Au XVIe siècle
Quand le Domfrontais était terre à blé
1727 : l’élection de Domfront est composée de 44 paroisses. Il y croit des blés noirs, appelés sarrasins, qui constituent la principale nourriture de la ville et de la campagne.
1850 : création de la ferme-école de Domfront. Elle va contribuer à la mutation du territoire vers la spécialisation herbagère.
1727 : l’élection de Domfront est composée de 44 paroisses. Il y croit des blés noirs, appelés sarrasins, qui constituent la principale nourriture de la ville et de la campagne.
1850 : création de la ferme-école de Domfront. Elle va contribuer à la mutation du territoire vers la spécialisation herbagère.
Grâce à « Etre paysan dans le Domfrontais (1650-1850) », paru aux Editions « Le Pays Bas-Normand » sous la plume de Sébastien Weil, on en sait un peu plus sur les pratiques agricoles d’une époque où l’homme puisait l’essentiel de sa pitance du règne végétal
Du sarrasin et du seigle
Sans fourrages : point de bestiaux. Sans bestiaux : point d’engrais. Et sans cultures : point de subsistance. Telle est la délicate équation que l’agriculture du XVIe siècle doit résoudre. A cette époque, on est plus cultivateur qu’éleveur. Le sarrasin est au cœur de l’alimentation humaine mais le seigle, céréales des terres pauvres, est aussi adapté au climat local. Il est cependant sujet à l’ergot, champignon pouvant s’avérer mortel tant pour l’homme que pour les animaux.
Pour alimenter l’industrie textile, on y cultive également le chanvre (2 000 hectares en 1813), semé au cours de la seconde quinzaine de mai et arraché en août. Après rouissage dans l’eau courante ou dormante pendant une dizaine de jours, on en extrait la filasse. Un hectare de chènevière (appelé également channevril, chenvril et chenvière) peut produire jusqu’à 1 200 kg de filasse. Le lin est beaucoup moins répandu, on en dénombre à cette même époque une cinquantaine d’hectares.
La haie, le fossé, le poirier et le pommier
Le Domfrontais de l’époque n’est cependant pas un paysage de plaine. La haie, sans en connaître avec certitude ses origines, et le fossé sont omniprésents. Ils assurent une triple fonction : fonction de limite de propriété, fonction de cage, fonction de production. Production de bois de chauffage à défaut de disposer de bois de haute futaie. La notion de « cage » pourrait surprendre en ces temps de cultures mais il ne s’agit pas de parquer les vaches et les moutons mais bien plus d’empêcher les « bêtes fauves » de pénétrer dans les parcelles pour y causer des dégâts. Une fonction assurée également par le fossé auquel il faut ajouter celle de régulateur d’eau.
Que sait-on des origines du poirier de Domfront devenu en 2016 Domfront-en-Poiraie ? Les messages sont contradictoires. « Le pays est peu chargé d’arbres fruitiers », observe l’intendant Lallemant de Lévigen en 1727. Vingt-ans plus tard, Achard de Bonvouloir écrit : « le terrein est partout très planté de poiriers. Peut-être trop parce que les récoltes en grains en sont diminuées en tous tems et qu’il arrive toujours que dans les années où ces fruits abondent, le peuple en perd une partie faute de logement et de fûtailles pour le conserver ». Cette prédominance du poirier par rapport au pommier (3/4 contre 1/4) diminue à mesure que l’on monte vers le nord au point de quasi disparaître aux environs de Flers « Le poirier, pas sa morphologie, permet un labour autour du tronc plus aisé et moins nuisible aux cultures que le pommier. Il maximise la surface cultivable », avance aussi comme hypothèse Sébastien Weil dans son ouvrage.
Les prairies artificielles sur les meilleures terres
« D’après l’Etat statistique de l’arrondissement de Domfront de l’an 1786, les prairies artificielles sont introduites par quelques cultivateurs seulement sur les meilleures terres, précise l’auteur. La prairie artificielle est perçue comme un moyen d’augmenter le cheptel, donc la production de fumier, et ainsi les productions céréalières. Il semble que des progrès aient lieu en moins de 20 ans puisque l’arrondissement, nous renseigne le sous-préfet, a, en 1813, une surface en prairie artificielle (trèfle) de 4 000 hectares sur un total de 18 910 hectares en prairies fauchées ». En 1852, les prairies artificielles composent à hauteur de 7 % le sol du canton de Domfront.
Une ferme de 240 ha
L’apparition, puis le développement de l’enseignement agricole, avec pour point de départ la création de fermes-écoles à partir de 1830 va accélérer cette mutation. « Nous avions à cœur de prouver au pays qu’il n’existe point de mauvaise terres mais bien de mauvais cultivateurs. Ainsi ne fut-on pas peu surpris de voir sur des terres anciennement en friche, des récoltes préférables à celles obtenues sur les premiers fonds, anciennement en culture, mais cultivés d’après les anciens usages. Il fallait des preuves pour confondre la routine et nous les donnâmes », ont écrit les frères Louvel dans « Mémoire sur la ferme-école de l’Orne ».
Imprimeurs de leurs états, ils achetèrent cette propriété au sol humide et marécageux, recouvert de bruyères et de buissons, afin de démontrer à quel point la force et l’intelligence de l’Homme, avec notamment la technique du drainage, pouvaient surmonter les pires situations qu’imposait la nature. Cette ferme-école (240 hectares dont 70 en labour, 50 en prairie et 120 en bois à défricher) était située à 5 km de Domfront, sur la route de Bagnoles-de-l’Orne, « à l’abri de la dissipation des villes ». L’endroit n’a pas changé de nom.