, des aliments, de la viande, etc. En novembre dernier un article montrait la possibilité de réaliser des économies d’environ 50 €/ha sur l’azote destinée aux productions fourragères et aux cultures de 44 fermes allaitantes suivies de 2007 à 2012, par les réseaux d’élevage Inosys de Normandie et Nord Picardie. Les résultats présentés ici montrent que des économies supplémentaires sont aussi possibles sur d’autres intrants.
Partant du constat que l’atelier allaitant était optimisé, avec une hausse régulière de la production brute de viande vive 2007 et 2012 et que des économies d’azote de l’ordre de 50 €/ha sont envisageables dans près de la moitié des fermes étudiées, la question était d’identifier d’autres sources d’économies possibles sur d’autres intrants (semences, phytosanitaires, …). En termes de méthode, les fermes ont été séparées en 2 groupes de taille équivalente : celles dont le bilan N est inférieur à 50 kgN/ha (conduites économes) et celles où il est supérieur à 50 kgN/ha (conduites moins économes). Le bilan N est la différence entre les entrées d’azote (engrais, fourrages et concentrés achetés) et les sorties (productions animales et végétales).
Des charges en intrants à la hausse pour les cultures fourragères et de vente
Dans ces fermes Inosys réseau d’élevage, la hausse des charges opérationnelles entre 2007 et 2012 (figure 1) des cultures de vente a été de + 47 % (+ 199 €/ha) et de + 43 % en cultures fourragères (+ 84 €/ha), alors qu’elle est faible sur les surfaces en herbe (+ 10 % avec + 5 €/ha).Les variations interannuelles sont essentiellement causées par les fluctuations des prix des engrais, la hausse des charges en semences et phytosanitaires étant légère et sans à coup. Pour ces 44 fermes, la hausse des charges opérationnelles est légèrement supérieure à celui de l’indice des prix agricoles IPAMPA : + 62 % pour les engrais & amendements (contre + 56 % pour IPAMPA), + 19 % pour les phytosanitaires (contre + 8 %) et un peu plus contenue pour les semences avec + 15 % (contre + 19 %). Au final, la hausse d’usage des intrants végétaux de ces exploitations d’élevage est supérieure à l’indice des prix agricoles. Cette hausse est-elle justifiée et se traduit-elle par une meilleure performance économique ?
Des rendements équivalents dans les fermes économes où non économes en intrants
Hormis l’année 2007, particulièrement mauvaise pour les cultures, la période 2008 à 2012 se traduit par une relative stabilité des rendements (- 3 %, tableau 1). Cela signifie qu’avec la hausse constante des charges opérationnelles végétales, une marge brute élevée n’est possible qu’avec des prix de vente des cultures qui augmentent. Cette fragilité de la marge brute concerne plus particulièrement les fermes les moins économes qui ont un bilan N > 50 : le niveau de fertilisation azotée y est plus élevé de + 24 kgN minéral soit environ + 20 €/ha, les charges en semences aussi avec + 15 €/ha (96 €/ha contre 81 €/ha) et les charges phytosanitaires avec + 20 €/ha (186 €/ha contre 166 €/ha). Le cumul représente + 55 €/ha pour les fermes les moins économes. La consommation d’intrants plus faible des fermes économes n’a pas d’effet net sur le rendement des cultures : - 1.3 qx/ha en céréales d’automne, - 0.7 qx/ha en oléagineux (figure 2), et + 2.5 qx/ha en protéagineux où + 0.6 qx/ha en maïs grain, par exemple.
La marge brute végétale est perfectible pour les fermes associant culture et élevage
Les variations de marge sont similaires pour les fermes les plus économes et les moins économes en intrants des cultures. Les valeurs les plus basses concernent l’année 2009 qui cumulait prix de vente faibles et prix des intrants élevés. Les fermes économes ont cependant une marge végétale moyenne de seulement 796 €/ha, inférieure à celle des moins économes 925 €/ha (- 129 €/ha) entre 2007 et 2012. Ce résultat est en trompe l’œil, il s’explique par une plus faible surface en cultures industrielles dans les fermes économes : 8 % de la SAU, contre 18 % pour les moins économes.Pour rendre les 2 groupes de fermes comparables, une estimation du manque à gagner lié aux moindres surfaces en cultures industrielles a été réalisée. Après calcul, l’écart de marge constaté de - 129 €/ha s’explique bien par la part de marge (+ 125 €/ha) attribuable aux surfaces plus élevée de culture industrielle dans les fermes moins économes. Ces dernières en économisant ces intrants utilisés en excès (+ 55 €/ha) leur permettrait de réaliser un gain de marge supplémentaire. A rendements identiques et ramené aux 60 ha en moyenne de cultures, ce sont 3 000 € d’économies potentielles/an à ajouter aux économies possibles sur les fertilisants (voir article de l’Agriculteur Normand du 26/11/15, page 24). Les fermes plus économes ont d’ailleurs une marge brute légèrement supérieure dès lors que l’on exprime le résultat en indice (figure 3).
Les solutions pour s’améliorer sont à plusieurs niveaux
Dans le contexte actuel difficile pour les fermes avec de l’élevage, il faut faire feu de tout bois pour gagner un peu de trésorerie. Ainsi les économies d’intrants de l’ordre de 50 €/ha en cultures peuvent se faire d’abord et facilement sur la base d’un raisonnement simple des intrants : traitements aux seuils de nuisibilité des maladies et autres ravageurs. Ensuite, il est possible d’aller plus loin dans les économies dans le cadre d’une démarche agro-écologique en utilisant une diversité de leviers agronomiques accessibles à de nombreux agriculteurs : choix de variétés moins sensibles aux maladies, densités de semis plus faibles en céréales, des rotations alternant mieux cultures d’hiver et de printemps, un travail du sol plus limité et raisonné par rapport au risque fusariose suite à un maïs et/ou selon les adventices présentes, etc. Des expériences existent, citons notamment dispositif Ecophyto-fermes déployé en France apportera des informations complémentaires du réseau d’élevage Inosys porté par les Chambres d’agriculture et l’Institut de l’élevage. En conclusion, une bonne performance sur l’atelier bovin constatée dans nos réseaux doit aussi être recherchée simultanément du côté des fourrages et des cultures.