Lutte collective contre les rongeurs aquatiques
Rémunérés pour piéger les ragondins
Une expérimentation, menée cette année dans la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d’Auge avec le Département, vise à renforcer la lutte contre les ragondins et les rats musqués. Équipés, les piégeurs sont aussi rémunérés.
Une expérimentation, menée cette année dans la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d’Auge avec le Département, vise à renforcer la lutte contre les ragondins et les rats musqués. Équipés, les piégeurs sont aussi rémunérés.
Deux cages, une paire de gants, du gel hydroalcoolique et des sacs d’équarrissage : c’est le kit remis par la Fredon* aux piégeurs, mardi 8 décembre après-midi à Dives-sur-Mer. La réunion de présentation du dispositif de lutte collective contre les rongeurs aquatiques s’est tenue dans un hangar de la communauté de communes Normandie Cabourg pays d’Auge (NCPA). L’interco finance largement : prise en charge du matériel, de l’animation par la Fredon et d’une partie de l’indemnisation aux piégeurs, complétée par le Département. Cinq euros seront payés par animal pour compenser le temps passé à relever les cages chaque jour et les frais de transport des cadavres aux points de collecte.
Solution d’équarrissage
Une dizaine de piégeurs et chasseurs sont présents. Les uns derrière les autres, ils récupèrent leur matériel, après avoir signé la charte de bonnes pratiques. La plupart piègent déjà les ragondins et les rats musqués, les deux espèces visées. Ludovic Léon, chasseur de gibier d’eau à Bavent avec trois amis, piège et tire chaque saison « entre 50 et 70 » ragondins qui percent les mares de son gabion. À sa suite, Maurice Suzanne, ancien ouvrier agricole, chasse, lui, à Merville-Franceville, Gonneville-en-Auge et Le Hom-Varaville, souvent à la demande des agriculteurs, qui le dédommagent en contrepartie. Il laisse les cadavres des rats dans les fossés où il les a tirés. « Le financement par la NCPA apporte aux piégeurs une solution d’équarrissage », précise Déborah Eudes, coordinatrice espèces exotiques envahissantes à la Fredon Normandie. Trois points de collecte sont en cours d’installation, à Goustranville, Bavent et Saint-Samson. Les piégeurs seront invités à déposer les animaux dans le congélateur puis dans le bac d’équarrissage lorsque les 40 kg sont atteints. Un registre permettra ensuite à la Fredon d’évaluer la rémunération pour chaque piégeur.
Dégâts et leptospirose
La convention expérimentale d’un an qui lie le Département, NCPA et Fredon Normandie ne précise pas d’objectif en nombre d’animaux à piéger. « On verra », hasarde Déborah Eudes. Aucun recensement de ces populations n’existe, « mais quand on commence à voir des animaux nocturnes en pleine journée, c’est qu’il y en a beaucoup », justifie la coordinatrice. « À la réserve de Saint-Samson, on en tue entre 200 et 300, révèle Antony Robin, technicien cynégétique secteur nord-est de la Fédération des chasseurs du Calvados. Les ragondins provoquent beaucoup de nuisances, font des brèches dans la digue qui finit par céder, ça occasionne des travaux ». L’animal véhicule aussi la leptospirose, particulièrement dangereuse pour les animaux domestiques et les humains.
Étendre l’expérimentation
La lutte collective est inscrite dans un arrêté préfectoral de 2015 la rendant obligatoire, mais aucun financement n’y est associé. « C’est la volonté des élus locaux », se réjouit Déborah Eudes, « le piégeage est un investissement personnel, c’est normal qu’il y ait une indemnisation ». Les 39 communes de l’interco sont concernées. Certains souhaiteraient pouvoir piéger dans d’autres communes du bassin de la Dives. « Vous faites l’exemple, leur répond Déborah Eudes, ça va faire des émules et on arrivera à mobiliser d’autres financements ». Une journée de distribution de kits est prévue vendredi 18 décembre, d’autres distributions auront lieu en janvier.
* Organisme à vocation sanitaire dans le domaine du végétal, en charge, entre autres, de la coordination des luttes collectives contre les nuisibles dans le Calvados.
Jean-Philippe Mournaud est chargé du dossier des ragondins à la FDSEA, il siège aussi à la Fredon où il est élu à la section Calvados. Après une intervention conjointe, Fédération des Chasseurs, Chambre d’Agriculture et FDSEA, auprès des élus locaux en 2019, il salue l’initiative de la communauté de communes Normandie Cabourg Pays d’Auge qui devient zone test. La liste des dégâts est longue : « c’est une espèce très invasive qui colonise les points d’eau et massacre les berges, avec les risques d’inondations que cela comprend ». La perte économique est réelle pour les éleveurs puisque les ragondins mangent l’herbe au bord des fossés et dans les champs, et qu’ils s’attaquent aussi aux cultures. S’ajoutent les dangers sanitaires de ce porteur de la leptospirose, « les animaux et les humains peuvent l’attraper, nos chiens sont vaccinés, mais ne sont pas protégés à 100% ». Récemment, « des ragondins sont percutés par des voitures à Varaville, imaginez si cela s’était passé avec des motards… ». Le problème va plus loin, « dans certains lotissements, des personnes pensant bien faire, les nourrissent. Un enfant ou un adulte pourrait finir par se faire mordre, car il sait se défendre. » Le phénomène est devenu « un problème public ».
10 à 12 000 ragondins
« Ce n’est pas simple, admet l’élu, il faut un minimum de carcasses pour faire venir l’équarrisseur et que quelqu’un s’en occupe. Il faut aussi des congélateurs pour les stocker, sans parler du problème des odeurs à anticiper ». Éleveur dans les marais de la Dives, à Brucourt, lui-même les tire au fusil, faute de temps pour le piégeage.
À la suite de l’interdiction des pièges au bidon et du désintérêt pour les peaux, sans parler des zones non chassées, « les ragondins n’ont pas été dérangés, ce qui explique leur prolifération exponentielle sur le territoire. Aujourd’hui, il y en a partout. J’espère que dans un ou deux ans, on pourra dire que c’était la bonne solution. » Il table, lors de cette campagne, sur l’éradication de 10 à 12 000 animaux et rappelle l’importance d’enlever les cadavres : « on ne doit pas les laisser dans les mares ou les fossés parce que les animaux d’élevage ainsi que la faune sauvage vont y boire ».