« Un mandat pour apprendre, un deuxième pour faire » et plus si affinité
Alain Lenormand est maire de La Ferrière-Bochard et président de l’Association des maires de l’Orne (AMO). Il assure son septième mandat, dont quatre de maire. Et milite pour valoriser le statut de l’élu.

>> Quelle est la fonction de maire ?
Le maire est le serviteur de l’État, au premier niveau. Mais nous devons faire face à plusieurs problèmes. D’abord celui de recruter des maires jeunes : les personnes sortent de l’école de plus en plus tard, trouvent un emploi, se marient et commencent à avoir du temps libre à 45 ans. Ensuite celui de la perte de compétence des maires au détriment des collectivités et des intercommunalités. On ne joue plus le rôle de maire comme avant. Nous sommes dans une période en quête de stabilité, car, depuis dix ans, on perd en pouvoir décisionnel : mise à part la voirie, nous n’avons plus beaucoup de compétences. Des personnes arrêtent, car elles se sentent abandonnées par les CDC.
>> Comment remédier à ce déclin d’intérêt ?
En redonnant de la valeur à la fonction. Je pense qu’il faudrait instaurer un statut de l’élu. Les réunions d’intercommunalité tombent parfois en journée. Quand on est salarié, il faut prendre du temps de repos et donc empiéter sur son salaire. La reconnaissance pourrait passer par une valorisation du temps consacré à la commune dans le calcul de la retraite. Dans l’Orne, 60% des communes comptent moins de 500 habitants. À la mairie, on joue l’assistante sociale de la population, sans moyens financiers. Je pense que nous avons trop d’élus « potiches », qui sont là pour compléter les listes, avec lesquels nous ne pourrons jamais travailler. Il manque un budget communal alloué à la formation des élus. En tant que président de l’AMO, j’ai prévu quatre journées de formation pour les jeunes élus, sur le thème de la médiation : tous les jours, on désamorce des bombes.
>> Les services de proximité, un enjeu crucial…
Je mène un combat féroce pour les conserver. Je pense par exemple au renouvellement des cartes d’identité : il faut souvent rouler plus de quinze kilomètres, à trois reprises. Les personnes âgées sont résignées à les renouveler car elles se déplacent peu. Elles seront les nouveaux sans-papiers de demain. Je me bats pour qu’au moins le retour de la carte se fasse dans la mairie de domiciliation. Nous faisons face à des problèmes de dématérialisation, à des problèmes de réseau. On veut faire évoluer les pratiques trop vite, mais il faut une génération pour changer.
>> Question de proximité aussi, comment les élus peuvent-ils remettre du local au menu des cantines ?
La première des choses, c’est le bon sens. Pour remettre du local dans les cantines, il faut assouplir les règles de transport des produits réfrigérés par exemple. Certaines communes ont encore la main. D’autres, comme la nôtre, n’ont plus la compétence, car elle est passée à la communauté urbaine d’Alençon. Le prix à l’unité des repas est calculé selon le quotient familial. À la sortie de l’école, les parents comparent le coût du repas et constatent qu’ils ne paient pas la même chose. C’est fort désagréable.
>> Comment constitue-t-on une équipe municipale ?
Il faut se positionner géographiquement : un secteur = un élu. Il faut que toutes les professions soient représentées, y compris les retraités. C’est ce qu’il y a de plus difficile. L’âge propice est 50 ans, il laisse aux élus la possibilité de faire plusieurs mandats : un pour apprendre, un pour faire.