Grands travaux : les territoires agricoles en quête de compensations
Le décret concernant l’application du principe « Eviter - Réduire - Compenser » appliqué à l’agriculture est paru le 31 août dernier au Journal officiel. Il précise le cadre d’application ainsi que le contenu de l’étude préalable à laquelle sont soumis les projets de travaux, d’infrastructures et d’aménagements publics ou privés.
L’urbanisation et les infrastructures consomment de manière irréversible des terres agricoles. La peine est double entre la perte de terres due à l’emprise et la compensation écologique qui existe dans une proportion allant jusqu’à 10 hectares « de compensation » pour 1 hectare « consommé ». La disparition de ces surfaces représente une perte économique pour le secteur agricole pris dans son ensemble, au-delà de l’indemnisation individuelle des agriculteurs concernés. Cette dimension de préjudice collectif était jusqu’ici peu prise en compte dans les évaluations.
La Loi d’Avenir pour l’agriculture de 2014 prévoit que les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics ou privés ayant des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole d’un territoire doivent donner lieu à une étude préalable d’impact sur l’économie agricole. Cette étude préalable et les éventuelles mesures de compensation seront alors prises en charge par le maître d’ouvrage.
Le décret date du 31 août 2016 et entre en vigueur le 1er décembre 2016. Le but n’est pas de systématiser un fonds de compensation mais bien de faire valoir, auprès des maîtres d’ouvrage, l’impact de projets sur l’économie agricole. L’idée est avant tout de réduire l’emprise des projets quand c’est possible ou de réduire les impacts et, en dernier lieu, de compenser.
Les conditions de soumission à l’étude préalable sont cumulatives :
- l’emprise du projet doit être située sur des terres dont la destination est agricole : une activité agricole doit être prouvée pendant au moins 1 an (CRPM) dans les 5 dernières années pour des terres situées en zone agricole dans les documents d’urbanisme ou sans document d’urbanisme et dans les 3 dernières années pour des terres situées en zone à urbaniser dans un document d’urbanisme ;
- l’emprise doit être définitive et répondre à un seuil de surface. Par défaut, il est fixé à 5 hectares par le Conseil d’Etat. Le préfet de département adapte ce seuil dans la fourchette de 1 à 10 hectares. Les services de l’Etat ont reçu une instruction pour fixer ce seuil avant le 1er décembre, date de mise en application du décret. Il est envisageable de définir plusieurs seuils par département, selon les productions ;
- le projet doit être soumis à étude d’impact environnemental systématique, hors ce champ a été modifié par décret du 11 août 2016 (voir détail ci-après).
Les opérations suivantes, soumises à étude d’impact environnemental systématique, sont notamment visées :
- installations classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) soumises à autorisation (agricoles et non agricoles) ;
- infrastructures de transport : infrastructures ferroviaires et routières (autoroutes et voies rapides, création de 4 voies, passage de 2 à 4 voies, routes de plus de 10 km) ;
- les barrages et retenues d’eau de plus d’1 million de m3 ou de plus de 20 m de haut et les dispositifs de captage des eaux souterraines de plus de 10 millions de m3 ;
- les forages et mines ;
- les travaux, ouvrages, aménagements ruraux et urbains : Zones d’Aménagement Concerté, permis d’aménager, permis de construire, villages vacances d’une surface de plancher supérieure à 40 000 m² ou terrain d’assiette supérieur à 10 ha ;
- toute opération d’aménagement foncier ;
- déboisements supérieurs à 25 ha.
Certains projets impactant en termes de surfaces tels que des équipements sportifs ou de loisirs ou des infrastructures routières non citées ci-dessus ne sont ainsi pas soumis au cadre du décret.
Le contenu de l’étude, qui doit être lancée en même temps que l’étude d’impact environnemental, doit être le suivant :
- description du projet et délimitation du territoire ;
- analyse de l’état initial de l’économie agricole du territoire concerné (production agricole primaire, première transformation et commercialisation par les exploitants) ;
- effets positifs et négatifs sur l’économie agricole, effet sur l’emploi, évaluation financière des impacts ;
- mesures d’évitement et de réduction de la consommation et si elles ne suffisent pas, mesures de compensation sur le territoire impacté ;
- évaluation de leurs coûts et conditions de mise en œuvre.
Le processus de validation de l’étude passe par le préfet et les Commissions Départementales de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF) (schéma ci-contre).
Les CDPENAF doivent prochainement déterminer un ou des seuils surfaciques départementaux d’application du décret. La profession agricole doit être force de proposition dans cette détermination.