Préservation des espaces agricoles
Le futur visage de la métropole de Caen
Le nouveau SCoT de Caen métropole réduit la possibilité d’urbaniser les terres agricoles et naturelles. Une enveloppe foncière maximale est désormais répartie entre les différentes communautés de communes. La répartition donne à voir ce que seront l’agglo de Caen et la Suisse Normande dans vingt ans.
Le nouveau SCoT de Caen métropole réduit la possibilité d’urbaniser les terres agricoles et naturelles. Une enveloppe foncière maximale est désormais répartie entre les différentes communautés de communes. La répartition donne à voir ce que seront l’agglo de Caen et la Suisse Normande dans vingt ans.
Le nouveau SCoT de Caen métropole*, exécutoire depuis le 14 janvier 2020, entend réduire de 37% l’artificialisation des terres. Son territoire s’étend de Courseulles-sur-Mer au nord, à la Suisse Normande au sud, d’Argences à l’est, à Bretteville-sur-Odon à l’ouest. Un territoire de 110 000 hectares qui n’autorisera plus « que » le prélèvement de 1 800 hectares sur vingt ans. Ce document complexe est contraignant. Il sera bientôt traduit dans les PLUI et PLU et aura une incidence sur les permis de construire. Après des années de constructions sans contrainte, c’est un frein à l’expansion des communes.
Densification
La logique des pôles de développement structure désormais le territoire, comme on le voit sur la carte. Des communes ont été repérées, elles concentreront l’essentiel des nouvelles habitations pour réduire l’étalement urbain et l’usage de la voiture individuelle. Basé sur la densification des zones urbaines, ce nouveau schéma semble être une opportunité pour le secteur agricole. Toutefois, la répartition de l’enveloppe foncière sur le territoire montre une forte disparité. Sur 2 600 logements à construire chaque année, 2 000 le seront dans l’agglomération de Caen. Une concentration qui occasionnera des prélèvements de terres, sans parler des projets d’infrastructure, sur un secteur déjà en forte tension foncière. Qu’adviendra-t-il dans cet espace hyper urbain ? Quel impact sur l’accès et le prix du foncier ?
Zones naturelles renforcées
Dans l’espace rural, les communes qui n’ont pas été repérées comme pôles, ne pourront plus faire construire des lotissements, ce qui met en danger le renouvellement dans les écoles et, à terme, leur vitalité. Par ailleurs, dans les espaces naturels classés (Espaces naturels sensibles, Natura 2000, ZNIEFF), les règles de construction sont renforcées. Les ZNIEFF notamment, très nombreuses en Cingal-Suisse Normande, sont « sanctuarisées ». Les exploitants agricoles ne seront autorisés à construire que dans les ZNIEFF de type 2 et seulement à proximité des sièges d’exploitation déjà existants.
Les élus planchent désormais sur leur nouveau PLU ou PLUI. Des documents élaborés en concertation avec la profession agricole et qui prennent souvent entre trois et cinq ans de procédure.
* Caen métropole regroupe les communautés de Caen la mer ; Cingal-Suisse Normande ; Cœur de Nacre ; Val ès Dunes ; Vallées de l’Orne et de l’Odon.
• SCoT : Schéma de cohérence territorial
• PLU : Plan local d’urbanisme (à l’échelle de la commune)
• PLUI : Plan local d’urbanisme intercommunal (à l’échelle de la communauté de communes)
• ZNIEFF : Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Espace naturel inventorié en raison de son caractère remarquable.
• SRADDET : schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires
Grâce à son association Vigisol, créée en 2010, la Safer de Normandie dispose d’outils pour évaluer la consommation d’espaces agricoles. Depuis 2019, elle utilise des images satellitaires qui lui permettent d’actualiser l’évolution de la consommation des terres. Le constat est clair : « Sur le territoire de Caen la Mer, indique Guillaume Jouan, chef du service études et collectivités, on est passé de 130 ha consommés par an dans les années 2000 à 50 ha/an »*. La consommation a été divisée par trois.
Par ailleurs, l’association a croisé les cartes en juxtaposant les données pédologiques avec la consommation des espaces agricoles. 40 à 50% des terres consommées sont parmi les meilleures terres. Celles-ci se situent au nord de Caen. « On y trouve une profondeur de plus d’un mètre, tandis qu’au sud de Caen, elle est de moins de 50 centimètres.» Si le Sraddet (document d’urbanisme régional) préconise la prise en compte de la qualité des sols dans les documents d’urbanisme, il faudra attendre la mise en place des prochains PLUI pour la voir, peut-être, appliquée. « La qualité des terres pourrait être un élément d’arbitrage complémentaire dans le traçage des zones, suggère Guillaume Jouan, il serait dommage de se passer de ces données que nous sommes les seuls à posséder en Normandie ».
* 132 ha/an entre 1998 et 2006 ; 51 ha/an entre 2016 et 2019
La réaction de Xavier Hay, Président de la FDSEA du Calvados
" Gaspiller les bonnes terres, c’est un crime contre les générations futures "
La profession se réjouit de la restriction du droit à consommer des terres agricoles, même si l’agglomération de Caen a largement gaspillé par le passé. Dans l’idéal, nous souhaiterions que les futures constructions ne se fassent que dans des terres à faible potentiel et que l’on arrête de construire au nord de la ville. Le sujet dépasse notre profession, c’est un problème sociétal. Que se passera-t-il quand il n’y aura plus de terres agricoles pour nourrir les Français ?
En ruralité, il ne faut pas bloquer le développement de l’agriculture. Attention dans les ZNIEFF à ne pas figer des territoires, à en faire des réserves indiennes où l’on ne peut plus rien faire. On doit pouvoir continuer à y créer des sièges d’exploitation et des constructions agricoles, sinon ces zones seront désertes. Nous devons collectivement inventer un nouveau mode d’habitat.