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Mon cheval de bataille : l’élevage français est bon pour l’environnement

« Accusé agriculteur, présentez-vous à la barre », titre Anne-Cécile Suzanne, le 19 août, dans Le Figaro. L’agricultrice ornaise signe là une tribune où elle laisse éclater sa colère après la ratification du Ceta par l’Assemblée nationale. Le texte fait mouche : « soit on est durable, mais pas rentable, soit on est performant, mais détesté », lâche l’éleveuse de Blondes d’Aquitaine à Mauves-sur-Huisne (61). Anne-Cécile Suzanne publie ainsi sa 6e tribune dans des médias nationaux. Elle est aussi consultante en stratégie et opérations pour le secteur public. Rencontre avec une mordue d’agriculture, communicante, documentée, combattante.

© JP

>> Anne-Cécile Suzanne, qui êtes-vous ?
J’ai grandi ici, dans la ferme de mon père, à Mauves-sur-Huisne. Après mon bac passé à Mortagne, je suis allée en classe préparatoire Hypokhâgne Khâgne à Nantes. Puis en école de commerce où je me suis spécialisée dans les analyses de coûts. Quand mon père est tombé malade, j’étais à Boston, pour ma dernière année d’études. Je suis revenue, je m’occupais de la ferme dans la journée et, grâce au décalage horaire, j’ai suivi les cours la nuit. Ça a duré deux mois, j’étais en mode survie. Après Boston, à la fin de mes études, mon père est décédé. C’était Hiroshima dans ma vie. Je fais quoi ? J’ai tenté le concours Sciences Po Paris. J’ai été prise.
Ça m’a donné de l’air car on choisit ses dates de cours. Pendant trois ans, j’allais deux jours par semaine à Paris.

>>  Et la ferme ?
Comme ce n’était pas prévu que je reprenne la ferme, j’ai dû apprendre l’essentiel au fur et à mesure. Une agricultrice retraitée m’a beaucoup aidée, en me coachant par téléphone lorsque j’en avais besoin, même pour les vêlages de nuit. L’exploitation compte 180 ha dont 100 de prairies ; 90 mères Blondes d’Aquitaine ; 230 bovins au total. Cela fait six ans que j’ai repris. Je suis à un tournant car j’ai maintenant mes marques, je m’autorise de nouvelles tentatives comme l’exploitation commerciale d’un hectare de verger, de la vente directe, l’ouverture de deux gîtes. Ça me plaît, j’aime le contact avec le consommateur. J’ai la certitude de produire de bonnes choses. Depuis le décès de mon père, j’ai embauché deux salariés.

>>  Deux salariés qui ne sont pas de trop, car vous êtes aussi consultante à Paris ?
Oui, j’accompagne des ministères ou des opérateurs publics dans leur transformation. Je me rends deux jours par semaine à Paris. Mais ma passion est dans l’agriculture. J’accompagne aussi quelques personnalités politiques dans ce domaine. Je fais un travail de fonds permanent. Je me suis beaucoup documentée, j’ai croisé des expertises.

>>  Vous aviez 22 ans quand vous vous êtes installée, vous ne faisiez pas les soirées JA. Quel regard extérieur portiez-vous sur la profession et comment a-t-il évolué ?
Je n’avais pas l’impression qu’il y avait autant de pression qu’aujourd’hui sur les agriculteurs. C’était ma perception. Si le phénomène est croissant, je suis modérée sur le sujet.
Nous devons être communicants, le métier change, ses enjeux aussi. Il faut l’accepter.
J’ai pris le parti, tous les week-ends, de faire visiter ma ferme aux locataires Gîtes de France ou AirBnB. Ils ont
souvent une image de l’agriculture qui est atroce. Ces gens vont se multiplier car ils ont perdu, avec les générations, la proximité avec le monde agricole. Le personnel politique et administratif n’échappe pas à cet éloignement,
ni les étudiants au sein des plus grandes écoles françaises. Alors même que notre agriculture et notre alimentation constituent des sujets fondamentaux.

>>  Vous avez des idées ?
Les agriculteurs communiquent sur le terrain. Les syndicats ont aussi leur rôle à jouer. Les politiques ont le pouvoir décisionnel sur l’agriculture, l’alimentation, l’environnement. L’alimentation est un sujet régalien. Nous ne sommes plus dans les années 1950, les gens n’ont plus les notions de base. L’éducation à l’alimentation et à l’agriculture doit venir de l’école. Ce n’est pas le rôle d’Interbev ni celui de L214. La communication neutre doit venir de l’État. Après les maths, l’histoire-géo, le français, s’alimenter est un enjeu de santé publique.

>>  Les tribunes, un moyen de vous défouler ?
J’étais fâchée dans ma dernière publication au Figaro. Mais mon combat, en publiant des tribunes, c’est de faire un pas de côté pour expliquer aux gens les enjeux. L’alimentation et le climat, par exemple, sont des sujets compliqués donc ils sont saucissonnés, ils ne sont pas pris dans leur globalité. J’ai été publiée dans Le Monde, Le Figaro et Les Échos.  Sur l’usage des pesticides, le Ceta et le Mercosur, l’écologie rentable. Le Monde est le journal qui a le plus d’audience, où il y a le plus de réactions et d’attention. On peut faire passer des messages forts, tel que l’élevage français est bon pour l’environnement. C’est mon cheval de bataille.

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