Orne : des échanges vifs entre les JA et la Socopa
La dernière réunion des JA de l’Orne a été l’occasion d’échanger avec le directeur de la Socopa de Gacé, Nicolas Dumesnil. Certains responsables cantonaux n’ont pas caché leurs inquiétudes face à l’avenir.
Peut-on encore s’installer en production bovine ? Telle est la question qu’a posée le président des JA, Guillaume Larchevêque lors de la rencontre avec le directeur des abattoirs de Gacé, Nicolas Dumesnil. Ses collègues ne se sont pas montrés rassurés. “Je suis inquiet pour l’avenir”, affirme Fabien Durand, ironisant auprès du directeur de la Socopa en lui proposant de venir “découper de la viande étrangère dans son établissement quand il n’y aura plus d’éleveurs français”. Le ton était donné. Les éleveurs, responsables JA de leur secteur, ne sont pas restés silencieux.
Nicolas Dumesnil n’a pas voulu se faufiler. “Il n’y a pas de sujet tabou”, assure-t-il devant un auditoire attentif.
La qualité française
En premier lieu, il a dressé le bilan de l’activité de son entreprise qui emploie 200 personnes et dont l’exportation constitue une part importante de l’activité. Par semaine, ce sont 850 bovins qui sont abattus. Concernant les Jeunes Bovins (JB), le marché se situe plutôt à l’export vers des pays historiques comme l’Allemagne, la Grèce et l’Italie. “En Allemagne, on est sur du haut de gamme,” note-t-il. Pour autant, le rayon bœuf représente 10 % alors que le porc se situe à 90 %. Quant aux Grecs, ce sont de gros mangeurs de bœuf qui achète de la qualité. Mais les volumes sont en diminution “parce que c’est un pays qui a vécu au-dessus de ses moyens”. Pour être sûrs d’être payés, les abattoirs attendent le règlement du premier camion avant d’en faire partir un second. Pour l’Italie, les difficultés économiques du pays restent problématiques et la concurrence également, notamment celle de la Pologne. “Même si la qualité n’est pas celle de la France” admet le professionnel.
Un débouché avec Mac Do
En terme de perspectives, Nicolas Dumesnil espère pouvoir garder ses parts de marché en Europe et s’ouvrir vers les pays tiers. C’est le cas avec la Turquie ou la Tunisie. “L’important c’est d’exporter de la viande. Plus il y en aura et plus ce sera facile pour les éleveurs”. Mais le directeur de Gacé n’oublie pas de souligner la géopolitique qui joue un rôle majeur. “Si demain on peut avoir une ouverture avec la Russie, ce sera que mieux pour tout le monde”. Mais le groupe Socopa a aussi préconisé un partenariat avec Mac Do, permettant d’écouler à Gacé 120 JB Laitiers contre une quarantaine au départ. Et sur l’ensemble du groupe, c’est plus de 22 000 bêtes qui sont acheminées avec une espérance de monter à 25 000 pour l’année 2016.
Mais pour valoriser leurs productions, Nicolas Dumesnil conseille aux éleveurs d’aller vers les grandes surfaces directement. “Si vous connaissez un patron d’une GMS, il est prêt à vous donner une plus value”, souligne-t-il, à condition de pouvoir livrer toute l’année. Et de continuer à négocier comme au moment des crises mais en “se battant sur les prix et les volumes aussi”.
“On va crever”
Ces propos ne sont pas du goût des JA. Vianney Leconte comme Sébastien Allais ne l’entendent pas de la même oreille. “C’est vous qui avez les clefs” lance le premier. “On va couler et j’espère que vous allez couler avec nous”, s’insurge le second. “On se moque des producteurs”, poursuivent-ils. “Nous sommes les parents pauvres de la filière”, déplorent-ils. Mais Nicolas Dumesnil ne démord pas. “On sera obligé de se caler sur le prix du marché et non sur le prix de revient”, ne voyant pas d’embellie pour les prochains mois. “Je fais comment pour vivre de mon métier ? Je fais quoi de mes bêtes?,” interpelle Antony Guesnerot.
Un accord tripartite
Se montrant constructif, Guillaume Larchevêque voudrait amener les abattoirs autour d’une table avec les GMS pour finaliser un accord tripartite. “On veut être sûr que vous êtes avec nous,” lance le président des JA afin de pouvoir peser pus fort, notamment auprès des collectivités qui veulent favoriser la production locale dans les restaurations collectives. Guillaume Larchevêque y voit un espoir pour la filière.