Après la tuberculose bovine
« Redémarrer l’élevage », le leitmotiv d’Étienne Marie
Étienne Marie s’est installé à 25 ans dans le Gaec familial, à Tournebu (Cesny-les-Sources), en 2017. Un an après, trois animaux sont détectés positifs à la tuberculose bovine. Après abattage du troupeau, le jeune agriculteur a sillonné la France pour reconstruire son cheptel. Alors que cette année sept foyers ont été déclarés, l’éleveur témoigne.
Étienne Marie s’est installé à 25 ans dans le Gaec familial, à Tournebu (Cesny-les-Sources), en 2017. Un an après, trois animaux sont détectés positifs à la tuberculose bovine. Après abattage du troupeau, le jeune agriculteur a sillonné la France pour reconstruire son cheptel. Alors que cette année sept foyers ont été déclarés, l’éleveur témoigne.
Un jour de mars 2018, Étienne Marie, jeune agriculteur d’alors 25 ans, installé depuis un an, reçoit un coup de fil inattendu. Une de ses bêtes est suspectée d’avoir la tuberculose bovine. L’éleveur, associé avec ses parents et son frère à Tournebu, n’est pourtant pas dans la zone de prophylaxie. Le diagnostic vient de l’abattoir. Après analyses, le couperet tombe : la vache est positive. Deux autres le sont aussi. Les 280 animaux de l’élevage vont être abattus. « C’est le coup de massue. On avait construit une stabulation neuve pour mon arrivée dans le Gaec, on avait des emprunts par-dessus la tête, on venait d’acheter un taureau et 20 vaches du berceau de la race », relate-t-il, trois ans plus tard. Au-delà du matériel, Étienne Marie décrit la « souffrance de voir partir ses animaux. On faisait du concours, les bêtes étaient dressées, on y était attachés ».
Pour l’expertise, fournir les preuves
Car c’est bien cet aspect sentimental qu’il est difficile d’estimer. « On avait dix ou quinze ans de travail génétique, des mères qui produisaient des veaux qu’on emmenait en concours tous les ans. C’est très compliqué. » Les associés comptent sur le soutien moral de leur entourage, famille et voisins. « On a eu peur pour l’expertise. » Ils nomment deux experts : Etienne Gavart, directeur du GDS, et M. Dollion, éleveur. L’estimation « à l’œil dure une trentaine de minutes. Ensuite, on s’est enfermé tous les trois pendant sept heures dans le bureau ». Ils épluchent les factures d’achat et de vente, les bilans comptables, les suivis de pesées et génétiques. « Dans notre malheur, heureusement que nos bêtes étaient inscrites au herd-book Charolais. Ça s’est très bien passé. » A partir de ce jour-là, quand l’expertise est faite et même si elle n’est pas validée, les bêtes peuvent partir. Le hic arrive du ministère de l’Agriculture, qui retoque le montant. « Il ne faut pas se braquer. Nous avons fourni toutes les preuves, nous avons été transparents. On ne cherchait pas à faire une plus-value, mais à avoir les moyens de retrouver la valeur génétique du troupeau. » Un accord est trouvé.
« Je remercie le GDS »
Aux alentours du 20 avril 2018, tous les animaux sont partis. Les bâtiments, vides, sont désinfectés. « C’est rapide. » Étienne Marie n’a plus qu’un leitmotiv : « repartir. Je suis jeune, plus motivé que jamais. Je me suis jeté dans les papiers pour repeupler ». Il prend alors sa voiture et avale les kilomètres « pour éviter de broyer du noir ». Il visite des élevages dans le Nord, l’Allier, la Vendée, les Deux-Sèvres. « Un jour, le technicien du herd-book m’appelle pour me dire qu’un éleveur arrête. J’apprends qu’un autre du même département veut vendre son cheptel en urgence, car il a de gros soucis de santé. J’y suis allé. Ça s’est joué en deux jours. » Étienne Marie apprécie les animaux, leur génétique, leurs qualités maternelles et de production, leur docilité. « Tout était carré, chiffré. » Banco, il achète une soixantaine de mères dans chacun des deux élevages. « Je tiens à remercier le GDS, qui nous a fait une avance de trésorerie pour repeupler, car nous n’avions pas reçu le chèque du ministère. Il nous a apporté un grand soutien moral et financier. »
« Ça aide à dormir tranquille »
Les animaux arrivent dans le Calvados entre le 20 juin et le 10 juillet. Le vide sanitaire de six mois dans les parcelles est révolu. « Il faut s’adapter au nouveau troupeau. Les vêlages n’étaient pas groupés. J’ai mis trois ans pour recycler les vaches. » Étienne Marie s’appuie sur les conseils d’un des anciens éleveurs, s’attache aux animaux - « sans oublier les anciens » - se plonge dans les croisements. « On travaille avec du vivant. Mais, aujourd’hui, les vaches produisent comme avant. D’ici deux ans, je n’aurai plus que des élèves. » L’éleveur a repris les concours et a même réalisé une « super sortie » à celui de Varaville l’année dernière, organisé à huis clos pour cause de Covid-19. « Ça met du baume au cœur. » Tous les ans, et pour quelques années encore, il passe la prophylaxie de la tuberculose. « On a trois jours compliqués, mais on n’a pas eu une seule douteuse en trois ans. On a mis des doubles clôtures. Ça aide à dormir tranquille. » Quand il voit la recrudescence de cas cette année, il « espère que cette campagne va permettre d’assainir la zone. » Et de conclure : « je souhaite beaucoup de courage aux éleveurs touchés cette année. Mais on s’en remet. Chez nous, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir ».