L’OP fait sa campagne TV face à Elle&Vire
Pour vanter les mérites de vaches nourries à l’herbe, Elle&Vire a diffusé une publicité « Mais où sont les vaches ? ». Le court spot montre une stabulation vide, des vaches au pré, mais pas d’éleveurs. La conclusion : la crème est meilleure si les vaches sont à l'extérieur. Les producteurs se sont sentis oubliés. L’AOP Sunlait a donc réagi en détournant la vidéo et en s’y incrustant... Installé dans la Manche, Landry Rivière est membre de la commission communication. L’éleveur veut faire parler des OP qui fonctionnent.

Sunlait, l'Association des Organisations de Producteurs de lait qui livre Savencia, s’est invitée dans la publicité Elle & Vire. La vidéo détournée est visible sur youtube (et sur www.agriculteur-normand.com). Dans son clip, l’industriel se demande « où sont les vaches ? » Sunlait rétorque : « où sont les producteurs ? » Dans un communiqué, l’AOP indique : « Nous regrettons d'être évincés des communications des industriels avec lesquels nous sommes fiers de travailler alors qu'ils s'approprient nos vaches ! À regarder leur publicité, on en oublierait presque notre existence. C'est pourtant bien nous qui sortons les bêtes, gérons la traite deux fois par jour et nous en occupons toute l’année (...) Sans nous et notre travail, ils ne pourraient fabriquer ni crèmes ni fromages. Les marques de Savencia doivent prendre la mesure de leur responsabilité sociale : le groupe ne peut pas payer le lait à un prix qui ne rémunère pas les éleveurs et, dans le même temps, utiliser notre image pour vendre ses produits ! »Créer un sentiment d’appartenanceEn Normandie, les producteurs sont regroupés au sein de l’OP CLE-PS Ouest. Cette dernière est l’une des 12 OP fondatrices de Sunlait, l’Association nationale des Organisations de Producteurs livrant Savencia. Pour peser davantage dans les négociations, plusieurs commissions se sont structurés au plan national. Landry Rivière, agriculteur à Carnet (50), est membre de la commission communication. « Nous voulons être visibles des adhérents, des autres OP, des entreprises ou de l’interprofession. Nous voulons montrer que notre AOP fonctionne et vie. La communication permet aussi d’être crédibles et plus forts lors des négociations. Plus nous serons connus, plus nous serons influents. Avec cette vidéo, nous ne dénigrons absolument pas les produits. Nous apportons juste des précisions ». Le groupe communication de Sunlait a donc piloté cette pub détournée. Des producteurs y apparaissent en incrustation sur les images d’Elle&Vire. Ils expliquent leur quotidien : « 6h 40, heure de la traite », « 8 h 30, paillage des logettes », « 16 h 30, traite des vaches » ou « 21 h, gestion de l’administratif ». D’autres tâches auraient s’ajouter à la liste. Landry Rivière pense au temps passé à entretenir les clôtures ou à remplir le cahier de fertilisation. Communiquer pour existerL’AOP joue donc la carte de l’humour. Cette volonté de communiquer s’inscrit dans la durée. Sunlait dispose ainsi d’un site internet et de comptes twitter et facebook. « Pendant 30 ans, on a demandé au producteur de se contenter de produire. Aujourd’hui, nous devons nous emparer des nouveaux outils de communication. Car si l’entreprise utilise notre image, nous espérons capter notre part de la valeur ajoutée ». Plus généralement, le jeune producteur s’avoue parfois frustré de voir l’agriculture perdre la bataille de l’image. « Les associations environnementales ont beaucoup mieux appréhendé que nous, l’exposition médiatique ». Sunlait : une OP qui fonctionneEntre Savencia et Sunlait, le dialogue existe. « C’est un bon point. Bien sûr, les échanges sont parfois musclés ». Fin novembre, les négociations ont d’ailleurs débuté pour établir le prix du lait du premier trimestre 2017.