"Un redressement judiciaire peut être salutaire"
Émilie et Lucas*, parents d'une trentaine d'années, se sont installés en Gaec en 2021, dans le bocage ornais. Entre investissements et problèmes sanitaires à tout va (paratuberculose, mammites...), ils se sont retrouvés avec une dette de 150 000 € et la tête sous l'eau. Pour s'en sortir, ils ont fait appel à la cellule Réagir.
Émilie et Lucas*, parents d'une trentaine d'années, se sont installés en Gaec en 2021, dans le bocage ornais. Entre investissements et problèmes sanitaires à tout va (paratuberculose, mammites...), ils se sont retrouvés avec une dette de 150 000 € et la tête sous l'eau. Pour s'en sortir, ils ont fait appel à la cellule Réagir.
C'est l'histoire d'un couple installé hors cadre familiale, en 2021 avec l'envie de produire du lait, dans un secteur réputé pour, le bocage. Dès le départ, "des signaux auraient pu nous alerter" À l'installation : les avortements, mortalités, diarrhées, mammites à répétition, des antibiotiques retrouvés dans le lait...
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Pour s'en sortir, des travaux
"Les débuts ont été laborieux. Nous pensions malgré tout que c'était le lot de tous nouveaux installés. La soixantaine de laitières et les quelques allaitantes avaient l'air en forme lors de nos visites et notre étude économique tenait la route. C'était sans compter les maladies à répétition et l'arrivée de la paratuberculose, dès la première année", relatent Émilie et Lucas*. Ils ont signé leur emprunt pour 692 000 l de lait, référence laitière malheureusement non respectée. Très vite, le couple s'aperçoit qu'un changement radical doit être opéré sur la ferme : la modification de la salle de traite et le puits de surface, infiltré par les eaux de cours et de routes, LA raison des diarrhées et maladies à tout va.
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"Les meilleures laitières étaient celles qui tombaient malades les premières..."
"Il nous fallait une aide de la banque pour mettre en place un forage et ainsi assainir l'exploitation." Aide refusée catégoriquement par cette dernière. "Notre conseillère nous a bien fait comprendre qu'avec nos retards de paiements et les factures qui s'accumulaient (nous n'avions pas le choix à la vue de la casse sanitaire qu'il y eut), elle refusait de nous suivre", déplorent les éleveurs, parents de plusieurs enfants en bas âge. "LA clef pour rebondir était le forage, j'ai donc lancé les travaux, avec ou sans la banque, abonde Émilie. Un mois après cet investissement de 14 000 €, subventionné par la Chambre, plus aucune casse, des vêlages corrects, des veaux et des mères en forme, pas de diarrhées !" La facture vétérinaire est passée de 2 000 € à 200 € par mois environ et "Atemax, on ne les voit quasiment plus. Nos bêtes ne souffrent plus !"
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À l'aide
Malgré cela, les dettes augmentent et la banque tape au carreau. "Les enfants aussi en pâtissent, ils savent. Lorsqu'à deux jours de Noël, aucun cadeau n'a été acheté car les fonds ne sont pas disponibles, qu'il faut se serrer la ceinture pour tout, nous étions désemparés. Il fallait rebondir, pour nos enfants, pour nous, pour notre élevage." Émilie lance une demande de dérogation pour travailler à l'extérieur, étant en Gaec avec son mari, "il fallait trouver une solution puisque sans l'aide de la banque, nous nous retrouvions le bec dans l'eau". Puis, le couple fait appel à Réagir, cellule d'aide gratuitement dispensée aux agriculteurs en détresse [voir article Une équipe prête à "Réagir" aux difficultés des exploitants dans l'édition du 3 octobre]. "Quelle que soit la difficulté, il faut en parler, témoigner, bouger ! Ne pas se laisser abattre, c'est primordial, surtout dans notre profession", alertent Émilie et Lucas, en redressement judiciaire. "Ce n'est pas un gros mot, c'est une aide qui peut être salutaire nous permettant d'éponger notre dette de 150 000 €", insiste l'éleveuse, suivie psychologiquement depuis quelques mois. Pas moins de quinze séances lui ont été proposées gratuitement par la MSA.
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"Le redressement judiciaire nous aide en bloquant la totalité des prêts durant six mois renouvelables. Une vraie bouffée d'oxygène."
Une aide technique et aussi proposé par un conseiller Chambre. "Il faut se détacher des étiquettes péjoratives que l'on peut donner à la DDT, à la MSA ou bien à la Chambre. Ils ont été là pour nous", insiste le couple, se donnant l'opportunité de racheter de nouvelles bêtes pour augmenter la référence laitière, "mais aussi deux ou trois ans pour sortir de beaux bilans. Nous allons relever la ferme, c'est une certitude".
*Prénoms d'emprunts