Environnement
A Moyon : la haie bocagère se refait une ligne de front
Au GAEC de La Bessinerie, à Moyon (50), on mise sur le pâturage pour des questions économiques. Sur les haies aussi pour des questions agronomiques, environnementales, de bien-être animal... David Lesouëf et Franck Foulon.
Ces effets sont d'autant plus importants si les conditions climatiques sont rudes et si les animaux sont jeunes.
Ici, les sols sont porteurs. On peut faire pâturer les animaux du 1er mars au 15 décembre. A condition qu’ils puissent s’abriter”, insiste David Lesouëf associé, au sein du GAEC de La Bessinerie, à Franck Foulon. Dans ce coin de bocage où le remembrement n’a pas bouleversé le paysage, les lignes ont cependant bougé. Agrandissement et restructuration obligent. Une parcelle unique là où le cheptel pâture ce jour au lieu de neuf il y a quelques décennies.Moins d’inter-parcelles donc moins de haies bocagères.
700 mètres linéaires replantés en 2002/2003
Mais David est depuis toujours convaincu des vertus de la haie bocagère. Fonctions brise-vent, brise-pluie, brise-soleil (...) avec des bienfaits agronomiques pour le sol et de bien-être pour les animaux liste-t-il à la traverse. Le coup de pouce financier apporté par un CTE (Contrat Territorial d’Exploitation) aura permis de concrétiser un chantier de replantation en 2002/2003. 690 mètres linéaires au total : 40 pour habiller une fumière, 120 pour protéger un bâtiment des vents dominants, 130 pour border un chemin et 2 x 200 m linéaires pour délimiter une parcelle d’herbe d’une dizaine d’hectares. Noisetier, cornouiller sanguin, charme, troène, merisier, houx, prunier myrobolan, fusain d’Europe, érable champêtre, cornouiller sanguin, saule cinera, prunelier, bourdaine, châtaignier, chêne rouvré, frêne, hêtre... Chacune des essences retenues a sa fonction. Bourrage pour les uns, haut-jet pour les autres. La Chambre d’agriculture de la Manche, qui a instruit le dossier, a apporté son expertise. L’ouvrage a été perlé dans les règles de l’art. L’investissement (3 500 e environ) a été aidé à 45 %.
Missions accomplies
Huit ans plus tard, les haies du GAEC de La Bessinerie ont pris de la hauteur. Régulièrement taillées avec des outils à coupes franches comme le lamier et le sécateur, elles assument leurs différentes fonctions tel un couteau suisse. Celle longeant la stabulation, et qui bénéficie des eaux de gouttières, constituent un pare-vent et pare-pluie efficace. Idem du côté des pâturages où il faut rajouter la fonction ombragère. Quel que soit l’aléa climatique, les laitières trouvent refuge. Sans oublier la fumière, pas forcément esthétique, cachée désormais dans un écrin de verdure.A ces fonctionnalités quotidiennes au niveau de l’exploitation, palpables mais difficilement quantifiables, il faut y ajouter des intérêts d’ordre plus général. David Lesouëf évoque la biodiversité. “Plus de lapins et de faisans”, a-t-il observé se souvenant au passage que son associé est chasseur. Une plus grande diversité d’oiseaux et d’insectes aussi sans nul doute que seul un travail d’expertise pourrait mettre en évidence. Sans oublier enfin le paysage, composante patrimoniale de la campagne bas-normande.
Et pourquoi pas le bois énergie ?
Si les financements CTE n’existent plus, d’autres aides sont possibles (lire ci-contre). Le GAEC de La Bessinerie n’exclut donc pas un second programme de replantation comme, par exemple, recouper cette parcelle d’une dizaine d’hectares en deux. “On aurait plutôt tendance à refermer le parcellaire”, estime David Lesouëf. Stéphane Pestel, conseiller boisement à la Chambre d’Agriculture de la Manche acquiesce même s’il reconnaît que “replanter” n'est pas encore une priorité. C'est pourquoi le conseil et les aides financières sont nécessaires pour déclencher les projets. Autre aspect, le bois énergie pourrait cependant infléchir les courbes. On y pense aussi à Moyon avec à terme la chaudière qui va avec. Et si ça ne se fait pas, tant pis. Car ces centaines de mètres de haies, c’est aussi un patrimoine que l’on transmettra aux générations futures.
