Intermarché : une communication abusive et trompeuse selon la FNB
Dans sa communication institutionnelle et grand public, Intermarché se positionne comme un partenaire des éleveurs. Dans les coulisses, la chaine de distribution traine des pieds et du porte-monnaie en ne jouant pas le jeu du cœur de gamme. La FNB (Fédération Nationale Bovine) monte au créneau pour dénoncer un abus.
Sur l’étiquette de cette offre commerciale de 2 entrecôtes sous vide à 5,97€, le «20 % gratuit» écrit en rouge sur fond jaune attire immédiatement l’œil du consommateur. Celui de Pierre Vaugarny, secrétaire général de la FNB (Fédération Nationale Bovine) est plutôt attiré par la base-ligne(1) qui stipule «12000 éleveurs partenaires en France». Ce qui le fait bondir.
Publicité mensongère
«L’enseigne Intermarché n’a pas avancé d’un iota sur le dossier cœur de gamme. On vit donc comme une provocation cette communication et, plus grave même, c’est une tromperie vis-à-vis du consommateur», dénonce Pierre Vaugarny. La FNB a donc décidé de contre-attaquer en ciblant son action. «Sytème U, Carrefour et Lidl montrent de la bonne volonté. Chez les autres, les choses sont un peu moins avancées. Quant à Intermarché l’enseigne veut profiter des avantages sans jouer le jeu». C’est pourquoi jeudi dernier, après une séance de travail , le vice-président de la FNB, accompagné de représentants des 5 départements de la FRSEA Normandie, s’est rendu au magasin Intermarché de Louvigny (14) pour une explication de texte.
Un déplacement fructueux qui a apporté de l’eau au moulin de la contestation. «Fiers de notre filière boucherie. Chez Intermarché, si nous sommes Producteur Commerçant, c’est pour donner à tous l’accès à une alimentation meilleure», peut-on lire sur un dépliant publicitaire. De quoi irriter Daniel Courval (FDSEA 14). «Qui sont vos producteurs? Où sont vos animaux ?» a-t-il demandé à Jean-Marc Morel, directeur du magasin.
D’autres anachronismes ont été relevés comme ce lot de deux pièces qui fait état de trois lieux de découpe sur l’étiquette. La traçabilité imposée aux éleveurs et réclamée par le consommateur se perd apparemment dans les coursives de la transformation.
15 000 éleveurs mettent la clé sous la porte
«Pendant ce temps, 15 000 des 60 000 éleveurs français sont en train de mettre la clé sous la porte», souligne-t-on du côté du syndicalisme. Et si la démarche «cœur de gamme» n’est pas la réponse universelle au marasme bovin, elle représente une revalorisation non négligeable, «jusqu’à 1/3 du prix de l’animal», souligne Pierre Vaugarny.
Au-delà, c’est la mise en place de nouvelles relations commerciales que prône la FNB qui évoque la notion de «commerce équitable». Force est d’ailleurs de constater que, dans ce domaine, la France est mal lotie et devrait balayer devant sa porte suite au travail mené par Bruxelles à travers son observatoire des prix. Le secteur viande bovine français pointe à la 18ème place européenne en terme de prix payé au producteur. C’est dans ce contexte que l’on bat, en ce moment, des records d’abattage et que devrait être dévoilé le 15 décembre prochain un nouvel identifiant. «Un travail de fond qui indique que nous voulons être encore plus acteurs dans l’acte commercial. C’est une démarche syndicale nouvelle», conclut Pierre Vaugarny.
(1): ligne de texte située au bas d’une annonce publicitaire, d’une publication ou d’une affiche.
«Je vais vous aider»
L’effet de surprise passé, le directeur de l’Intermarché de Louvigny s’est voulu transparent avec la délégation d’éleveurs. «Je ne gagne pas d’argent sur le rayon sous-vide, a-t-il précisé, mais je vais vous aider en faisant remonter l’information». Un peu électron libre parmi ses paires, s’il propose un rayon viande libre-service sur lequel il n’a pas la main, «c’est parce que j’adhère à une enseigne et j’ai des obligations mais mon cœur de cible, c’est le rayon traditionnel». Fils de boucher, Jean-Marc Morel a d’ailleurs ouvert les portes de ses frigos aux manifestants. Sur le billot, une carcasse cœur de gamme achetée au juste prix insiste le directeur, facture à l’appui. «Juste prix payé aussi à l’éleveur?», a interrogé Dominique Bayer (FDSEA 61). Personne ne peut encore répondre à la question mais l’enquête est en cours. Toujours est-il que, côté consommateur, le rayon boucherie traditionnelle est bien une force du magasin. «De la viande de qualité et pas forcément plus cher», insiste une cliente. Et Jean-Marc Morel d’indiquer qu’il commence à expérimenter la maturation de la viande et, si ce n’est pas toujours possible, c’est parce que la plupart des carcasses sont lavées et que l’eau ne fait pas bon ménage avec la maturation. Quant au prix, il indique ne jamais négocier le morceau quand il achète pour son rayon «tradi». Pour le reste, les prix sont imposés par l’enseigne.