Henri Brichart, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)
La politique du gouvernement est trop « court-termiste »
Le groupe Entremont a imposé une baisse du prix du lait pour juillet 2008 à ses producteurs, s’engouffrant dans la dérégulation du secteur décidée par le gouvernement, et provoquant un vaste mouvement de protestation chez les éleveurs de l’Ouest. Henri Brichart juge la méthode « inacceptable », et dénonce la posture trop court terme des pouvoirs publics.

Comment réagissez-vous face au comportement du groupe fromager Entremont Alliance ?
Le groupe Entremont a suivi le vide laissé par le courrier de la DGCCRF (qui a enjoint à l’interprofession laitière de mettre fin au système des recommandations trimestrielles, ndlr) dans le relationnel entre producteurs et industriels pour fixer le prix du lait. La hausse de prix décidée par Entremont est insuffisante au regard de la hausse des charges que subissent les producteurs, notamment le coût de l’aliment.
Mais le plus grave est la méthode utilisée par Entremont. Ils appliquent leur propre volonté alors que dans tout relationnel de prix, il y a les points de vue du fournisseur et de l’acheteur. Cette méthode est inacceptable, nulle part ailleurs quelqu’un vend quelque chose, le livre, et attend le bon vouloir de celui qui achète pour connaître le prix !
Il n’est pas du tout certain, en outre, que le consommateur tire profit de ce genre de méthode, et il n’est pas impossible que la grande distribution s’accapare encore quelques marges supplémentaires.
Que recherche le gouvernement en dérégulant le secteur laitier, partagez-vous son analyse ?
Cette dérégulation n’est pas légitime. Les recommandations sur le prix du lait formulées par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel), sur une base trimestrielle, n’étaient pas une entente dans le sens d’une entente entre des entreprises. Et elles permettaient de maintenir des prix acceptables pour les consommateurs. La dérégulation n’est pas bonne ni pour le producteur ni pour le consommateur.
La politique du gouvernement est trop « court-termiste » : il veut faire baisser les prix en rayons, mais en dérégulant, le prix payé au producteur baisse, les éleveurs réagissent alors en conséquence et la collecte diminue. Mais la demande, elle, se maintient, et, sur plusieurs années, le prix producteur remonte alors, ce qui accroît les prix à la consommation.
Les recommandations du Cniel donnaient un certain cadrage, elles éclairaient le marché, même si certaines entreprises pouvaient choisir de ne pas les suivre. Les recommandations ne dérangeaient pas le gouvernement, les pouvoirs publics ont même soutenu ce système. Mais lors des premiers mois de 2008, la priorité numéro 1 du gouvernement a été le pouvoir d’achat des Français.
Le mouvement des producteurs dans l’Ouest va-t-il se durcir ?
Les producteurs sont très déterminés. Je crois que les jours et les semaines qui viennent vont apporter des réponses, tout va dépendre d’Entremont.
Au sujet de la contractualisation, je crois que les éleveurs n’y sont pas hostiles, mais c’est la mauvaise méthode qui est utilisée. On aboutit à un contrat quand les deux parties sont satisfaites, mais là, Entremont ne montre pas le bon exemple. Le mouvement s’amplifie. Pour qu’il se détende, Entremont doit faire preuve de bonne volonté. Toutes les autres entreprises semblent avoir adopté une attitude positive, pas Entremont. Les producteurs ne veulent pas qu’il serve d’exemple à d’autres entreprises, d’où leurs fortes réactions.
Quel type de contractualisation envisageriez-vous ?
Le débat sur la contractualisation dure depuis plus d’un an au sein de l’interprofession. Aujourd’hui, avec la fin des recommandations et la perspective de la fin des quotas, elle est une des solutions pour fixer le prix. Sur une longue période, on pourrait parler d’un prix déterminable, quelque chose faisant référence à des indicateurs, des indices. Là, il faudra que le Cniel joue son rôle de fournisseur d’indicateurs.
Dans cette contractualisation, il y a aussi l’élément des volumes. Avec le déphasage actuel entre les produits laitiers de grande consommation et les produits laitiers industriels, les entreprises sont attentives aux volumes de lait qu’elles collectent. Il faudra qu’il existe des conditions de volumes et des flexibilités.
Ces discussions se feront entre une entreprise et ses producteurs, et tout va dépendre alors de la manière dont sont organisés les producteurs de cette entreprise. Le problème dans le cas d’Entremont, c’est qu’aucun groupement de producteurs n’existe pour peser. Ce temps des discussions est désormais ouvert.