Session Chambre d'agriculture de Normandie
La Cran croque le projet de loi Egalim 2
Les élus de la Chambre régionale d’agriculture de Normandie (Cran) étaient réunis en session, vendredi 25 juin 2021, à Caen. La veille, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi Egalim2. Marine Raffray, agroéconomiste à l’APCA, a décodé les informations.
Les élus de la Chambre régionale d’agriculture de Normandie (Cran) étaient réunis en session, vendredi 25 juin 2021, à Caen. La veille, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi Egalim2. Marine Raffray, agroéconomiste à l’APCA, a décodé les informations.
« Depuis les années 1960, on voit une spectaculaire progression de productivité en agriculture. Mais les gains ne sont pas conservés par les producteurs. Un tiers leur revient. Les deux tiers partent vers l’agroalimentaire, le commerce et la restauration. » Marine Raffray, agroéconomiste à l’assemblée permanente des Chambres d’agriculture, pose le cadre. Vendredi 25 juin, elle rappelle – chiffres à l’appui – le déséquilibre commercial qui règne entre ceux qui produisent l’alimentation et ceux qui la transforment et la vendent : « 400 000 agriculteurs en France, 15 000 industries agroalimentaires, quatre centrales d’achat ». Le problème n’est pas nouveau et les solutions s’enchaînent sans succès : « depuis les années 1960, le législateur essaie de rééquilibrer les choses. 1960 : interdiction de revente à perte ; 1996 : loi Gallard ; 2005 : loi Dutreil ; 2008 : loi Chatel et loi de modernisation économique ; 2018 : Egalim. »
Egalim version 2
Egalim, née des États généraux de l’alimentation, promet de prendre en compte les coûts de production, d’encadrer les promotions, de relever le seuil de revente à perte afin de rééquilibrer les marges des GMS et d’augmenter les prix d’achat aux agriculteurs. Mais trois ans plus tard, le constat est sans appel : « de nouveaux dispositifs de promotions sont apparus, les marques des PME ont reculé et les MDD augmenté. La loi n’a pas résolu le déséquilibre sur le pouvoir de marché ». D’où la préparation d’une version 2. Réunis dans l’hémicycle le 24 juin, les députés ont adopté à l’unanimité en première lecture la proposition de loi (PPL) visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2, déposée par le député marcheur Grégory Besson-Moreau et soutenue par le gouvernement. Quelque 50 amendements ont été ajoutés au texte.
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Cinq articles majeurs
Le corps de la PPL comporte cinq articles majeurs. Le premier impose la contractualisation pluriannuelle de trois ans, assise sur des indicateurs de prix, de coûts de production et de qualité que les parties choisiront à leur guise. Ce contrat pluriannuel comportera des clauses de révision pour prendre en compte l’évolution des indicateurs retenus. Le deuxième article de la proposition de loi sanctuarise les prix négociés, autrement dit, « ce qui a été négocié entre les producteurs et le premier transformateur n’est plus négociable ». En conséquence, les négociations entre les industriels et la grande distribution porteront seulement sur les marges et les coûts de fabrication des produits transformés. La mise en place d’un tiers indépendant (commissaire aux comptes, expert-comptable…) assurera la transparence sur ce qui n’est pas négociable, tout en protégeant le secret des affaires. Pour résoudre plus facilement les litiges, le troisième article de la PPL prévoit la mise en place d’un comité des règlements des différends entre l’agriculteur et le premier acheteur, sur le modèle de ce qui existe déjà dans les télécommunications. Ce comité serait en mesure de prendre le relais de la médiation entre les parties d’un contrat contesté. En prenant des mesures conservatoires, il éviterait par exemple que des situations conflictuelles entre les producteurs et les transformateurs ne s’enlisent. Les quatrième et cinquième articles portent sur les origines des produits contractualisés et sur l’interdiction des campagnes publicitaires « de ventes de dégagement » destructrices de valeur. Elles promeuvent la commercialisation de produits alimentaires à des prix défiant toute concurrence, sans prendre en compte les coûts de production des produits agricoles. Si le Sénat doit à son tour adopter le projet de loi, Marine Raffray juge qu’il « reste des trous dans la raquette ». « Les MDD ne sont pas dans la proposition de loi », illustre-t-elle. Beaucoup de questions restent en suspens.