La FNPL fait sa rentrée laitière sur le terrain des réalités
Thierry Roquefeuil et Marie-Thérèse Bonneau (respectivement président et première vice-présidente de la FNPL) ont rendu visite, jeudi dernier, à Stéphanie et Jean-François Tapin, producteurs de lait à Feugères dans le centre Manche. Une rentrée laitière terrain et un échange sans langue de bois sur l’avenir d’une filière à la croisée des chemins.
«Notre laiterie veut bien nous donner du lait à traire en plus mais nous ne sommes toujours pas sortis de nos premiers investissements.» Aux manettes du GAEC des Cinq Sillons, à Feugères au nord de St-Lô (50), Stéphanie et Jean-François Tapin pilotent leur outil laitier avec conviction mais aussi prudence. Ils ne sont pas les moins bien lotis en terme de prix du lait payé au producteur (ils livrent aux Maitres laitiers du Cotentin) mais les investissements à l’installation pèsent encore dans la balance comptable.
De bonnes conditions de travail qui ont un prix
Après 10 ans de salariat, Jean-François s’est installé le 1er janvier 2004 sur 35 ha avec un droit à produire de 150 000 litres. Quatre ans plus tard, sa femme le rejoint. «Je ne suis pas issue du milieu agricole, je travaillais en usine. Il s’agissait donc d’un projet de famille avec 3 enfants, d’un choix de vie», insiste-t-elle, avec ses choix techniques comme la robotisation de la traite. «Nous disposons aujourd’hui de bonnes conditions de travail, reconnait le couple, mais c’est très lourd au niveau des emprunts». L’atelier lait tourne à plein régime, 650 000 litres sur 120 ha, 25 vaches en lait vendues par an et 150 T de foin pour les chevaux. Soulignant au passage le combat gagnant mené par la FNSEA et la FNPL sur la reconnaissance des GAEC entre conjoints, Stéphanie et Jean-François ne tarissent pas d’éloges sur leur laiterie. «Nous avons la chance de livrer aux MLC», reconnaissent-ils. Et un de leur voisin de faire remarquer qu’en comparaison avec une autre coopérative actrice locale qui paye 30 € de moins environ, le différentiel annuel atteindrait 20 000 €/an.
Pour autant, la croissance qu’a suivie pendant plus de 10 ans le GAEC des Cinq sillons marque le pas. «On pourrait doubler notre production mais il nous faudrait un second robot et se charger à nouveau d’emprunts pour 15 ans». Stéphanie et Jean-François sont donc dans l’expectative. Un cas qui est loin d’être isolé.
La moitié des producteurs bientôt à la retraite
«Dans les 5 à 10 ans à venir, la moitié des producteurs de lait va arriver à la retraite, note pour sa part Thierry Roquefeuil. Or, il nous faut garder notre modèle laitier français et maintenir cette densité de produits de qualité». C’est à la résolution de cette difficile équation que travaille la FNPL. «Nous devons être en prospective sur les mois et années à venir», rebondit Marie-Thérèse Bonneau, le regard pointé vers les Etats généraux de l’alimentation.
Oh bien sur, ce n’est pas un prix du lait plus rémunérateur qui sortira du chapeau. «Que le lait soit payé 150 ou 400 € au producteur, le consommateur paye toujours sa brique le même prix à quelques centimes prêts. On sait où vont les marges», ironisent les dirigeants de la FNPL mais à propos de marge et répondant au président Macron qui veut changer les choses, Thierry Roquefeuil et Marie-Thérèse Bonneau répondent «banco. Les Etats généraux de l’alimentation doivent aboutir à plus de transparence sur la répartition de la valeur ajoutée» même si certains postulats de départ pourraient faire craindre le pire (lire encadré). Et Sébastien Amand (président de la FDSEA 50) de saisir la balle au bond : «on a beaucoup d’inquiétude sur l’issue des Etats généraux de l’alimentation mais qu’elle qu’elle soit, il faudra que le réseau se mobilise pour activer les leviers qui seront mis à notre disposition. Il y a du travail à accomplir après les EGA». Au-delà de ce sujet d’actualité, c’est toute la structuration de la filière lait qu’il faut repenser dans un contexte de refonte de la PAC. «Inventer le GAEC de demain et peu importe à quoi il ressemblera pourvu que l’on garde notre ADN», propose Marie-Thérèse Bonneau.
La Normandie débat
«Avec Marie-Thérèse,nous sommes là pour bien vous faire comprendre que la FNPL reste au plus proche du terrain et à l’écoute des producteurs», avait indiqué en préambule à la visite d’exploitation Thierry Roquefeuil.
Message reçu par les Normands avec des interrogations tous azimuts. «Les laiteries ne doivent pas s’étalonner sur Lactalis, un bruit de contrat sur 7 ans : inadmissible, le travail de promotion de l’interprofession qui doit se mettre aussi au service d’initiatives locales, la problématique de la propriété des tanks à lait et celle des contrats de collecte, l’installation des jeunes agriculteurs, le risque d’intégration de la production par la grande distribution....» Autant de questions dont les réponses ne sont ni simples ni immédiates mais une nouveauté qui sortira officiellement dans quelques jours à la foire de Lessay (50) : une marque collective portée par la FDSEA Manche mais accessible à toutes les FDSEA de Normandie. Une autre façon de reconquérir de la valeur ajoutée.