Interview du président du canton d’Aunay à la FDSEA
Grégoire de Mathan : "Les agriculteurs ont du bon sens, pas besoin d’alourdir les règles"
Grégoire de Mathan, 37 ans, est installé en élevage de brebis, à Longvillers, dans le Clavados. Son stage en Australie l’a conduit à rencontrer les Jeunes agriculteurs et, de fil en aiguille, à entrer à la FDSEA du Calvados.
Grégoire de Mathan, 37 ans, est installé en élevage de brebis, à Longvillers, dans le Clavados. Son stage en Australie l’a conduit à rencontrer les Jeunes agriculteurs et, de fil en aiguille, à entrer à la FDSEA du Calvados.
>> Grégoire de Mathan, qui êtes-vous ?
Je suis fils d’agriculteurs. Je n’ai jamais voulu avoir un autre métier. Je ne voulais surtout pas aller au lycée Malherbe, à Caen. Un jour, j’ai accompagné ma sœur au Robillard. J’ai été happé, j’y suis resté cinq ans : trois ans de bac et deux de BTS techniques végétales. Ensuite, j’ai réfléchi à m’installer. Mon père avait une trentaine de brebis, j’avais le projet de développer l’atelier. J’ai cherché un stage à l’étranger. En quelques jours, on m’en a proposé un en Australie dans une ferme de moutons. J’ai embrayé. J’ai passé sept mois en Tasmanie. J’ai appris qu’on pouvait faire pâturer les moutons sur des couverts végétaux. Il y avait 10 000 ovins. Là-bas, ils ne travaillent pas à la même échelle que nous. Ça m’a conforté dans mon idée de continuer cette production, ça m’a aussi rassuré. En rentrant, je n’avais pas peur de gérer 400 agnelages. Je me suis installé en Gaec avec mon père en 2005, après une année comme aide familial. On est resté associé jusqu’à son départ à la retraire, en 2012. Ensuite, j’ai cherché un salarié. J’en ai embauché plusieurs, le dernier étant un gendarme à la retraite, passionné par les animaux. Aujourd’hui, la ferme c’est 450 brebis, 110 ha dont 13 ha de vergers, 15 de prairie et le reste en culture de vente.
>> Comment avez-vous commencé le syndicalisme ?
Quand je suis rentré d’Australie, on m’a demandé de témoigner sur mon voyage auprès des jeunes dans les lycées agricoles. C’est comme ça que j’ai rencontré des Jeunes agriculteurs. J‘avais 22 ans, je suis entré chez JA comme administrateur du canton d’Aunay. Il y avait une bonne dynamique locale, puis nous avons atteint la limite d’âge. Ça collait avec la période à laquelle j’ai construit mon projet professionnel, je me suis marié. J’avais moins de temps.
>> Et la FDSEA ?
Hélène Pien et Christophe Macé sont venus me voir en 2019. Ils cherchaient quelqu’un pour faire revivre le canton d’Aunay. J’avais bien aimé le travail mené par Jean-Yves Heurtin pendant les élections à la Chambre d’agriculture. J’ai d’ailleurs accueilli une réunion de campagne dans la bergerie. Je me suis dit qu’il faut être solidaire, qu’il y a beaucoup de combats à mener pour défendre notre profession. Alors j’ai accepté.
>> Quels sont les combats prioritaires selon vous ?
Lutter contre l’artificialisation des sols. C’est quelque chose que j’ai appris quand j’étais chez les Jeunes agriculteurs. On ne peut pas grignoter des terres pour créer une quatre voies qui ne fera que déplacer des bouchons. Il faut une prise de conscience. Un jour, on le regrettera, mais il sera trop tard. Il faut agir maintenant. Je pense aussi aux problématiques environnementales comme les ZNT, qui ont été créées contre nous et non avec nous. Le problème est pris à l’envers car il vaudrait mieux nous aider à nous améliorer dans la manipulation des produits phytopharmaceutiques au moment du remplissage et du rinçage des cuves. Nous faisons attention quand nous manipulons les produits, mais on peut encore gagner en technicité. Les agriculteurs ont du bon sens. Pas besoin d’augmenter sans cesse les règles.
>> Qu’aimeriez-vous mettre en place pendant vos trois ans de mandat ?
On avait un bon groupe de JA dans le canton. On s’entendait bien. Après la crise sanitaire de la Covid-19, j’aimerais qu’on se réunisse lors d’un moment convivial, qu’on échange sur nos problématiques. Et c’est plus facile de s’organiser pour aller à des réunions ou des manifestations à Caen quand on est une dizaine : on fait des voitures communes, on se motive les uns les autres. J’ai deux enfants, ma femme est médecin généraliste. Je ne peux pas assurer de réunions le soir, mais je peux faire remonter à l’échelle départementale sans souci (sourire).
Question à Christine Salmon, vice-présidente de Pré-Bocage intercom et maire des Monts-d’Aunay
Avez-vous bien pris conscience dans la construction des plans d’urbanisme de l’importance de préserver le foncier agricole, dans votre intercommunalité proche de Caen ?
Cela a été une question sur laquelle les élus ont porté beaucoup d’attention. Nous avons réalisé un certain nombre de diagnostics, notamment le diagnostic agricole. Chaque élu a d’abord dû examiner de près le territoire urbain de sa commune et combler les « dents creuses » pour créer de la densité urbaine. Les communes qui pouvaient s’étendre par étalement devaient limiter cet étalement pour créer de la densité. Aujourd’hui, les parcelles sont plus petites : une maison sur une parcelle de 400m² quand précédemment on acceptait 1 500m² de terrain. Nos décisions étaient encadrées également par le Scot du Pré-Bocage.
Pour ma part, je considère qu’un territoire comme le nôtre doit préserver son identité, donc sa ruralité. Les exploitations agricoles sur notre territoire sont nombreuses et les élus doivent y être attentifs. Les terres agricoles sont l’outil de travail de nos exploitants, il était donc pour moi primordial de trouver la juste mesure entre le besoin de développement de notre territoire et la préservation des terres agricoles. Il était important de créer de la densité urbaine et non de l’étalement sur les terres agricoles.