Interview
Armand Prod’homme, responsable viande de JA 61 : " Pas d’élevage, pas de paysage "
Armand Prod’homme, 22 ans, est en cours d’installation au Gaec Olo, à Livaie, dans le secteur d’Alençon. Le nouveau responsable de la commission viande des Jeunes agriculteurs arrive au bureau avec une expérience canadienne dans ses bagages.
Armand Prod’homme, 22 ans, est en cours d’installation au Gaec Olo, à Livaie, dans le secteur d’Alençon. Le nouveau responsable de la commission viande des Jeunes agriculteurs arrive au bureau avec une expérience canadienne dans ses bagages.
>> Quel est votre parcours ?
Je suis originaire de Lonrai. Mon père est agent de maîtrise, ma mère vendeuse de prêt-à-porter. Mes grands-parents étaient agriculteurs. J’ai un oncle céréalier dans la Sarthe et un autre éleveur laitier. J’allais en vacances chez lui, j’aidais à préparer les vaches aux comices. J’ai toujours voulu être agriculteur. J’ai suivi un bac STAV au lycée de Sées, puis un BTS Acse en alternance entre La Ferté-Macé et le Gaec Olo, ici à Livaie. Pendant mon BTS, j’ai fait mon stage obligatoire à l’étranger au Canada. Après mon diplôme, j’ai travaillé six mois au CerFrance comme assistant comptable. C’était pour moi un passage obligatoire quand on veut s’installer. Mais je n’aimais pas la vie de bureau, alors je suis retourné au Canada. Avant de trouver un travail dans l’OP Elvéa Normandie. Mon contrat s’est terminé vendredi 28 août.
>> Et quelle est la suite ?
Je suis en cours d’installation au Gaec Olo. Éric Poirier a le droit de partir à la retraite, son fils Antoine ne veut pas garder la ferme tout seul. Et il y a eu l’opportunité de reprendre une ferme à six kilomètres d’ici. Éric et Antoine savaient que je voulais m’installer parce que j’ai monté un projet, qui n’a pas abouti, pendant mon BTS. Alors je commence mon stage création d’entreprise mi-septembre, jusqu’au 31 mars. Et je m’installe le 1er avril avec Antoine. On va passer de 75 Charolaises à 140 ; on garde l’activité naisseur engraisseur vente de bœufs de 30 mois ; tout en bio. La viande est vendue à Unebio.
>> Comment avez-vous commencé chez les JA ?
J’ai commencé avec les comices, on y allait avec les copains. Le président du canton d’Alençon est venu nous chercher, pour que l’on vienne voir ce qu’il s’y passe. Le secteur avait besoin d’être redynamisé. J’ai bien aimé l’entente. Maintenant, nous sommes une bonne équipe de jeunes, motivés. C’est encourageant. Depuis cette année, je suis secrétaire du canton, mais je n’attendais pas devenir responsable de la commission viande. J’ai échangé avec Victorien Girard, l’ancien responsable. Et je me suis dit pourquoi pas, c’est quelque chose de nouveau.
>> Le Ceta est un gros morceau sur la table syndicale (et avec lui le Mercosur). Que rapportez-vous, sur les plans personnel, professionnel et syndical, de vos séjours canadiens ?
Mes séjours au Canada ne m’ont apporté que du positif. Il faut partir à l’étranger, voir ailleurs ! J’ai trouvé la ferme au culot, en regardant dans le herd-book Charolais les éleveurs canadiens. J’ai passé un coup de fil, j’ai été pris. Je garde de très bons contacts avec mes anciens maîtres de stage, ils m’ont fait visiter d’autres fermes. J’ai vu les vaches pâturer. Les troupeaux sont gros, mais il y a de l’espace. On est loin des feed-locks américains. Les éleveurs canadiens importent des génisses françaises et allemandes pour leur génétique. Ils sont à la pointe de la technologie. On a beaucoup discuté du Ceta et j’ai entendu le discours inverse du nôtre. Selon eux, nous sommes gagnants : on exporte notre lait et nos fromages alors que le Canada ne peut envoyer que de la viande produite sans hormone de croissance. Le vrai souci, ce sera de contrôler ce qui circule. Quant au Mercosur, je ne suis pas pour, car ce seront des pays difficiles à contrôler sur leurs exportations.
>> L’installation et la transmission sont deux maîtres-mots chez JA. Pour vous, ça semble fluide. Quels conseils donneriez-vous ?
Pour une installation réussie, je pense qu’il faut savoir se remettre en cause, ne pas se fixer sur son projet. Je voulais créer un atelier porc bio sur paille. Or, la structure que je reprends ne le permet pas. Mais elle permet d’atteindre l’autonomie alimentaire pour les vaches allaitantes. C’était aussi dans les objectifs. Alors on a changé notre fusil d’épaule pour consolider ce qu’on sait faire. Le cédant a aussi accepté qu’on ne reprenne pas son troupeau de vaches laitières, il nous laisse implanter les premières cultures d’ici quelques semaines.
>> Quel défi aimeriez-vous relever pendant vos deux années de mandature ?
J’aimerais revaloriser la viande aux yeux de tous. Faire passer le message que l’élevage n’est pas mauvais pour la planète. Lors de l’élection, nous avons échangé par visioconférence avec les membres du bureau. Beaucoup d’idées sont sorties pour les deux années à venir, comme des actions dans les écoles maternelles et primaires ou des visites d’élevages – quand les règles sanitaires liées à la Covid-19 le permettront. Nous pouvons faire passer des messages aux parents grâce aux enfants. Tout le monde doit comprendre que sans élevage, il n’y aurait plus de paysage.