Des animaux protégés du vent
Le rôle de protection de la haie bocagère vis-à-vis des animaux et des bâtiments est régulièrement mis en avant par les agriculteurs. Ce rôle de protection motive la majorité des replantations de haies dans l'espace agricole.Pour que l'effet brise-vent d'une haie bocagère soit optimal, la haie doit être perméable à l'air, y compris à la base de la haie. Ce qui permet le passage de l'air et évite le rabattement trop rapide de l'air qui passerait au-dessus. Pour cela, elle doit être composée de différentes essences locales et être structurée de différentes strates pour que l'ensemble constitue un feuillage dense tout en restant perméable. Suffisamment haute avec des arbres de haut jet et bien garnie grâce aux arbustes de tailles moyennes traités en taillis et des arbustes bas qui contribuent à garnir la base, la haie remplira parfaitement son rôle de brise vent. La haie doit donc comporter un bon équilibre entre ces différentes strates pour assurer une diminution efficace du vent. Les essences qui se recèpent pour être traitées en taillis (frêne, châtaignier, noisetier, érables,…) sont très adaptées pour assurer ce rôle. Les rejets ainsi formés participent à la mise en place d'un filtre de l'air efficace.La circulation de l'air à proximité d'une haie brise-vent dépend donc de son degré de perméabilité. Par exemple, une haie imperméable composée de résineux tels que des thuyas ou des cyprès aura un effet comparable à celui d'un mur. Le vent est alors dévié en passant au-dessus de la haie. La vitesse du vent augmente avant de redescendre à l'aval de la haie pour former un vaste tourbillon. Ce qui peut provoquer des pertes de rendement sur cultures situées à quelques dizaines de mètres. De même, si la haie est constituée d'arbres très espacés, le passage de l'air est concentré dans les trouées, et des tourbillons se forment également à l'aval de la haie. En revanche, dans le cadre d'une haie perméable et homogène, l'air est filtré et donc ralenti (illustration 1). Différentes études montrent que l'effet brise-vent est proportionnel à la hauteur de la haie brise-vent. La vitesse du vent est réduite en amont de la haie, sur une zone correspondant à la hauteur de la haie et à l'aval, sur une distance allant jusqu'à 15 à 20 fois sa hauteur (illustration 2). Ce qui peut représenter une zone protéger de plus de 150 mètres. Des études indiquent également que le brise-vent doit être long, au moins 12 fois la hauteur de la haie soit environ 200 à 250 mè-tres.Sa position aura aussi une importance majeure. Les haies situées sur les parties hautes ont une zone d'influence plus large. Un brise-vent diminue d'environ 50 % environ la vitesse du vent. Un maillage bocager avec un espacement de haies équivalent à 15 fois leur hauteur s'accompagne d'une réduction de la vitesse moyenne de l'air de 15 % supplémentaire. Ces chiffres sont à relativiser selon la densité d'obstacles que le vent aura rencontré, qui auraient augmenté le taux de turbulence du vent. Un espacement entre les haies d'environ 200 mètres semble un bon compromis.Un micro climat spécifique se forme au niveau des parcelles concernées (vitesse réduite de l'air au niveau du sol, échanges radiatifs modifiés). Sur la pousse de l'herbe, des gains en précocité peuvent être observés.
Brise-vent et protection des animaux
Le bocage protège les animaux contre la pluie, le vent, le froid ou la chaleur en été. Dans de mauvaises conditions, les animaux consomment plus d'énergie pour réguler leur température et lutter contre la fatigue occasionnée. Ce qui se traduit par une baisse des rendements en production de lait et de viande. En procurant un abri aux animaux contre le vent et la pluie, les haies leur apportent un réel confort. Ces effets sont d'autant plus importants si les conditions climatiques sont rudes et si les animaux sont jeunes. Implantées à proximité des bâtiments d'élevage, les haies les protègent également contre le vent et le froid. Dans ces conditions, les bâtiments sont également protéger contre les effets mécanique du vent.L'un des autres effets de la haie que les animaux utilisent en période estivale, est l'ombre des arbres. La fraîcheur dans les zones ombragées permet aux animaux de réduire les mécanismes de thermorégulation et donc de limiter la baisse de performance des animaux par exemple en terme de quantité de lait produit. L'abri permet également aux animaux d'augmenter la période de repos et de rumination au cours d'une journée.
