Commerce international
La Basse-Normandie avance ses pions en Chine
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Une délégation bas-normande, conduite par Philippe Duron et composée d’élus régionaux et de chefs d’entreprises, s’est rendue en Chine dans la province du Fujian, pour participer à la Foire internationale chinoise du Commerce et de l’Investissement.

Ce déplacement a été aussi l’occasion pour la délégation bas-normande d’échanger avec les partenaires du Fujian. Il a été question en particulier de la filière agroalimentaire.
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"Au-delà de la consommation intrinsèque des expatriés là-bas, le cidre a sa place en Chine sur le créneau du marché de luxe", juge Jérôme Delile
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"Aller à l’export, c’est vendre une différence", insiste Daniel Delahaye.
Depuis 1990, la province du Fujian et la Région Basse-Normandie sont liées par un protocole de jumelage. En 2005, pour fêter le 15ème anniversaire du jumelage et pour présenter le nouvel exécutif régional aux partenaires chinois, la Région Basse-Normandie a souhaité développer des contacts plus étroits avec sa province jumelle.
Le Gouverneur de la Province du Fujian a invité la Basse-Normandie à participer à la foire internationale chinoise du Commerce et de l’Investissement (China International Fair for Investment and Trade - CIFIT), événement majeur de la vie économique de la province, mais aussi de la Chine dans son ensemble. A cette occasion, Philippe Duron a été reçu par le Président de l’Assemblée populaire provinciale du Fujian et par le Gouverneur de cette province.
Plus de 200 pays
Le CIFIT s’est déroulé à Xiamen dans la province du Fujian, du 8 au 11 septembre. Cette foire internationale a réuni plus de 200 pays et groupes internationaux. La Région Basse-Normandie était représentée sur le stand de l’Agence Française pour les Investissements Internationaux.
Lors de ce rendez-vous, Philippe Duron a présidé un séminaire sur la Basse-Normandie afin de présenter aux autorités chinoises les atouts de notre région. Plusieurs chefs d’entreprise bas-normands ou leurs représentants ont accompagné les élus régionaux dans ce déplacement : Philips semi-conducteurs (Caen), Noyon (transports à Mondeville), Recycling Industria (recyclage plastique à Caen), LETNA (logistique à Cormelles le Royal), Quadraxis (logiciels informatiques à Cherbourg-Octeville), EMG (mécanique industrielle à L’Aigle), Coopérative laitière d’Isigny-Ste-Mère, Frial (surgelés à Bayeux), la cidrerie Viard (Bayeux) et la société Borney (fabrication de drapeaux à Argentan). La Société Hérouvillaise d’Economie Mixte pour l’Aménagement (SHÉMA) et Normandie Développement ont aussi accompagné la délégation.
Echanger
Ce déplacement a été aussi l’occasion pour la délégation d’échanger avec les partenaires du Fujian sous forme d’échanges en B to B (Business to Business). Il a été question en particulier de la filière agroalimentaire (lire ci-dessous les témoignages de Jérôme Delile et Daniel Delahaye). Une rencontre avec les autorités locales responsables du tourisme a été également organisée, pour un échange sur le thème des activités balnéaires et maritimes. Enfin, la délégation s’est entretenue sur les échanges universitaires et la coopération dans le domaine de l’enseignement supérieur.Jérôme Delile (Cidrerie Viard)
Le cidre de Bayeux bientôt produit de luxe en Chine
Jérôme Delile, patron de la Cidrerie Viard à Guéron près de Bayeux (14), a fait le voyage en Chine avec quelques unes de ses bouteilles dans les valises. "A l’occasion d’un cocktail normand, le cidre de Bayeux a été sincèrement apprécié par les représentants chinois. Ce sont des gens ouverts aux goûts nouveaux", confie-t-il.
Une place sur ce marché
La Cidrerie Viard, qui réalise déjà 15 % de son chiffre d’affaires à l’export, espère transformer l’essai. "Au-delà de la consommation intrinsèque des expatriés là-bas, le cidre a sa place en Chine sur le créneau du marché de luxe, juge Jérôme Delile.
Un marché de niche ainsi qui, à l’échelle d’un pays aussi immense, vaut son pesant de muselet. Notre cidrier, dans le cadre d’entretiens en B to B, a d’ailleurs noué plusieurs contacts avec des distributeurs locaux dont un en attente d’une licence d’importation. De là à la première commande, le chemin est encore long mais pas hors de portée. Il faut appréhender la logistique (choix du produit dans la gamme, conditionnement, conception de l’étiquette et de la contre-étiquette en chinois en respectant la réglementation locale, sécurisation des circuits de paiements...). Un chemin semé d’embûches mais de formidables perspectives de développement. Une autre piste de développement est de fabriquer sur place.
Produire sur place ?
Au cours de ce voyage, on a proposé à Jérôme Delile de fabriquer en Chine un cidre de pamplemousse par le biais de la création d’une holding au capital france-chinois. Le ticket d’entrée est un peu élevé et l’entreprise un peu aventureuse. Et pourquoi ne pas fabriquer sur place un cidre de Bayeux même s’il faut lui ajouter une touche d’exotisme ? "Ce serait sans doute aller à l’encontre de nos intérêts et se tirer une balle dans le pied," considère Jérôme Delile. Sans parler du risque de contre-façon (une véritable institution en Chine) en cas de succès. "On trouve là-bas des films DVD à 1 e qui n’ont même pas encore reçu leur visa d’exploitation en France !"Daniel Delahaye (Coopérative d’Isigny-Ste-Mère).
Continuer à bâtir après avoir débroussaillé
La coopérative d’Isigny-Sainte-Mère (700 producteurs et 700 employés) réalise 35 % de son chiffre d’affaires à l’export. Elle est déjà présente sur le marché chinois au travers de l’hôtellerie, la restauration haut de gamme et la grande distribution (la Chine comptabilise 80 hypermarchés Carrefour, Auchan, Métro...). Isigny y vend également des laits infantiles via son antenne commerciale de Taiwan mais Daniel Delahaye, son directeur, espère aller beaucoup plus loin.
Une économie planifiée
"La Chine mène une politique de grands projets, analyse-t-il. Elle privilégie une économie planifiée en partenariat avec des privés". Ce voyage a donc été, pour le directeur de la coopérative, l’occasion d’appréhender et de travailler par le haut le marché chinois en mettant un pied dans le réseau. "Nos interlocuteurs ont campé le décor et nous avons pu décoder les attentes des distributeurs chinois".
Entretenir le réseau et les contacts
C’est donc par une politique des petits pas que la coopérative espère transformer l’essai. Ce voyage a permis de nouer de multiples contacts et de s’inscrire dans un réseau. Après divers échanges de courriers, une première sélection sera opérée. Cinq ou six touches sérieuses seront privilégiées. "Nous allons débroussailler le terrain puis je vais retourner en Chine, avec mes collaborateurs, pour voir les outils de ceux avec lesquels nous pourrions travailler", explique Daniel Delahaye.
Les faire venir aussi
Ultime étape avant une éventuelle contractualisation, faire venir les partenaires chinois à Isigny-Sainte-Mère. C’est la politique de la maison. Mais pour quel type de produit ? "Aller à l’export, c’est vendre une différence", insiste Daniel Delahaye. Et cette différence, il faudra la créer pour se démarquer et apporter un plus. Dans le Carrefour de Xiamen, le lait infantile couvre 30 mètres de linéaires. Nos voisins européens ou de pays tiers ne nous ont pas attendus. Il reste cependant de la place aux entreprises qui sauront la saisir.
Th. Guillemot