Interview
Adeline Aubert, responsable animation de JA 61 : " J’aime l’animation autant que les chiffres "
La jeune femme de 25 ans est salariée agricole dans deux exploitations du canton de Tinchebray-Bocage. Depuis jeudi 18 juin, elle fait partie du bureau départemental des JA. Adeline Aubert mise sur le recrutement.
La jeune femme de 25 ans est salariée agricole dans deux exploitations du canton de Tinchebray-Bocage. Depuis jeudi 18 juin, elle fait partie du bureau départemental des JA. Adeline Aubert mise sur le recrutement.
>> Adeline, qui êtes-vous ?
Je suis originaire de Lonlay-l’Abbaye. Ma mère est auxiliaire de vie, son mari est agriculteur près de Lisieux. Mon père est entrepreneur agricole, mon grand-père l’était aussi. Ma grand-mère était agricultrice. Mon oncle, ma tante et mon cousin sont agriculteurs. Nous sommes cinq filles parmi une famille recomposée de huit enfants. J’ai validé un BEP puis un bac au lycée agricole de Sées. J’ai poursuivi par un BTS Acse à La Ferté-Macé puis un CS compta gestion. Je voulais absolument travailler au CER, mais je crois que je n’ai pas eu les bonnes connexions. J’ai validé la formation un an plus tard. J’ai travaillé pendant deux ans dans un labo de boucherie. Et depuis 2018, je suis salariée quatre jours par semaine dans une exploitation laitière, à Larchamp. Le mercredi, je suis embauchée pour faire la compta de l’exploitation de mon compagnon, de son père et d’un tiers, à Chanu.
>> Deux choses que vous aimez faire ?
J’adore les chiffres et les maths. Pourtant, je ne connais même pas mes tables de multiplication (rires). J’ai toujours eu des facilités à l’école, parce que je suis très attentive en cours. Je n’ai pas besoin de beaucoup réviser mais de bien relire. Mes patrons à Larchamp sont en 100 % lait. J’y suis bien en tant que salariée. Je trais une fois par week-end toutes les deux semaines. Ça me permet de récupérer un après-midi pour travailler au bureau des JA. Ici (à Chanu, NDLR), je suis très autonome. Je me régule pour organiser mon emploi du temps.
>> Comment avez-vous commencé les JA ?
J’avais 19 ans. Le président du canton, à l’époque, a bien vendu le fait de s’engager : il fallait relancer la structure, que nous les jeunes nous y mettions du nôtre, pour que ça bouge, qu’on donne notre avis. C’était l’époque des blocages de supermarchés. Ça m’a donné envie de défendre le métier, de dire ce qu’on veut. Je me suis aussi rendu compte que le bureau traitait les questions qu’on se posait, qu’il ne brassait pas de l’air (sourire).
>> Et à l’échelle départementale ?
J’étais suppléante du responsable animation depuis trois ans. Maxime Vaugeois, mon prédécesseur, m’a convaincue que j’étais capable d’assurer à ce poste, de suivre les dossiers. J’aime l’animation autant que les chiffres. J’aime expliquer et montrer notre métier, avoir du contact. Je travaille avec Amandine, salariée du réseau, sur les dossiers. Il n’y a pas de fête de la Terre cette année, mais nous maintenons un concours départemental de labour, exclusivement pour les JA de l’Orne.
>> Quel est votre défi pour les deux années de mandat à venir ?
Réussir une belle fête de la Terre en 2021. J’aimerais aussi arriver à recruter plus de bénévoles sur des animations plus courantes. On voit toujours les mêmes à Alençon Medavy ou à Ferme en fête. J’aimerais arriver à mobiliser dans mon canton mais aussi dans les autres. C’est toujours la grande question, comment recruter ? Toutes les excuses sont bonnes pour ne pas aller aux réunions. Et moins on y va, plus celles auxquelles on assiste paraissent ennuyeuses. Je motive les gars à coup de SMS. Je suis timide mais autoritaire quand je suis responsable. Mes potes m’appellent parfois lieutenant Aubert.
>> Le bureau compte maintenant deux femmes élues et deux animatrices. La mixité n’est pas encore atteinte …
Il y a encore beaucoup de préjugés dans le monde agricole. Une femme doit davantage faire ses preuves qu’un homme. J’ai déjà entendu « femme au volant mort au tournant » par un homme qui juste après a arraché un rétroviseur. Alors je me défends en envoyant des pics, car les femmes ont autant leur place que les hommes. Ma patronne entend encore des personnes lui dire qu’elles veulent parler au patron, alors qu’ils sont associés à parts égales. Elle a beaucoup de caractère, elle assure en mécanique et je l’ai déjà vue refuser l’accès à des transporteurs machos. Mon grand-père ne comprend pas pourquoi je conduis un tracteur alors que ma grand-mère est très fière de ce que je fais. Mais les mentalités évoluent et je n’ai jamais honte d’admettre quand je ne sais pas quelque chose. C’est comme cela qu’on fait correctement sa place.