Mettre en place une haie brise-vent
Les conditions thermiques contraignantes entraînent une réduction des quantités ingérées.Créer une haie bocagère pour protéger ses animaux passe par le respect d'un certain nombre de règles essentielles à la réussite de la plantation pour atteindre l'objectif brise-vent. La préparation du sol est une étape importante qui a pour but de favoriser la reprise et l’enracinement des jeunes plants. A plat ou sur talus, le sol devra être travaillé avec les outils adaptés pour garantir le bon développement des jeunes plants. La plantation se réalise de fin novembre jusqu’au 31 mars. Il est important de soigner la mise en place du jeune plant. Pour le choix des végétaux, la reprise est améliorée en utilisant de jeunes plants de type forestiers âgés de 2 à 3 ans, de 50 à 80 cm de hauteur et dont les origines génétiques et les provenances géographiques respectent l’arrêté préfectoral en vigueur. L’intérêt d’utiliser ce type de plants facilite la reprise, limite la taille du trou de plantation et évite l’arrosage (opération rarement possible pour ce type de plantations). En règle général, l’espacement entre les plants varie de 0,5 mètre à 1 mètre. Au-delà, la haie mettrait trop de temps à se fermer, ce qui réduirait d'autant son efficacité vis-à-vis du vent. Selon la catégorie des plants, l’espacement entre les différentes catégories de plants sera de 5 à 10 mètres pour les hauts jets, 2 à 5 mètres pour les cépées (arbres de taillis) et 0,5 à 1 mètre pour le bourrage. Concernant la répartition par espèces, il est conseillé de privilégier un mélange aléatoire de 2 à 3 plants et de varier les séquences afin de donner un aspect naturel à la haie. Le choix des espèces devra se faire parmi les essences locales et en fonction des conditions pédoclimatiques et de l'objectif. La mise en place d'un paillage facilite la reprise des plants et la rapidité de leur installation. Pour les haies à plat dont le déroulage de la bâche est mécanisable, des paillages à base d’amidon de maïs 100 % biodégradables existent. Ces produits se dégradent en 24 mois environ. Les paillages à base de plaquettes bois sont également une solution intéressante notamment pour l’agriculteur produisant déjà des plaquettes dans le cadre de la filière bois énergie. Ce paillage permet de maîtriser la végétation adventice et d’enrichir le sol en carbone. Le paillage du type feutre végétal à base de jute et de chanvre est également une solution efficace. Ces paillages végétaux existent sous forme linéaire mais aussi en dalles carrés de 50 à 60 centimètres de côtés. Ce qui est intéressant pour réaliser des rénovations de haies sous formes de regarnis ponctuels D’autres techniques existent telles que les pailles de lin ou de céréales mais les résultats sont parfois aléatoires selon les aléas climatiques, et l’épaisseur mise en place.Il est indispensable que les plantations et les haies adultes soient protégées du bétail par des clôtures adaptées. Ce qui réduit le risque d’incidents. De plus en plus souvent, il est également nécessaire de protéger les plants contre le gibier notamment les arbres de haut jets susceptibles de produire du bois d’œuvre. Ces gaines individuelles doivent atteindre 60 centimètres pour protéger les plants du lapin et du lièvre et 1,20 mètres dans le cas de chevreuils. Ces manchons présentent aussi l’intérêt de repérer plus facilement les plants et donc de réduire les accidents lors des travaux d'entretien. Ce rôle de protection du bocage fait parti des intérêts du bocage qui sont régulièrement rappelés notamment en région d'élevage. L'investissement pour créer une haie bocagère varie en moyenne de 6 à 13 euros hors taxes par mètre (aides non déduites). Le prix varie selon le type de plantation (à plat ou sur talus) et la nécessité ou pas de protéger les plants contre le gibier.
Informations pratiques
Dans la plupart des départements du grand Ouest, des aides financières pour la mise en œuvre de plantations de haies bocagères existent.Renseignements et inscriptions :- Chambre d’agriculture de la Manche - Service Territoirewww.manche.chambagri.fr (rubrique environnement-boisement) au 02 33 06 49 91.- Chambre d’agriculture de l’Orne au 02 33 31 49 43.
Biblio
- De la haie aux bocages, Jacques Baudry, Agnès Jouin, INRA, 2003.- Les haies rurales, Fabien Liagre, La France Agricole, 2006.