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Lactalis : un mauvais poisson d’avril

Répondant à l’appel à mobilisation de la FDSEA et des JA de la Manche, 130 producteurs de lait se sont retrouvés jeudi soir devant l’entrée de l’usine Lactalis à Ste-Cécile. Frère Emmanuel a fait parler de lui.

llll «Une nouvelle fois, Lactalis fait une entourloupe aux producteurs de lait et à la filière. Sans aucune concertation, le géant laitier lavallois a décidé unilatéralement de modifier la grille de paiement du lait interprofessionnelle à son propre profit. Cette méthode n’a d’autre objectif que de brouiller les cartes sur la rémunération des éleveurs. Elle enfonce le clou d’un paiement du lait individualisé et inégal, facteur de trouble et de division entre les producteurs de lait. Il bafoue également l’exigence de transparence introduite par le gouvernement par la loi Sapin 2. Quel avenir pour l’esprit de la contractualisation piétiné par l’industriel ? Qui sera le garant de la transparence et de l’équité entre producteurs ?» s’interrogent la FDSEA et les JA de la Manche. Pour tenter d’y répondre, les deux syndicats ont organisé une opération sitting barbecue devant l’usine Lactalis de St-Cécile, jeudi soir, de 21 h à 23 h. 130 producteurs de lait, dans le calme, ont répondu présents. Mais un calme tout relatif, le poisson d’avril de Frère Emmanuel (Besnier) ne fait rire personne. Morceaux choisis.

Sébastien Amand (président de la FDSEA 50):
«Frère Emmanuel»
«Ce qui me choque au plus haut point, c’est de constater les annonces de rentabilité des entreprises de transformation laitière qui font encore des progressions à 2 chiffres sur 2016 alors que les producteurs de lait, français mais aussi européens, crèvent de faim. Tous les jours, on compte ceux qui mettent la clé sous la porte. C’est inadmissible. C’est incompréhensible. Je ne parlerai pas du classement des plus grosses fortunes françaises. Emmanuel Besnier arrive en 8ème position. J’ai de la peine pour lui. Il n’a pas amélioré son classement par rapport à l’an dernier mais il pourra se consoler puisqu’il passe de 8 Mrd¤ et 12 Mrd¤. Pendant ce temps, il explique que c’est une âme charitable. Il affiche sur les paies de lait un soutien à valoir. Ce n’est pas S½ur Emmanuelle, c’est Frère Emmanuel qu’il faut l’appeler ce soir. C’est une vraie fumisterie».


Anne Jeanne (secrétaire générale de la FDSEA 50):
«C’est de l’esclavage»
«Merci d’être venus si nombreux. Nous sommes 130 ce soir. Emmanuel Besnier n’a engrangé que 4 Mrd¤ supplémentaires. C’est le résultat d’une année de crise, ce n’est quand même pas rien. Il y a un mot qui fait partie de la définition de l’esclavage. «L’esclavage, c’est utiliser l’être humain à des fins commerciales». Je suis désolée, mais c’est ce qu’il a fait. Nous sommes ses outils, il fait de l’argent sur nous, beaucoup d’argent. On ne peut pas le laisser continuer comme cela. On va lui expliquer ce qu’est une ferme en déversant un peu de fumier devant ses grilles».

Antoine Maquerel (président de JA 50):
«Notre part du gâteau»
«Nous sommes encore ici. La crise continue mais on est toujours chez le même. A croire que Lactalis ne comprend pas notre message. Il est inadmissible de constater ce qui se passe sur le terrain et en même temps la richesse qui se crée par ailleurs. Cette augmentation de richesse, c’est ce qui va manquer aux producteurs pour vivre et uniquement vivre. Lactalis doit réagir, mais aussi les autres laiteries qui risquent de prendre le même pli. Les producteurs constituent un maillon de la chaine. Ils doivent aussi avoir droit à leur part de gâteau». 

Max Vié (président de l’OPCN):
«Adhérez à une OP»
«J’espère que vous êtes tous adhérents d’une OP. C’est la base pour pouvoir se défendre devant Lactalis. J’ai assisté hier à ma dernière réunion de médiation. L’OPNC a claqué la porte après 2 ans de négociations pour rien. Je viens de recevoir la proposition de Lactalis, c’est la copie conforme du premier contrat, c’est-à-dire une coquille vide. Lactalis n’a pas suivi les recommandations de l’ensemble de nos réunions actées par PV (Procès Verbal). Lactalis ignore la loi Sapin II promulguée en décembre. Dans un communiqué, Mr Nallet (ndrl : Monsieur communication du groupe Lactalis) a indiqué que nous étions les salariés de Lactalis. C’est lamentable de tenir de tels propos. Je vous demande donc de ne pas signer le contrat qui va vous arriver. Il ne présente aucune lisibilité sur la paie particulièrement sur la flexibilité. Même le ministère ne pourra rien vérifier. Alors encore une fois, ne signez pas et si vous n’êtes pas adhérent à une OP, faites-le. Nous devons passer de 30-35 % de taux d’adhésion à 70-80 % si nous voulons nous faire entendre».

