Juridique
Les ex-dirigeants d’ORCAL appelés à la barre
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Sept ans après la plainte déposée par AGRIAL, Henri Boutrois (ex-président d’Orcal) Daniel Leblond (ex-directeur), Henri de Lataulade (ex-directeur de la filière céréales) et Jean-Claude Belleuf (ex-directeur de la Sica Portuaire) ont comparu devant le Tribunal correctionnel de Caen.

Daniel Leblond devant le site de la Jalousie : "ces installations constituaient un enjeu stratégique pour le développement de la filière céréale dans la région". (Photo d'archives
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TG
C’était le 1er avril dernier au Tribunal correctionnel de Caen. De 9 h à 21 h : 12 heures de débats (moins les interruptions de séances) dont 5 heures de plaidoiries pour la défense. Suite à la plainte déposée par Agrial en 2001, Henri Boutrois, Daniel Leblond, Henri de Lataulade (ex-coopérative Orcal) et Jean-Claude Belleuf (Sica portuaire) étaient mis en examen. Chefs d’inculpation retenus : abus de confiance, corruption de salariés, escroquerie, abus de pouvoirs dans une société coopérative, complicité d’abus de pouvoirs, tromperie sur les qualités substantielles.
Les débats menés avec patience par le président Thierry Hanouet et la précision des demandes d’explications du Procureur de la République ont permis de lever le voile sur des pratiques qui n’ont rien à voir avec la coopération. Pour le reste, certaines zones d’ombre persistent.
Détournement de céréales. Jean-Claude Belleuf a été le premier à passer à la barre. Et sur l’affaire de la Sica Portuaire, nul ne conteste les faits. Grâce à un système de trappe située en aval de la bascule, une partie des céréales censées être chargées dans les bateaux était détournée. “Environ un bateau sur deux, a indiqué Jean-Claude Belleuf, et jamais plus de 0,08 % sur une campagne soit un total de 1 500 à 1 600 t”. Des bateaux choisis en fonction de la logistique de déchargement du port de destination. Pourquoi une telle pratique ? Jean-Claude Belleuf n’a rien inventé mais seulement pérennisé un système auquel Agrial a mis un terme. Quelle était la finalité de cette tricherie ? Afficher en fin d’année une bonne gestion de la Sica et de bons ratios avec une freinte faussement maîtrisée. Le grain détourné réintégrait les silos et abondait apparemment un boni que se partagaient ses actionnaires. On a évoqué aussi dans cette affaire des norias de camions pleins de céréales détournées qui repartaient la nuit du port vers on ne sait où ? Cette hypothèse en est restée à l’état de rumeurs non confirmées.
Surindemnisation présidentielle. Là aussi, les faits ne prêtent le flanc à aucune contestation. A ses 10 000 F d'indemnités mensuelles, Henri Boutrois, à partir de 1992, a touché une indemnité complémentaire pour un total de 1,1 MF (en partie remboursés à ce jour). L’ancien président d’Orcal s’est justifié par le fait que ses fonctions l’obligeait à disposer d’un employé au sein du Gaec. Rien d’exceptionnel si ce n’est que le président d’Orcal n’a pas souhaité à l’époque que cette augmentation fasse l’objet d’un débat transparent au niveau de son conseil d’administration. Il a demandé à son directeur général de trouver une solution “plus discrète” (diminution des charges ou augmentation des produits dans sa relation contractuelle agriculteur/fournisseur). C’est ainsi que cette surindemnité a pris la forme de livraisons fictives de céréales. Daniel Leblond a assumé ses pleines responsabilités dans ce montage qui ne lui plaisait pas en rappelant qu’Henri de Lataulade, de par ses fonctions de responsable céréales, n’avait été qu’un simple exécutant. “Il a fait ce que je lui ai dit de faire”.
Et le président du tribunal de rappeler que la création de ce lien entre le président et le directeur n’était pas sain : “un jeu où l’on se tient par la barbichette”.
Le silo de la Jalousie. Dans le dernier tiroir de cette affaire, les conditions de rachat du silo de la Jalousie sont a peu près établies mais leur interprétation fait débat. Tout commence en 1989. Orcal souhaite disposer d’un silo de stockage de céréales à plat pour développer ses filières animales. Mais sa capacité d’investissement est limitée par un programme de développement de ses magasins. Elle trouve en la société Le Baron, un entrepreneur/investisseur qui en quelques mois va construire le site de La Jalousie, un partenaire pour le moins efficace. Orcal en devient locataire avec un bail de 10 ans et un droit de préemption en cas de vente. Avec la fusion programmée des 3 coopératives (Orcal, Coop Can et Agralco) , Daniel Leblond craint que la nouvelle entité (Agrial) se déleste de La Jalousie alors que “ces installations constituent un enjeu stratégique pour le développement de la filière céréale dans la région”, justifie-t-il. C’est pourquoi le directeur d’Orcal va faire valider auprès de son conseil d’administration le rachat de la Jalousie au plus vite. “Un passage en force”, commente le Procureur. Signature le 23 décembre 1999 alors que le protocole de fusion a été signé la veille.
L’autre point d'achoppement, c’est le montant du rachat : 22,6 MF. Les administrateurs d’Orcal de l’époque ont-ils été bien informés ? Bataille de chiffres, expertise et contre-expertise se contredisent. Mais tout le monde s’accorde à penser que M. Le Baron a fait une excellente affaire commerciale. “Cher mais pas trop cher”, a souligné Daniel Leblond qui affirme au passage que l’opération s’est réalisée avec le consentement du directeur d’Agralco. “Faux”, rétorque Jean-Marie Meulle, devenu directeur d’Agrial, qui indique n’avoir jamais été mis au courant de ces transactions. La parole de l’un contre la parole de l’autre.
