Quelles conséquences sur l’agriculture et l’agroalimentaire normands de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ?
Les effets du Brexit sur l’agriculture normande sont encore très incertains tant que le futur régime commercial entre la France et le Royaume-Uni n’est pas établi. Par ailleurs, la sortie de l’Union européenne (UE) d’un contributeur net conduira à repenser la prochaine PAC.
Le Brexit : une recherche de souveraineté économique
Le 8 février 2017, les députés britanniques ont adopté le projet de loi autorisant la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Cette décision fait suite au referendum du 23 juin 2016 par lequel le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a voté en faveur de la sortie de l’UE (51.9 %). L’objectif est la recherche d’une souveraineté économique et politique.
Theresa May, Premier ministre, a annoncé vouloir déclencher l’article 50 en mars 2017 pour une séparation début 2019 avant les élections du Parlement européen de juin 2019. Signifiant une sortie totale du marché unique européen, la voie du hard Brexit a été privilégiée. Par ailleurs, la volonté écossaise de rester dans l’UE complique l’analyse des conséquences d’une séparation partielle où l’Ecosse resterait dans l’Union.
Fondé sur un objectif de souveraineté économique, le Brexit met fin à la libre circulation des personnes, des capitaux, et des marchandises jusqu’ici autorisée par l’UE.
La fin de la libre circulation des personnes interroge l’avenir des travailleurs étrangers en Grande-Bretagne ainsi que des travailleurs britanniques installés dans l’UE. Aucune décision politique n’a aujourd’hui été prise à ce sujet.
La fin de la libre circulation des capitaux et de l’autorisation de la City londonienne d’effectuer des opérations en euros (le « passeport européen ») pourrait contraindre les entreprises financières à se délocaliser sur le continent.
Le Brexit pose également la question du rétablissement de barrières douanières. Les droits de douane européens, peu importants pour l’industrie (moins de 2 %), sont plus significatifs pour les produits agricoles et notamment les produits animaux (20 à 50 %) et le sucre. La suppression du principe de préférence communautaire permettra au Royaume-Uni de choisir ses fournisseurs. Les produits laitiers européens se retrouveraient en concurrence avec les produits néo-zélandais et la viande européenne avec la viande australienne ou américaine. La question de la sortie des traités commerciaux internationaux se pose de manière très technique. Le Royaume-Uni devra négocier des accords bilatéraux avec chaque pays membre de l’Union européenne.
Le Royaume-Uni et la Normandie : quelles perspectives commerciales dans le secteur agricole ?
Le Royaume-Uni est le 3e client européen de la France et son 6e fournisseur de produits agroalimentaires. L’excédent commercial agroalimentaire est de trois milliards d’euros en faveur de la France. Les perspectives commerciales dessinées par le Brexit sont donc cruciales.
Une chute de la livre sans précédent
L’annonce du Brexit a inquiété les marchés monétaires. La cotation de la livre sterling avait commencé à baisser avant le vote et a chuté à 1.24€/£ au lendemain du référendum. Cette chute s’est poursuivie lorsque Theresa May a annoncé son choix d’un hard Brexit le 2 octobre 2016 (graphique).
La livre atteint ainsi son plus bas niveau depuis le milieu du 19e siècle selon la Banque d’Angleterre. Cette dépréciation de la livre sterling a un impact négatif pour les produits européens, désormais plus couteux à importer pour les britanniques.
La Normandie, au cœur des relations commerciales franco-britanniques
Les principaux produits exportés par la France au Royaume-Uni sont les pommes, le vin et les produits laitiers. Portée par l’exportation de fromages, la France est le deuxième fournisseur de produits laitiers derrière l’Irlande (700 millions d’euros en 2015).
La Normandie, de par sa position géographique est présente sur le marché des produits laitiers au Royaume-Uni. A titre d’illustration, l’usine Danone basée à Ferrière-en-Bray (Seine-Maritime) consacre la quasi-totalité de sa production (yaourts « Activia », fromages frais « Activia fromages », et petits suisses) à l’export Outre-Manche. Employant 330 salariés, ce site collecte près d’un millier d’éleveurs normands.
La dépendance britannique
La production agricole du Royaume-Uni, estimée à 26 milliards d’euros en 2015, ne représente que 7 % du total européen pour 13 % de la population. Ainsi 60 % des produits alimentaires britanniques sont importés. C’est le déficit commercial le plus élevé des 28 pays membres de l’Union européenne.
Les effets négatifs du Brexit sont toutefois à nuancer pour deux raisons :
- les produits français restent attractifs en raison de leurs qualités gustatives et sanitaires ;
- alors que la consommation alimentaire est par nature relativement incompressible, les produits français qu’importe le Royaume-Uni sont faiblement substituables (vins et fromages notamment).
Le Brexit aura un impact sur les prochaines négociations de la PAC
Le Royaume-Uni bénéficie aujourd’hui de 7 milliards d’euros de fonds européens dont 3.9 milliards d’euros au titre des aides de la PAC. Depuis l’élargissement aux Pays d’Europe Centrale et Orientale, le Royaume uni est devenu contributeur net au budget européen.
Son retrait implique une coupe de 3 milliards d’euros des aides PAC, soit 5 % du budget alloué à l’agriculture.
Le Brexit ouvre alors deux voies qui impacteront chacune à leur façon l’agriculture française et normande.
La première piste est de répartir la charge financière issue du Brexit entre les États membres de l’Union européenne. La perte de la contribution nette du Royaume-Uni serait alors absorbée par chacun des États membres soit en augmentant sa contribution, soit en réduisant le soutien à ses agriculteurs.
La seconde piste serait de profiter de cette nouvelle contrainte budgétaire pour refonder la PAC. Le Brexit serait l’occasion de renégocier la contribution des Etats, repenser chacun des piliers… La sortie du Royaume-Uni va peser sur le plan diplomatique. Son départ peut constituer une opportunité pour la France qui pourra peser davantage dans les négociations de la prochaine PAC, d’autant plus que l’absence des voix britanniques affaiblirait le camp libéral et les lobbys écologistes, laissant davantage de poids aux voix plus régulatrices.