Jérôme Nury et le glyphosate : « attention à la concurrence déloyale »
Jérôme Nury, député de l’Orne, n'est pas proglyphosate mais reste très pragmatique sur le sujet. "Pourquoi pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs concurrents européens?", pose-t-il comme question au gouvernement. Dans la campagne normande, tous les agriculteurs ont en eux "quelque chose du député Nury".
Jérôme Nury, député de l’Orne, est intervenu dans l’Hémicycle le 28 novembre lors des questions au Gouvernement.Il a ouvert la séance avec une question sur le glyphosate adressée au premier ministre et au ministre de l’Agricultureet de l’Alimentation.
Tout le monde est à peu près d'accord pour dire qu'il faut sortir du glyphosate. Il y a en effet des présomptions fortes quant à la nocivité de cette molécule. Même si des rapports scientifiques sont contradictoires, Il est prudent d'appliquer le principe de précaution et donc à terme d'interdire cette substance. Le problème réside surtout sur le tempo de la sortie. Alors que l'Union européenne avait envisagée dans un premier temps une nouvelle autorisation du glyphosate sur 10 ans, une majorité d'Etats se sont finalement entendus sur 5 ans.
La France, elle, a défendu une autorisation de 3 années. Mais elle n'a pas été entendue par ses partenaires. Malgré cela, le président de la République a souhaité aller plus loin que la décision de l'Union européenne, en indiquant que la France interdira dans 3 ans l'utilisation de cette molécule.
Le député met en évidence la faiblesse de la France
« La voix de la France en Europe n’arrive pas à emporter une décision qu’elle considérait comme capitale. Ce vote est un camouflet pour le président de la République qui plaidait pour un renouvellement de 3 ans. Ce vote donne l’image d’une Europe qui tergiverse, incapable de s’entendre sur un sujet essentiel ». Cette position peut se défendre, mais malheureusement elle n'est pas vraiment assortie de garanties satisfaisantes pour les agriculteurs. Le député de l’Orne a souhaité également rappeler aux ministres que cette distorsion de concurrence avec les pays voisins serait redoutable dans un contexte déjà difficile.
« Chacun mesure bien les attentes légitimes de nos concitoyens qui souhaitent que soient bannis des productions agricoles, les produits chimiques à risque. Mais comment cette situation sera-t-elle tenable pour nos agriculteurs, qui doivent déjà lutter à armes inégales sur le plan des charges et des normes vis à vis de leurs concurrents européens ? Nos agriculteurs qui durant deux années se verront imposer une obligation de non utilisation du glyphosate, pendant que nos voisins pourront le faire. »
Enfin, le parlementaire ornais a posé deux questions essentielles pour les agriculteurs. « La France va-t-elle s’obstiner à n’accorder qu’un délai de 3 ans, qui va pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs concurrents européens ? Et surtout, comment va-t-on pouvoir accélérer la recherche pour trouver des méthodes de substitution à l’emploi du glyphosate et accompagner la profession agricole ? »
Dans sa réponse le ministre de l'Agriculture a indiqué qu’il souhaitait mobiliser tous les acteurs pour avancer ensemble vers la sortie du glyphosate: les chercheurs, pour trouver des solutions alternatives, l’INRA, les services de l’État, pour réfléchir à des restrictions d’usage collectives rapidement opérationnelle, les producteurs, sans lesquels rien ne sera possible et dont les contraintes doivent être pleinement prises en compte dans la construction des solutions, les experts sanitaires... Enfin, parce qu’il est indispensable de sortir des divergences qui existent entre l’Organisation mondiale de la santé et les agences européennes quant à la dangerosité réelle du glyphosate.
Pour le ministre, il est trop tôt pour savoir où nous en serons dans trois ans. Pour l’heure, il faut faire tous les efforts nécessaires pour mobiliser la recherche, mobiliser les instituts techniques et accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques agronomiques.
Jérôme Nury sera vigilant sur le sujet car il faut tenir compte à la fois des attentes des consommateurs mais aussi des agriculteurs qui ne peuvent être concurrencés de manière déloyale pendant deux ans par les concurrents européens.
FNSEA : la France fait « bande à part»
La FNSEA a pris acte du vote des 28, saluant le « pragmatisme » d’un grand nombre d’États et déplorant que la France ait choisi de « faire bande à part. Le temps politique reste en décalage avec le temps de la recherche scientifique », poursuit le syndicat qui dit oeuvrer pour «qu’aucun agriculteur ne se retrouve devant une impasse technique ». Et de mettre en avant son « contrat de solutions » pour réduire les phytos. La FNSEA a invité Stéphane Travert le 27 novembre sur la plateforme d’innovation TerraLab, ex-Ferme 112 dans la Marne, pour lui présenter « les techniques et les pratiques qui font l’objet d’expérimentations et qui permettent d’envisager cette trajectoire de progrès », explique-t-elle. Mais d’après son secrétaire général Jérôme Despey, la profession agricole « n’acceptera pas une surtransposition française pendant 2 ans tandis que les autres pays de l’UE produiraient avec des contraintes moindres ».