Maître Gérard Frezal, avocat de Daniel Leblond, a dans sa plaidoirie insisté sur le fait que “la preuve de la collusion entre son client et M. Le Baron a été cherchée mais jamais trouvée”.
Réponse le 10 juin. Le jugement sera rendu le 10 juin prochain. Des peines de 6 mois à deux ans d’emprisonnement avec sursis ont été requises ainsi que des amendes de 5 000 à 20 000 e. Les dommages et intérêts réclamés atteignent jusqu’à 1,7 Me.
Les débats menés avec patience par le président Thierry Hanouet et la précision des demandes d’explications du Procureur de la République ont permis de lever le voile sur des pratiques qui n’ont rien à voir avec la coopération. Pour le reste, certaines zones d’ombre persistent.
Détournement de céréales. Jean-Claude Belleuf a été le premier à passer à la barre. Et sur l’affaire de la Sica Portuaire, nul ne conteste les faits. Grâce à un système de trappe située en aval de la bascule, une partie des céréales censées être chargées dans les bateaux était détournée. “Environ un bateau sur deux, a indiqué Jean-Claude Belleuf, et jamais plus de 0,08 % sur une campagne soit un total de 1 500 à 1 600 t”. Des bateaux choisis en fonction de la logistique de déchargement du port de destination. Pourquoi une telle pratique ? Jean-Claude Belleuf n’a rien inventé mais seulement pérennisé un système auquel Agrial a mis un terme. Quelle était la finalité de cette tricherie ? Afficher en fin d’année une bonne gestion de la Sica et de bons ratios avec une freinte faussement maîtrisée. Le grain détourné réintégrait les silos et abondait apparemment un boni que se partagaient ses actionnaires. On a évoqué aussi dans cette affaire des norias de camions pleins de céréales détournées qui repartaient la nuit du port vers on ne sait où ? Cette hypothèse en est restée à l’état de rumeurs non confirmées.
Surindemnisation présidentielle. Là aussi, les faits ne prêtent le flanc à aucune contestation. A ses 10 000 F d'indemnités mensuelles, Henri Boutrois, à partir de 1992, a touché une indemnité complémentaire pour un total de 1,1 MF (en partie remboursés à ce jour). L’ancien président d’Orcal s’est justifié par le fait que ses fonctions l’obligeait à disposer d’un employé au sein du Gaec. Rien d’exceptionnel si ce n’est que le président d’Orcal n’a pas souhaité à l’époque que cette augmentation fasse l’objet d’un débat transparent au niveau de son conseil d’administration. Il a demandé à son directeur général de trouver une solution “plus discrète” (diminution des charges ou augmentation des produits dans sa relation contractuelle agriculteur/fournisseur). C’est ainsi que cette surindemnité a pris la forme de livraisons fictives de céréales. Daniel Leblond a assumé ses pleines responsabilités dans ce montage qui ne lui plaisait pas en rappelant qu’Henri de Lataulade, de par ses fonctions de responsable céréales, n’avait été qu’un simple exécutant. “Il a fait ce que je lui ai dit de faire”.
Et le président du tribunal de rappeler que la création de ce lien entre le président et le directeur n’était pas sain : “un jeu où l’on se tient par la barbichette”.
Le silo de la Jalousie. Dans le dernier tiroir de cette affaire, les conditions de rachat du silo de la Jalousie sont a peu près établies mais leur interprétation fait débat. Tout commence en 1989. Orcal souhaite disposer d’un silo de stockage de céréales à plat pour développer ses filières animales. Mais sa capacité d’investissement est limitée par un programme de développement de ses magasins. Elle trouve en la société Le Baron, un entrepreneur/investisseur qui en quelques mois va construire le site de La Jalousie, un partenaire pour le moins efficace. Orcal en devient locataire avec un bail de 10 ans et un droit de préemption en cas de vente. Avec la fusion programmée des 3 coopératives (Orcal, Coop Can et Agralco) , Daniel Leblond craint que la nouvelle entité (Agrial) se déleste de La Jalousie alors que “ces installations constituent un enjeu stratégique pour le développement de la filière céréale dans la région”, justifie-t-il. C’est pourquoi le directeur d’Orcal va faire valider auprès de son conseil d’administration le rachat de la Jalousie au plus vite. “Un passage en force”, commente le Procureur. Signature le 23 décembre 1999 alors que le protocole de fusion a été signé la veille.
L’autre point d'achoppement, c’est le montant du rachat : 22,6 MF. Les administrateurs d’Orcal de l’époque ont-ils été bien informés ? Bataille de chiffres, expertise et contre-expertise se contredisent. Mais tout le monde s’accorde à penser que M. Le Baron a fait une excellente affaire commerciale. “Cher mais pas trop cher”, a souligné Daniel Leblond qui affirme au passage que l’opération s’est réalisée avec le consentement du directeur d’Agralco. “Faux”, rétorque Jean-Marie Meulle, devenu directeur d’Agrial, qui indique n’avoir jamais été mis au courant de ces transactions. La parole de l’un contre la parole de l’autre.
Maître Gérard Frezal, avocat de Daniel Leblond, a dans sa plaidoirie insisté sur le fait que “la preuve de la collusion entre son client et M. Le Baron a été cherchée mais jamais trouvée”.
Réponse le 10 juin. Le jugement sera rendu le 10 juin prochain. Des peines de 6 mois à deux ans d’emprisonnement avec sursis ont été requises ainsi que des amendes de 5 000 à 20 000 e. Les dommages et intérêts réclamés atteignent jusqu’à 1,7 Me.