Lin : la coopérative de Villons-les-Buissons est en ligne
Depuis le début du mois de novembre, deux nouvelles lignes de production sont entrées en action, à la coopérative linière du Nord de Caen. Arrêt de production et réorganisation du teillage : retour sur un challenge technique réalisé dans un timing particulièrement serré.
Les deux nouvelles chaînes de teillage de la coopérative linière du nord de Caen sont désormais opérationnelles. Total de l’investissement : 3,5 millions d’euros. Derrière ces chiffres, des hommes. Ils sont coopérateurs, liniculteurs, teilleurs, mais aussi maçons ou électriciens. Leur histoire débute en 2014. Les administrateurs de la coopérative de Villons-les-Buissons constatent alors le besoin de renouveler l’outil. À l’époque, les deux chaînes de production s’avèrent disparates. La première est âgée de 12, la seconde de 30 ans. « Au départ, nous ne voulions changer que la plus ancienne. Nous aurions maintenu une disparité avec deux marques et des maintenances différentes. Mais, les jeunes du conseil d’administration voient loin et ils ont raison. C’est plus rationnel de repartir d’une page blanche », raconte Henri Pomikal, président de la coopérative.
Deux lignes Depoortere
En février 2015, le choix d’acquérir deux lignes Depoortere est acté. Le contexte économique influence cette stratégie. D’abord, la baisse de la parité «euro-dollar» a permis de gagner 0,25 dollar par euro. La qualité et la quantité de la récolte 2014 sont également au rendez-vous. De plus, le marché est porteur. La consommation mondiale augmente de 10 % par an depuis 5 ans. L’ouverture du marché indien offre aussi des perspectives. « Nous n’avions jamais eu tous ces éléments favorables réunis. On avait plus d’un an devant nous. Il fallait en profiter pour investir », notent les responsables du teillage. S’y ajoutent des taux d’intérêt historiquement bas.
Casse-tête technique
Si financièrement, les feux étaient au vert, les questionnements ont été intenses sur le plan technique. L’implantation des nouvelles machines dans l’actuel bâtiment ne se révèle pas aisée. « Les anciens bétons n’auraient jamais supporté ce matériel plus moderne et plus lourd. On a pensé à tout casser. Mais, les délais et le budget nous ont contraints à abandonner cette piste », détaille Jean-Jacques Deraine, vice-président de la coopérative. Cette solution imposait 6 mois d’arrêt de production. Car avec une productivité en hausse, les caves nécessitaient d’être agrandies afin d’évacuer les matières. Les devis s’accumulent donc. Sans convaincre.
Le bon bâtiment grâce aux anciens
À l’automne 2015, les responsables de la coopérative font appel à la mémoire des anciens. « Quand j’étais jeune administrateur, je me suis souvenu que nos prédécesseurs avaient prévu la possibilité de déplacer le teillage dans le bâtiment de stockage qu’ils construisaient », se souvient Henri Pomikal. « Nos prédécesseurs avaient même pensé à y mettre un teillage sans cave, en mezzanine », complète Jean-Jacques Deraine. Le décamètre confirme cette piste. Une cave peut même être créée dans l’ancien stockage des anas et des étoupes. Au 1er avril, le premier coup de pelle est donné. La maçonnerie débute en mai. Pour les anas de lin, un nouveau bâtiment de stockage est construit. Les filasses seront, elles, entreposées en lieu et place des anciennes chaînes de teillage. Le 15 juillet, les vieilles lignes produisent leurs dernières filasses. Mi-août, les nouvelles machines sont livrées. Début octobre, la nouvelle usine accueille finalement ses premiers lins.
Plus de confort,pour plus de productivité
En repartant d’une page blanche, la coopérative a pu favoriser le confort des salariés et indirectement la productivité. Le personnel travaille à hauteur, notamment grâce à un système de tiroir qui permet de préparer les balles (voir photo). Un écran de contrôle localise les potentielles anomalies. La roue de reprise dépasse le mètre de diamètre. Un broyeur biseauté, pour mieux écraser les pieds, a aussi fait son apparition. Une multitude de détails facilite le quotidien. «Nous bénéficierons d’un gain important sur la maintenance », anticipe Jean-Jacques Deraine. « Mais au-delà des détails techniques, on voit que nos salariés ont le sourire. C’est essentiel ».
Un robot qui permet d’augmenter les heures de teillage
Sur chacune des lignes, deux opérateurs à l’entrée et deux autres à la sortie sont nécessaires. La main d’œuvre y est incompressible. Les administrateurs ont choisi d’investir dans un robot de conditionnement. Celui-ci remplace l’équivalent d’un temps plein. « Comme le robot travaillera à sa place, nous aurons une personne disponible. Elle va nous permettre d’augmenter les heures de teillage, qui passeront de 35 à 39 heures par semaine avec les mêmes charges salariales », explique Henri Pomikal. « Et seul un opérateur n’aurait pas suivi l’augmentation de la production supplémentaire pour mettre en palette. Le robot était donc un investissement cohérent avec ces chaînes de teillage. C’était également un poste très pénible ».