Ludovic Blin (section «Lait» de la FDSEA 50):
«Le marché intérieur doit redonner du prix»
«Il y a quelques semaines, Lactalis a annoncé un affichage du prix payé à 41-33. Aujourd’hui, ça n’a pas d’effet en terme de trésorerie sur les exploitations. Par contre, c’est un coup que l’entreprise porte à sa relation avec le producteur. C’est de l’opacité organisée. C’est la preuve que Lactalis impose ses exigences sans concertation avec les OP alors que l’on s’est battu pour leur redonner du pouvoir et être en capacité de négocier dans un cadre collectif. C’est tout le sens de la loi Sapin II qui devait apporter plus de transparence. Or, aujourd’hui, nous n’avons aucun retour de la transformation et de la distribution sur les négociations commerciales. Il est inadmissible que l’on vote une loi et qu’elle ne soit pas respectée.
Concernant le prix du lait, on sort de deux années catastrophiques avec un revenu mensuel moyen de 300 ¤. La situation s’est légèrement améliorée et on pensait que 2017 allait nous permettre de remettre un peu nos trésoreries à flot mais ce n’est pas avec 30 ou 31 centimes le litre qu’on va y arriver. Les transformateurs se gavent bien et font de la marge sur le dos des producteurs. Si les cotations poudre avec un stock important plombe l’ambiance générale, le marché intérieur devrait être là pour redonner un peu de prix».

Jean Turmel (membre du bureau de la FNPL):
«Carton jaune à la coopération»
«Il restait au syndicalisme des pans d’actions en matière économique sur le prix à travers les grilles puisqu’elles sont fixées par les interprofessions et, qu’en interprofession, c’est le syndicalisme qui y est et tous les syndicats.Pourtant, les entreprises s’attaquent aux grilles. C’est une façon de détricoter ce que nos prédecesseures ont réussi à faire. Elles attaquent le syndicalisme parce qu’elles ne veulent plus le voir. C’est ce que fait Lactalis avec son tour de passe-passe 38-32 et 41-43. C’est une manipulation pour faire croire aux producteurs qu’elle paie le lait plus cher, ce qui est faux. Il faudra à chaque fois dans notre conversion retirer 14 ¤. Ce n’est pas impossible à faire mais permettez, c’est de l’enfumage.
Un malheur n’arrivant jamais seul, Agrial est en train de renégocier en interne. Ce n’est plus un secret. Elle travaille sur une refonte des deux grilles Bretagne/Pays de Loire et Basse-Normandie dans l’optique de n’en faire qu’une seule. Je suis désolé, ça ne se fait pas ou alors on en parle avant. Ils n’ont rien demandé à personne, sans rien communiquer ni réfléchir avec nous. Certes, Agrial le fait dans l’enceinte de réflexion de ses différents bassins de production, de ses différentes strates de gouvernance mais j’ai peur au final à une dilution. La nouvelle grille sera moins favorable aux bas-normands. C’est embêtant que ce soit une coopérative qui commence à faire ce boulot. Ce genre de sujet peut être traité en interprofession. C’est même l’endroit idéal. La FNPL s’est battue pour cela...
Lundi dernier, nous avons bloqué la situation concernant la fusion des interprofessions Haute et Basse-Normandie parce que les grilles n’étaient pas respectées. Ce qui équivaudrait à une perte annuelle de 4 000 à 5 000 ¤ par an sur une exploitation.  Ce n’est pas rien. On veut donc empêcher le syndicalisme d’être encore à la man½uvre. Le syndicalisme, certains veulent en faire un truc pour aller discutailler avec les instances publiques. Ici dans la Manche, en Normandie, en France, on a toujours discuté sur le prix du lait. C’est comme cela qu’on reste debout. C’est comme cela que l’on construit une filière qui fait tourner des usines. Il ne faut rien lâcher pour garder l’ensemble des producteurs. Le lait en Normandie doit être mieux rémunéré qu’ailleurs parce que l’on crée de la valeur sur notre image. Cela a un prix aussi».

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