Santé
Quels cancers touchent le plus les agriculteurs français ?
Le Centre de lutte contre le cancer François Baclesse à Caen (14) mène une étude sur les cancers en milieu agricole et sur l’incidence, notamment, de l’exposition prolongée aux pesticides. Décryptage des données, ce qu’il faut retenir de l’enquête, la cohorte Agrican.
Le Centre de lutte contre le cancer François Baclesse à Caen (14) mène une étude sur les cancers en milieu agricole et sur l’incidence, notamment, de l’exposition prolongée aux pesticides. Décryptage des données, ce qu’il faut retenir de l’enquête, la cohorte Agrican.
Glyphosate, néonicotinoïdes, sodium… les pesticides autorisés en France sont multiples. On en dénombre plus de 1 000, issus de près de 100 familles de produits. Que vous soyez en contact direct avec ces substances ou que vous soyez confrontés à une exposition indirecte, les conséquences sur la santé peuvent varier sans être pourtant jamais clairement identifiées comme telles.
C’est pourquoi des scientifiques se sont emparés du sujet en 1995 en créant une première cohorte de 6 000 agriculteurs dans le Calvados, puis fin 2005 avec la cohorte Agrican – qui résulte de la contraction des mots agriculture et cancer –, étendue à onze autres départements. Il s’agit d’une enquête massive, menée – entre autres – par le Centre de lutte contre le cancer François Baclesse (14), sous la direction de Pierre Lebailly, en collaboration avec les universités de Caen et de Bordeaux, ainsi que la MSA. C’est « la plus grande étude au monde conduite sur les cancers en milieu professionnel agricole », expliquent ses organisateurs. Un projet inédit face à la « très mauvaise surveillance de l’état de santé en France », constatée par le chercheur Pierre Lebailly. Les résultats publiés en 2020 ont notamment été présentés lors de l’assemblée générale du Syndicat de race Prim’Holstein du Calvados, en mars 2022. Un nouveau bulletin est attendu pour 2023.
Cancers de la peau et de la prostate
Au niveau national, le cancer de la peau (mélanome) semble être l’un des plus répandus au sein du panel, composé de 182 000 affiliés MSA (actifs ou retraités). Il l’est plus particulièrement chez les femmes. Ce type de cancer est 29% plus fréquent que pour la « population générale ». Le cancer de la moelle osseuse, appelé myélome multiple, est aussi observé de manière plus dense chez les exploitants ou retraités agricoles : 20% de plus chez les hommes et 21% de plus chez les femmes que chez le reste de la population.
En outre, ce n’est plus une surprise, le cancer de la prostate fait également partie des cancers les plus fréquemment observés sur la cohorte, entre 2005 et 2015. Plus globalement, c’est le cancer le plus répandu chez l’homme en France avec plus de 50 000 nouveaux cas par an. L’enquête a démontré que l’usage d’insecticides, tels que les antiparasitaires sur les bovins, présente un excès de danger. D’autres circonstances d’exposition aux pesticides sont sous estimées par les agriculteurs : « pour les éleveurs, ils ne pensent pas être touchés lors de la manipulation des semences enrobées. Or il y a une exposition réelle. Des gestes assez simples peuvent être mis en place. Pour le maïs : éviter de rouler le sac sur soi par exemple, mettre des gants, etc. », ajoute Pierre Lebailly. Le risque de cancer de la prostate est doublé chez les arboriculteurs lorsqu’ils traitent chimiquement leurs parcelles de plus de 25 ha.
Causalité cancer/pesticide
Si le cancer touche toujours plus de personnes d’année en année et représente entre 20 et 25% des décès en milieu agricole, selon les départements, l’étude Agrican démontre que les agriculteurs ont toutefois une plus grande espérance de vie que le reste de la population. Mesurer le rôle de l’exposition aux pesticides est difficile car « la plupart sont généralement éliminés assez rapidement de l’organisme », expliquent les scientifiques. Les critères retenus se basent donc sur la durée d’exposition au cours de la vie de l’agriculteur, la taille de la surface exploitée et le nombre d’animaux élevés. « On essaye de voir s’il y a des liens », remarque Pierre Lebailly. Cela permet de faire une passerelle entre exposition et apparition de symptômes et de déterminer si un produit est facteur de risque ou non. Le tabac, par exemple, demeure le facteur de risque le plus important de cancer des poumons.