Nécrologie
Roger Sineux, la crème et les hommes
Lundi 6 avril, Roger Sineux s’est éteint. L’homme de 89 ans, connu dans le pays d’Argentan pour sa crème fraîche, était un meneur d’hommes, un compagnon de route apprécié au sein de la famille de la FDSEA de l'Orne.
Lundi 6 avril, Roger Sineux s’est éteint. L’homme de 89 ans, connu dans le pays d’Argentan pour sa crème fraîche, était un meneur d’hommes, un compagnon de route apprécié au sein de la famille de la FDSEA de l'Orne.
Roger Sineux est né en 1931. Il était agriculteur à Tanques, près d’Argentan. L’éleveur laitier « était un exploitant reconnu par ses pairs. Un chef d’entreprise efficace », décrit Maurice Droulin, agriculteur et syndicaliste retraité, compagnon de route de Roger Sineux.
Précurseur
Roger Sineux, agriculteur « précurseur », s’accordent à dire ceux qui l’ont connu. « En 1971, son exploitation comptait 65 Normandes et 105 ha, c’était une grosse structure pour l’époque. Roger Sineux voyageait pour aller voir ailleurs comment on travaillait, se renseigner sur les nouvelles technologies », retrace Blandine Grindorge, qui a repris la ferme de la Noé, à la suite de M. et Mme Sineux. Régis Chevallier, à l’époque chez les Jeunes agriculteurs et membre du conseil d’administration de la FDSEA, corrobore : « il avait l’un des plus gros troupeaux de l’Orne. Il était curieux, s’informait beaucoup, dans le domaine de l’agriculture mais pas que ». « Très tôt, Roger Sineux a livré du lait cru, il était en avance sur les circuits courts », s’amuse Maurice Droulin. Les Argentanais et habitants du pays lui doivent la crème fraîche Sineux, marque reconnue, « qu’il a travaillée pour sa qualité, avec professionnalisme ». « Nous lui avons demandé l’autorisation de garder le nom de la crème crue. Nous n’avons pas changé la méthode de fabrication, qui est la même depuis les années 1970 », reprend Blandine Graindorge. Elle souligne : « la crème crue Sineux, c’est aussi sa femme Colette qui la mettait en pots. C’est un travail de couple ».
Convictions et consensus
Roger Sineux a fait partie d’un autre couple, sur le front syndical celui-ci. « Nous avons partagé plus d’une dizaine d’années de vie commune au bureau de la FDSEA », reprend Maurice Droulin. Il réfléchit - « ça remonte » - et situe : « il a été trésorier et vice-président de la FDSEA, lorsque j’étais secrétaire général puis président, des années 1974 à 1990. » Mais certains combats restent gravés, à une époque où le syndicalisme montait sur le front des manifestations : « nous avons traversé une époque mouvementée pour les producteurs de lait, nous avons connu l’instauration des quotas laitiers en 1984. C’était un choc. Fort. Roger était un meneur d’hommes, bon orateur. Il savait fédérer, mobiliser ». Régis Chevallier se rappelle de Roger Sineux que « c’était lui qui parlait devant les préfectures en manifestation. Lui qui animait les adhérents, même avant les quotas ». L’éleveur était libéral, « la commission structure n’était pas sa tasse de thé, sourit Régis Chevallier. Il y avait des débats très durs à la fédé. Roger défendait son point de vue, affirmait ses positions mais il suivait le consensus lorsqu’il était acté. » Ce qu’il détestait ? « L’administratif ! Il n’aimait pas être dirigé par la fonction publique et haïssait la bureaucratie de Bruxelles à Argentan. Il attaquait dur… » Maurice Droulin reconnaît en lui un recruteur, « sûr de lui, fidèle dans ses engagements et ses amitiés ». Il ajoute : « Roger était un compagnon de route agréable et efficace ».
Récompensé
« Roger Sineux faisait référence dans le département. Il était un très grand travailleur, reprend Régis Chevallier. Il ajoute, espiègle : « et un gros dormeur ! il s’endormait souvent en réunion ». À la retraite, le couple Sineux vend l’exploitation une première fois, avant que les Graindorge ne reprennent la Ferme de la Noé, en janvier 2009. « Je crois que Roger était soulagé. C’était un homme simple, avec lequel il était facile de parler. Il a continué de venir à la ferme pour aider. Au fur et à mesure des projets, il venait voir l’évolution des constructions, des technologies qu’on mettait en place. » Anne-Marie Denis d’ajouter : « Roger Sineux était un vrai personnage du syndicalisme. Peut-être était-il même le messager des EGA, dont il n’a eu besoin pour inventer le retour de la valeur par le local. » Roger Sineux a été nommé Officier du Mérite agricole puis Chevalier de l’Ordre national du Mérite. « C’était un passionné. Il a beaucoup œuvré pour la promotion et la défense des métiers de l’agriculture. Il faisait partie de la famille de la FDSEA », conclut Régis Chevallier. En période de crise liée au Covid-19, l’inhumation de Roger Sineux a eu lieu dans plus stricte intimité familiale.