État-syndicats
La préfète à la rencontre des agriculteurs ornais
Mercredi 8 juillet, Françoise Tahéri, préfète de l’Orne,
s’est rendue dans deux exploitations ornaises, aux côtés d’Anne-Marie Denis, présidente de la FDSEA et de Jean-Baptiste Goutte, président des JA depuis quelques semaines. Une journée pour comprendre les particularités de l’agriculture ornaise, ainsi que ses difficultés.
Mercredi 8 juillet, Françoise Tahéri, préfète de l’Orne,
s’est rendue dans deux exploitations ornaises, aux côtés d’Anne-Marie Denis, présidente de la FDSEA et de Jean-Baptiste Goutte, président des JA depuis quelques semaines. Une journée pour comprendre les particularités de l’agriculture ornaise, ainsi que ses difficultés.
« J’ai un profond attachement pour le monde agricole », lance Françoise Tahéri, préfète de l’Orne. Arrivée au mois de février dans le département, la représentante de l’Etat a enfin pu se déplacer dans deux exploitations ornaises, mer-
credi 8 juillet, à l’initiative de la FDSEA et de JA. « Nous avions organisé cette journée avant l’épisode de crise sanitaire. Il est primordial pour nous que la préfète comprenne les particularités agricoles du département et soit attentive à ses problématiques », affirme Anne-Marie Denis, présidente de la FDSEA 61. Le premier rendez-vous de la journée est donné à Suré, à la frontière de la Sarthe, à l’EARL de Nouray.
Des récoltes fourragères catastrophiques
Didier et Thibaut Loiseau, père et fils, sont installés sur une exploitation céréalière de 300 ha et comptent un poulailler de 1 200 m2 en volailles de chair pour le groupe Huttepin, commercialisées sous la marque Le Gaulois. Lors de la présentation de la ferme, les exploitants ont alerté la représentante de l’État sur les problématiques qu’ils rencontrent, notamment sur la partie céréales. « La récolte est catastrophique, d’une part, à cause des aléas climatiques, mais aussi de l’interdiction de produits phytosanitaires. Nous avons commencé à moissonner l’orge. Nous sommes entre 40 et 50 q/ha en moyenne. Dans certaines parcelles, nous sommes à 20 q/ha, c’est désastreux », déplorent les exploitants. Ils pointent du doigt l’arrêt du Gaucho, un néonicotinoïde. « Nous avons été envahis par le puceron d’automne », reprennent-ils. Les agriculteurs sont conscients de la nécessité de préserver les abeilles, mais ils regrettent l’interdiction totale de certains produits. « Les productions graminées ne sont pas mellifères, les abeilles ne viennent pas polliniser. Nous souhaitons que le Gaucho puisse être autorisé dans ces parcelles-là. Actuellement, nous devons passer plusieurs fois dans les champs pour pulvériser des insecticides peu efficaces sur le puceron et qui détruisent la faune présente utile. La multiplication des passages peut être mal perçue par les non agricoles qui passent aux abords de nos cultures », explique Jean-Baptiste Goutte, nouveau président des JA de l’Orne. Si Françoise Tahéri entend le message de la profession, elle insiste sur le fait que ces décisions répondent aux nouvelles attentes sociétales. « Les scientifiques ont émis un rapport alarmant sur le déclin des abeilles, ce qui justifie l’arrêt des néonicotinoïdes. L’agriculture est en transition. Il faut un temps d’adaptation aux exploitants pour passer d’un système à un autre et trouver des solutions alternatives aux produits chimiques », assure la préfète. Et Anne-Marie Denis de nuancer : « les agriculteurs ont conscience que les pratiques doivent évoluer. Mais limitons les produits de traitement uniquement lorsque des solutions de remplacement ont été trouvées pour ne pas mettre à mal la profession.»
Zone défavorisée et contraintes des ZNT
Après une pause déjeuner au Mêle-sur-Sarthe, Françoise Tahéri s’est rendue dans le berceau du parc régional Normandie-Maine, à Carrouges, chez Patrick et Benoit Delahaye. Le Gaec père et fils compte 160 ha de SAU, 100 vaches laitières avec un troupeau composé à 80 % de Normandes, 130 taurillons et 80 broutards Charolais. « Ici, aucun veau n’est vendu. Si c’est une femelle, elle est élevée pour intégrer le troupeau laitier, si c’est un mâle, il est engraissé. On ne connaît même pas le prix de vente des veaux », avoue Patrick Delahaye. La ferme produit du lait en AOP et livre à la laiterie Gillot. « Cela nous permet de faire en moyenne 45 € de plus-value pour 1 000 l », estime Benoît Delahaye. Si les voisins agriculteurs des Delahaye perçoivent leur exploitation comme « un modèle à suivre », les éleveurs ont tout de même leur lot de soucis. La ferme possède des champs à proximité des maisons et du centre-bourg de Carrouges. Les réglementations liées aux épandages sont contraignantes pour eux. « Nous ne pouvons pas épandre dans une partie de nos champs pour respecter les ZNT. Cela a des conséquences pour nos cultures, sachant que nous sommes déjà classés dans une zone défavorisée à cause de terres séchantes, précise Patrick Delahaye. Sans compter les regards et réflexions des riverains qui nous voient dans les champs sans savoir ce qu’on y épand. » L’agribashing est un vrai sujet que la préfète de l’Orne souhaite combattre avec force. « La crise sanitaire a démontré l’importance d’avoir une autonomie alimentaire nationale. L’agriculture française est reconnue pour ses produits, la marque « France » est gage de qualité. Les exploitants font évoluer leurs pratiques pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Il faut davantage communiquer pour qu’il y ait une meilleure cohabitation entre les ruraux et les urbains. Les agriculteurs n’ont pas à craindre des actes malfaisants lorsqu’ils travaillent, martèle la préfète, avant de conclure : la terre doit être destinée à nourrir les hommes. Garder la terre en SAU est un combat auquel je serai particulièrement attentive.»