Michel : le « chti conseiller » joue sa nouvelle partition
Michel Sady, « chti gars » du Pas de Calais, a fait carrière en Normandie. Ses grands-pères prenaient la « cage » pour descendre au fond de la mine. Lui a emprunté l'ascenseur social qui l'a mené à des responsabilités de directeur. Mais c'est la fonction de « conseiller agricole » qu'il retient de ses quarante années de sacerdoce. Confidences !
Michel Sady, « chti gars » du Pas de Calais, a fait carrière en Normandie. Ses grands-pères prenaient la « cage » pour descendre au fond de la mine. Lui a emprunté l'ascenseur social qui l'a mené à des responsabilités de directeur. Mais c'est la fonction de « conseiller agricole » qu'il retient de ses quarante années de sacerdoce. Confidences !
Je suis arrivé il y a un peu plus de quarante ans en Normandie, au lycée agricole du Robillard (14), j'y suis resté parce que j'y ai rencontré ma femme, fille d'agriculteur. Mais moi, je viens du nord, du Pas de Calais, la région des mines. Mes grands-pères étaient des mineurs...
llll J'ai découvert le monde agricole par ma femme, par mes copains, puis par mon travail à la Chambre d'agriculture du Calvados où j'ai été embauché en 1980 comme conseiller agricole. J'ai fait cela pendant 10 ans. C'est un métier qui m'est profondément resté ancré avec ses groupements de développement agricole. A Bayeux-Ryes, d'abord, puis à Cambremer. Mes présidents s'appelaient André Vivier et François Grandval. Des gens pour qui j'éprouve énormément d'affection. D'abord parce qu'ils m'ont bien accueilli et parce qu'ils ont fait en sorte que ce monde agricole devienne le mien... Ils m'ont adopté. Je les ai adoptés.
llll J'ai posé ensuite mes valises à la Chambre régionale d'agriculture pour m'occuper d'informatique à travers le minitel. Aujourd'hui ça parait totalement ringard mais à l'époque ça faisait moderne. J'y ai côtoyé François Solignac-Leconte, un homme extrêmement intelligent, un visionnaire à qui je dois beaucoup. Aujourd'hui encore, je le remercie tous les jours parce ce qu'il m'a appris énormément de choses.
llll Et puis, il y a 20 ans, Michel Leroy qui était président du Contrôle Laitier du Calvados est venu me chercher. Frédéric David lui a ensuite succédé et c'est avec lui que nous avons mené la fusion avec la Haute-Normandie et la Manche pour créer Littoral Normand.
llll Mon meilleur souvenir ? Je crois que c'est quand j'ai commencé à Bayeux. Il y avait une équipe de conseillers formidables et on était vraiment des copains. Ce sont d'ailleurs toujours des amis et nous sommes restés proches les uns des autres.
On a vraiment rigolé, on a fait plein de choses formidables, on a fait les cons mais on a bien travaillé aussi. J'ai de grands souvenirs de blagues faites par quelqu'un qui s'appelle Christian Cedra, conseiller dans le Bessin. Il était d'une drôlerie pas possible. Mes meilleurs souvenirs, ils sont là.
llll Je n'ai pas de mauvais souvenirs mais il y a quand même eu des moments difficiles comme lors de l'épisode de la guerre du lait. On avait beau être, avec toute l'équipe, aux côtés des paysans mais la tension était réelle et bien palpable.J'ai des souvenirs de manifestations, à Caen, où j'étais présent au milieu des éleveurs et ce n'était pas simple entre eux.
llll L'évolution a été énorme. Quand j'ai commencé dans l'élevage il y a 40 ans, je m'occupais de troupeaux de 15 vaches, 20 vaches. Vingt ans plus tard, quand je suis arrivé au Contrôle Laitier, la moyenne était à 40 vaches et on commençait à voir des robots de traite. Aujourd'hui, la moyenne est à 80 vaches. Le cheptel a doublé en quelques dizaines d'années mais le nombre de paysans a baissé d'autant.Parallèlement, le matériel a grossi, l'électronique s'est imposée, internet a révolutionné le quotidien... Je suis très fier de m'être impliqué dans cette partie à la CRAN dès 1995 avec Martine Théault. On entendait un certain nombre à l'époque prétendre qu'un paysan ne saurait jamais se servir d'un ordinateur. Quand on regarde aujourd'hui ce qui se passe, c'est fabuleux.
llll Le message que je souhaiterai faire passer aux agriculteurs, c'est « prenez-vous en mains ». Les éleveurs doivent regarder devant et continuer à avancer, progresser, comme le fait d'ailleurs déjà l'essentiel. De toute façon, le monde tourne autour de nous et il ne nous attend pas.
llll Je crois que j'ai toujours été libre de paroles. J'ai toujours dit ce que j'avais à dire et dire ce que j'avais au fond du coeur .
De toute façon, j'ai toujours été incapable de garder les choses pour moi. Les agriculteurs le comprennent et l'acceptent bien. Désormais, on parle bio, on parle environnement... C'était beaucoup plus difficile il y a 10 ans. On peut donc parler de tout mais il faut le faire intelligemment et c'est à la profession de s'approprier ces sujets, aux agriculteurs de se prendre en mains et mettre la main dessus...
llll On m'a vu dans des manifestations agricoles mais ce n'était pas un engagement. A chaque fois qu'un syndicat m'a proposé d'être à ses côtés, j'y suis allé, sans hésiter et en particulier auprès de la FDSEA.
J'ai toujours eu plaisir à le faire parce que les gens engagés, moi, ce sont les gens qui me plaisent, qui m'intéressent... Quel que soit leur engagement...
llll Je vais prendre ma retraite agricole tranquillement parce que je crois que j'ai pas mal donné au monde agricole que j'aime.